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#35 – Une enfance particulière

Bonjour,

Avant de raconter mon histoire, il est important de savoir que j’ai mis énormément de temps à me décider. Quand je parle de mon adoption, il y’a souvent un malaise à l’intérieur de moi, quelque chose qui ressemble à du mal-être et qui est sûrement lié à ce que j’ai vécu.

Je suis né au Brésil, au nord-est, dans une petite ville située à proximité de Joâo Pessoa. Je ne sais absolument rien de ma famille biologique, d’après ce que l’on m’a dit, j’ai été retrouvé dans un carton, tout près d’une favéla. La personne qui m’a trouvé était un juge d’orphelinat. Mes parents adoptifs sont arrivés et ont effectué une adoption plénière. On leur a dit qu’on ne savait absolument rien de moi. 2 semaines plus tard, je suis arrivé en France, dans une petite ville du sud à proximité de Montpellier. J’ai su que j’étais adopté dès que j’ai été en âge de le comprendre. J’ai eu une enfance très particulière.

Confronté au fait que mes parents adoptifs m’ont éduqué à la dure, afin d’être un enfant modèle, et m’ont fait comprendre que tout ce que j’avais avec mon pays de naissance c’était ma couleur de peau, mais que je devais être un enfant parfait comme eux le souhaitaient, car j’étais devenu français, qu’ils m’avaient « sauvé » de la misère, que je devrais me battre pour être accepté.

J’ai eu une grande abondance matérielle, les meilleures écoles privées, où j’ai connu, dès l’âge de 6 ans mes premières remarques racistes. Je devais bien travailler sinon ma mère aurait « honte de moi ».

Puis ma mère a fait une dépression, elle a fait une fausse couche, et elle est devenue violente, elle m’a frappé, puis m’a souvent dit qu’elle regrettait de m’avoir adopté, que si elle avait su «  elle aurait mieux fait de se couper les jambes plutôt que d’être venue me chercher ». Mon père n’était pas très présent, il travaillait beaucoup. En grandissant, les coups ont cessé car elle se faisait mal, à force de me frapper. Non content de ne pas me trouver une identité, un but dans la vie, une place dans ce monde, j’ai quand même tenu bon. Sans doute grâce à mon chien qui est le seul être qui me défendait pendant les crises de folie de ma mère.

Aujourd’hui après de nombreuses années de travail sur moi-même je me reconstruit, j’apprends à vivre et à avancer. Je témoigne mon expérience car j’ai passé une bonne partie de ma vie à me sentir extrêmement seul, a l’intérieur de moi. Je n’ai pourtant jamais baissé les bras, alors que pendant des années j’étais convaincu que l’enfance que j’ai passé était « normale ». Je préfère garder l’anonymat car je ne me sens pas encore prêt à assumer mon histoire. Merci pour la lecture de mon témoignage.

Vous aussi vous souhaitez partager un bout de votre histoire anonymement, suivez ce lien vers le formulaire : https://forms.gle/oqZCkruR4c5GxYjr7

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témoignages Témoignages de parents originels

L’adoption internationale sous la perspective des mères biologiques

Alors que nous célébrons les réalisations et les contributions des femmes à la société d’aujourd’hui, prenons également un moment pour réfléchir aux défis auxquels les femmes continuent d’être confrontées.Si on note un intérêt grandissant pour le devenir des personnes adoptées et l’impact que l’adoption sur leur vie, la manière dont les premières familles expériences l’adoption restent encore assez méconnues. Les non- concernés, non seulement la manière dont cela est vécu mais aussi les raisons systématiques qui ont poussé à la séparation et qui sous-tendent l’adoption internationale.

En Europe, nous émettons beaucoup de suppositions sur les motivations des parents originels : Un manque d’amour ou au contraire un acte d’amour ? Un acte de désespoir face à une absence de soutien ? Une solution à la pauvreté ? De la coercition, de la tromperie ou des fausses promesses ?

La vérité ‘est que pour connaître ces motivations, et savoir si c’est vraiment ce que les parents du Sud voulaient pour leur enfant, il est indispensable d’avoir la parole des premiers concernés. Si nous pouvons avoir un semblant de réponse en lisant les lignes de nos dossiers, cela ne garantit la véracité des informations fournies. La preuve fournie par les milliers d’adoptés qui ont pu en retrouvant leur famille et en parlant avec leur parents découvrir une version totalement différent.

Nous sommes 8 Mars, la journée internationale des droits des femmes.

L’occasion donc de lancer une mini série témoignages pour se pencher sur l’adoption depuis la perspective des mères de naissances.

L’occasion donc de rendre visible la parole négligée des parents biologiques et découvrir ce qui se passent en amont d’une adoption et la vie des personnes adoptées dans lorsqu’iels étaient encore avec la famille dans laquelle iels sont né.es

Des témoignages, de simples photos pour sortir les premiers parents de l’ombre et mettre en lumière leur expérience de la séparation et son impact dans leur vie.

Les témoignages sous forme de vidéos et d’audios seront partagés sur le compte Youtube créé pour l’occasion.

Lien vers le compte :

https://youtube.com/@etreadopte

Abonnez-vous au compte Youtube pour être informée de la publication témoignages.

Aimez et commentez pour soutenir les mères qui courageusement acceptent de témoigner de leur histoire qui pour beaucoup les font encore souffrir.

Partagez les vidéos autour de vous pour mettre de rendre visible la parole jusque là négligée des parents originels et aider à sensibiliser les non-concernés et les désireux d’adopter sur les réalités méconnues de l’adoption internationale.

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témoignages

#34 Si votre enfant ou votre conjoint mourait, est-ce qu’un nouvel enfant effacerait toute la douleur et le chagrin ?

Je suis adoptée. Je suis née en Corée et quand j’avais 9 mois, on m’a mise dans un avion et à l’arrivée, ma famille adoptive, la seule famille que j’ai jamais connue est venue me chercher.

Suis-je reconnaissante ? Devrais-je l’être ?

Je déteste cette question. Voici pourquoi :

Elle présuppose beaucoup de choses sur ma famille biologique qui peuvent être vraies ou non. Elle suppose que mon pays d’origine est pire que celui dans lequel je vis aujourd’hui. Et, enfin, elle est souvent utilisée comme un moyen d’ignorer le chagrin que je ressens d’avoir perdu une famille entière, une culture entière, un pays entier. Parce que nous sommes censés être reconnaissants, toute réponse négative d’une personne adoptée fait d’elle une personne « en colère». C’est une question qui réduit au silence. Elle permet également d’ignorer plus facilement les problèmes qui existent dans le processus d’adoption, et ils sont nombreux. Par exemple, cette question spécifique, telle qu’elle est formulée, suppose que j’ai été placé en adoption par mes parents.

En Corée, ce n’est pas toujours le cas.

J’ai rencontré des adoptés coréens dont les parents n’ont pas consenti à l’adoption et ne savaient même pas que leurs enfants étaient placés en vue de l’adoption. Une amie a appris qu’après la mort de sa mère biologique, son oncle paternel a fait pression sur son père biologique pour qu’il la place en adoption, ainsi que ses frères et sœurs, afin de faciliter son remariage. Il a refusé. Puis, comme il devait partir en voyage d’affaires, l’oncle s’est occupé d’eux. C’est alors que l’oncle a emmené tous les enfants à l’orphelinat. Quand le père est revenu, l’oncle a refusé de lui dire où ils étaient.

Je n’ai pas demandé à être adoptée. Est-ce une bonne chose que j’aie une famille ? Eh bien, parce que ma famille est aimante et que je suis vraiment un membre à part entière de la famille, oui. Mais j’aurais également pu avoir cela si je n’avais pas été séparé de ma première famille.

Donc, je suis reconnaissante d’avoir une famille formidable, et je les aime beaucoup. Mais je ne suis pas reconnaissante d’avoir été adoptée. Je ne peux pas l’être – je ne sais pas ce que ma vie aurait été en Corée. PERSONNE ne le sait. Et quelle que soit ma situation, elle n’est pas nécessairement la même pour une autre personne adoptée.

Et, parce que je sais que certaines personnes pensent de cette façon, je le dis : non, ma famille adoptive ne remplace pas ma famille biologique. Cette perte, ou le fait de ne pas savoir qui ils sont, ne disparaîtra jamais. Si votre enfant ou votre conjoint mourait, est-ce qu’un nouvel enfant effacerait toute la douleur et le chagrin ? Bien sûr que non. Il en va de même pour la perte de vos parents. Et vos frères et sœurs. Et les tantes, les oncles, les grands-parents et les cousins.

Je les retrouverai peut-être, mais les retrouver 49 ans plus tard (bon sang – quand suis-je devenue aussi vieille ?) ne fera pas disparaître le chagrin.

Et, non, les bébés ne sont pas des ardoises vierges. Des études ont été faites qui montrent qu’ils peuvent reconnaître la voix de leur mère. Imaginez ce qui se passe dans la tête du bébé quand cette voix disparaît à jamais. Maintenant, imaginez ce qui se passe si le bébé a vécu quelques mois avant d’être adopté. Il serait terrifiant et profondément traumatisant que tout ce qui lui est familier disparaisse soudainement.

Une nouvelle famille aimante aidera peut-être l’enfant à faire face à la situation et, selon plusieurs facteurs, à s’épanouir, mais elle ne peut en aucun cas remplacer tout ce qui a été perdu.

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Récits de personnes adoptées témoignages

#33 Enfant adoptée, cette reconnaissance sans borne que je dois avoir, pèse lourd sur mes épaules.

Il est vraiment difficile pour moi aujourd’hui de parler de mon histoire en tant que personne adoptée.J’ai toujours gardé au fond de moi ce que je vivais, mais en grandissant et en m’ouvrant, cela m’a prolongé dans une profonde solitude.

En effet, peu importe l’âge que j’avais, je n’ai jamais été entendue et surtout, comprise.Que ce soit l’entourage familial, les professionnels de la santé et même les amies qui ont fait partie de ma vie, mon histoire a souvent suscité des jugements.Et même si on acceptait que ce que je disais était vrai, on minimisait alors ma souffrance.

La principale raison vient de l’image que les gens ont de l’adoption.Je me devais de toute façon et ce, peu importe les souffrances, être reconnaissante de mon statut d’adoptée.

« Pourquoi se plaindre du mal, car si on en fait abstraction, tu as plutôt bien vécu matériellement, non ? »

Et pourtant.

Pourtant les conséquences sont qu’aujourd’hui je suis dépressive, suicidaire, sujette aux troubles anxieux, à des traumatismes ou encore des troubles obsessionnels compulsifs. Je ne souhaite pas me marier, je ne souhaite pas d’enfants. Je crains les gens, et comment faire confiance ? J’ai été trahie toute ma vie, rejetée, mal aimée. J’ai été détruite quand j’étais en train de me construire, je ne connais que ça. C’est maintenant et pour toujours une partie de moi.

Pour comprendre mon histoire, revenons quelques années en arrière.

Je voulais prévenir à l’avance que je ne ferais pas de texte de remerciement envers mes parents adoptifs à la fin de mon récit parce que je le fais littéralement tout le temps et que je suis fatiguée de devoir le faire sous prétexte que je viens d’un pays pauvre. Reconnaissante, je le suis énormément peut-être même à outrance mais j’aimerais faire comprendre que cela ne justifie pas tout.

Enfance dans la toxicité ?

Je suis une enfant adoptée d’Haïti. Je suis arrivée entre 18 et 22 mois.

 Entre mon arrivée et l’âge de 7 ans, je n’ai pas vraiment de souvenirs et encore moins de mauvais souvenirs et puis il n’y a pas vraiment grand chose à dire : il n’y a pas beaucoup de photos de moi, l’attention est principalement sur mon frère (qui a malheureusement connu pas mal de péripéties au niveau de sa santé) et de ce que je me souviens jusqu’à la classe du CP (première année de primaire), j’étais plutôt tranquille, calme.

À l’école, je n’avais pas beaucoup d’amis, j’étais assez isolée et j’en pleurais souvent. 

J’ai su que j’étais adoptée l’année de mon 8ème anniversaire.N’ayant pas la même couleur de peau que mes parents (adoptifs), cela coulait de sources et je n’ai pas vraiment été perturbée de savoir qu’ils n’étaient pas mes parents de sang mais le fait de ne pas pouvoir leur ressembler physiquement (notamment en étant blanche) était un peu dur à concevoir au début.

J’ai été curieuse d’en savoir plus sur mes origines rapidement.Mon dossier d’adoption était à ce moment-là dans le grenier et je pouvais le feuilleter autant que je le voulais.Lorsque ma mère (adoptive) s’occupait du linge, j’étais à côté d’elle, lisant mon dossier (sans vraiment comprendre tout ce qui y était écrit) j’avais déjà l’envie d’en savoir plus sur mes origines, sur mon histoire, sur la raison pour laquelle je ne vivais pas dans mon pays d’origine. Je voulais savoir à qui je ressemble.

Un jour, je suis tombée sur une photo.Deux personnes de la même couleur que moi et j’ai demandé à mes parents (adoptifs) qui ils étaient.

« Ce sont tes parents »  m’avaient-ils répondue.

J’ai tant inspecté cette photo en me disant « je peux découvrir enfin à qui je ressemble ».Je me sentais fière, honnêtement.J’ai emmené cette photo à l’école pour la montrer à mes camarades de classe.Je l’avais fièrement près de moi en classe, et j’étais vraiment contente.C’était comme avoir une partie de mon identité auprès de moi.

Puis un jour, j’ai été convoquée dans le bureau de ma maîtresse.Mon père (adoptif) était là, assis au fond de son bureau.Je suis accueillie sur un ton calme, j’étais assez décontenancée.Elle me fait m’asseoir et me dit sur un ton, toujours très calme : « Tu peux me donner la photo que tu avais en classe ? ». Je comprends donc que le problème était que j’avais cette photo avec moi. Au début, j’essayais de simuler que je ne la trouvais plus. Cela a duré quelques minutes avant que finalement je craque. J’ai fini par lui donner.Mais en sortant de son bureau, ma vie a changé.Lorsque j’ai tenté de remettre la main sur cette photo, ma mère (adoptive) a déclaré qu’elle l’avait brûlé.

Quand elle a vu que mon envie de savoir d’où je venais, n’était pas qu’une passade, son comportement a changé.Elle est devenue beaucoup plus dure avec moi.De plus en plus, jusqu’à la maltraitance.

Je savais que mes parents (biologiques) étaient encore en vie, contrairement à l’histoire de mon frère (également adopté) et je voulais des réponses.Mais ma mère (adoptive) s’est sentie en concurrence, elle s’est sentie jalouse sûrement aussi ? Elle a sûrement pensé qu’en savant tout cela, je partirais, ou je l’aimerais moins ?

Elle avait ses propres souffrances de son côté, ses craintes, sûrement ses traumatismes mais ne sachant pas les gérer, j’ai subi les conséquences.

Les coups en premier lieu.Puis les humiliations, les insultes, les moqueries, les rabaissements, les intimidations.J’avais peur d’elle et elle faisait tout pour.Elle me regardait de travers.Elle me regardait avec une telle dureté, un tel mépris.Même quand je souriais seulement, même quand j’étais heureuse, elle tentait de me casser en deux.Je ne souriais donc pas beaucoup et j’avais l’impression qu’elle avait une forte emprise sur moi.

Lorsque j’ai grandi, et durant le début de l’adolescence, pour encore plus accentuer sa dureté envers moi, elle rendait tout interdit et devenait de plus en plus dure, insultante, humiliante et méchante envers moi.Et c’était vraiment frustrant parce que mon frère avait littéralement le droit de tout faire, sous mes yeux. 

Mon seul moyen d’exprimer ma détresse lorsque j’étais enfant c’était par les larmes et ce qu’on appelle « piquer des crises ».Les voisins et les membres de ma famille (adoptive) ne voyaient que cette partie-là, de moi.La petite fille « qui pleure tout le temps » ou qui est « toujours sur la défensive ».Je n’avais pas d’autres moyens de communication, je n’avais pas la maturité adéquate.Alors immédiatement, certains d’entre eux ont commencé à ne pas m’apprécier.Certains d’entre eux pensait que je menais la vie dure à mes parents (adoptifs) notamment ma mère donc ils m’ont détesté petit à petit, ils ont commencé à prendre parti pour ma mère (adoptive).Ils me disaient même tous que j’étais qu’une « malade mentale », que j’avais un « un grain », que « je devais être internée » dans un hôpital psychiatrique. Sérieusement, ce n’était pas qu’une façon de parler, ils pensaient vraiment que j’étais malade psychologiquement.

En plus de la dureté de ma mère adoptive envers moi, le fait que personne ne me défendait et même participait à sa méchanceté, la vie à la maison était anxiogène : disputes récurrentes envers mes parents adoptifs à longueur de journée allant parfois jusqu’aux bagarres. Puis l’alcool est venu petit à petit et de plus en plus.

Aucune vie de famille aussi, aucune complicité, aucune aide, aucun amour, aucun soutien… Rien de tout ce qu’ils avaient promis de me donner en m’adoptant.

Dès petite, j’ai commencé à rapidement m’isoler lorsque j’étais en famille et on m’a beaucoup blâmé pour ça.Être dans ma bulle était ma seule façon de survivre. Je dessinais beaucoup, j’écrivais beaucoup. Rapidement je me suis inventé un monde pour échapper à cette vie. J’ai fait pipi au lit jusqu’à 8 ans, j’avais peur du noir jusqu’à l’adolescence.

Personne, même pas les professionnels de la santé ont tenté de se mettre de mon côté afin de m’aider.Depuis que je suis jeune enfant, j’ai dû apprendre à me défendre seule.Ma carapace et ce caractère bien trempé vient du fait que j’ai dû apprendre à ne pas me laisser marcher sur les pieds très tôt. Je devais m’ affirmer et sans ça, je me serais laissé harceler.Mais bon, pour certains c’était « de la tyrannie » apparemment. 

J’ai essayé de demander de l’aide aux services sociaux lorsque j’avais 12/13 ans.

J’ai appelé le 119, à ce moment-là j’en étais aux scarifications et tentatives de suicide.

Mais sans succès.

 Le fait que je ne manquais de rien matériellement, a été la raison pour laquelle je suis restée dans « cette prison », car oui c’était une prison dorée selon moi. Je n’étais pas prise au sérieux et « je ne pouvais pas être sujette à de la maltraitance » , en ayant une si belle chambre, en étant scolarisée, en ne dormant pas par terre. Je n’étais tout simplement pas crédible, toujours selon eux. Et tout au long de mon enfance jusqu’à mon (aujourd’hui), j’ai été tenu par ça. Et c’est pour cette raison qu’on a minimisé mes souffrances psychologiques.

Mes origines et mon statut de personne adoptée.

J’ai toujours été très intéressée par mes origines haïtiennes.J’ai toujours voulu retourner dans mon pays, j’ai toujours voulu en savoir plus, j’ai toujours essayé d’apprendre la langue.

Ce n’était pas toujours évident à vivre.Même si ça peut paraître anodin pour des personnes extérieures mais savoir d’où l’on vient est important pour notre identité et notre construction.

C’était difficile de voir uniquement des blancs autour de toi et subir des moqueries et du racisme et surtout dans ta soi-disant, propre famille.

Dès l’âge de 10 ans, je me demandais déjà « Pourquoi suis-je noire ? », comme si c’était une maladie.J’avais déjà comme projet de refaire mon nez et me blanchir.Je n’avais que des complexes.Et le plus difficile a été à l’adolescence.Quand on est en pleine construction, c’est vraiment éprouvant.J’ai fini par me détester, j’ai fini par ne plus supporter mon propre reflet.

Ma mère adoptive n’aidait pas en me rabaissant, lorsque je devenais une jeune femme.

Elle et ses sœurs ont été odieuses envers moi lors de ma construction personnelle.

Elles m’ont causé beaucoup de manque de confiance notamment en me décrivant comme quelqu’un que je ne suis pas, à la limite d’être une prostituée et puis pour d’autres membres de ma famille adoptive, le fait que je sois noire, était la raison pour laquelle « j’étais » ou « serais comme ça l’avenir ».

Concernant mon statut d’enfant adoptée, eh bien je ne le vivais pas forcément mal durant ma petite enfance jusqu’à l’entrée au collège. Par la suite, j’ai eu ma vie de famille.Je voyais mes camarades de classe avec leurs parents, leurs familles et j’avais honte de la mienne. J’ai commencé à « m’ inventer une vie » si on peut dire ça comme ça. Je disais que j’avais des contacts avec ma mère biologique et que j’étais proche de ma mère adoptive. J’inventais la vie que je voulais avoir. Aussi surprenant que cela puisse paraître mais l’adoption était un sujet assez sensible à la maison. Quoi qu’avec mon père adoptif, un peu moins mais ma mère adoptive était définitivement incapable de trop en parler. Pourtant c’était sa décision d’adopter. Mais l’adoption était comme tabou.

Elle m’ empêchait d’avoir accès à mon dossier d’adoption, de répondre à mes questions.

Étant donné que mon frère n’était pas particulièrement intéressé par ses origines, elle me faisait énormément culpabiliser sur ça. « Ton frère, lui au moins, il ne cherche pas sa mère. Lui au moins, il s’en fiche. Lui il se contente de nous. » et j’ai entendu ça jusqu’à… eh bien jusqu’à aujourd’hui encore.

Je n’avais pas choisi d’être adoptée mais j’avais besoin de comprendre.

C’était un mal de ma part, apparemment. C’était comme une trahison, une ingratitude de ma part. Et les gens de l’extérieur étaient tous d’accord avec ça.

« Quelle fille ingrate ! »

Je vivais mal cette façon de vouloir me tenir loin de mes origines, de mon histoire, de mon pays. C’était une réelle souffrance, c’était comme un manque. Je voulais vraiment rencontrer ma mère biologique, savoir qui je suis et pourquoi « j’avais été abandonnée ».

N’étais-je pas désirée ?

N’étais-je pas aimable comme bébé ?

Qu’avais-je fait pour ne pas être dans mon pays, comme les autres enfants autour de moi?

Je me suis contentée de croire l’une des sœurs de la mère adoptive, qui m’avait dit un soir qu ‘« en effet, ma mère biologique m’avait abandonnée parce qu’elle ne voulait pas de moi. »

Pour se construire c’est assez complexe mine de rien.

Se dire que dès la naissance, la première personne qui est censée t’aimer ne t’a soi-disant pas aimé et t’as soi-disant rejeté, pour l’amour de soi et l’estime de soi, c’est très destructeur.Je ne pouvais pas m’empêcher de penser « à cette femme ». Je voulais la voir de nouveau, après cette fameuse photo qui n’était qu’un vague souvenir à présent.

Au fond, j’avais un manque.

La dureté de ma mère adoptive, son manque d’amour, son manque d’attention, sa dévotion sans borne pour mon frère, la façon dont j’étais rejetée et tant méprisée par ma famille adoptive, ne comblait pas ce manque. 

Je manquais d’une mère.

À une certaine période, voir la proximité qu’avaient certains avec leurs mères me donnaient les larmes aux yeux. J’avais besoin d’une mère, désespérément. Je tentais d’avoir de l’attention sur moi. Alors quand j’étais petite, c’était en faisant des bêtises puis en grandissant, c’était par les scarifications, les tentatives de suicide.

C’était des appels à l’aide, mais personne n’a jamais décroché.

Je voulais donc retourner dans mon pays, je voulais donc retrouver ma famille biologique.

J’ imaginais tant que ma mère biologique soit en France et qu’en disant mon prénom dans les magasins, elle me reconnaisse.Mais en vain…

Pourtant, je savais faire la part des choses.

Je savais très bien que j’étais adoptée et qui m’avait « élevée », mais une partie de moi était dans ce monde et je ne savais pas où et pourquoi. Ma mère adoptive a tout fait pour pas que j’en sache plus, pour pas que je recherche mon passé. Tout ce qu’elle me disait c’est « On ira dans ton pays un jour. Le visiter ». Mais je savais au fond que ça n’allait jamais se faire.

Vers l’âge de 13 ans j’ai tenté de retrouver mes parents biologiques.

J’ai réussi à mettre la main sur mon dossier d’adoption et avoir leurs noms/prénoms/adresse et numéro de téléphone. Ce qui était incroyable, c’est qu’il y’avait tellement d’informations à leur sujet. Mon dossier était tellement fourni.Alors c’était frustrant et bon sang que ça faisait mal.Les recherches étaient vraiment très difficiles, évidemment.Surtout dans ces circonstances.Alors j’ai gardé le petit papier où j’avais noté ces précieuses informations, dans ma trousse pendant toute ma scolarité (lycée y compris).

Vers l’âge de 17/18 ans, j’étais à ce moment-là en détresse.J’avais essayé activement de retrouver ma famille biologique, enfin surtout ma mère biologique mais je suis tombée très souvent de haut.J’ai fini par dire vouloir abandonner toute recherche et ne plus jamais entendre parler d’adoption.J’étais très en colère et je ne pouvais pas penser qu’elle m’avait mise à l’adoption pour que j’ai une meilleure vie alors que psychologiquement c’était pire.Je pensais que la solution aurait été de m’avorter ou de « me tuer à la naissance ».

À quoi bon ? Qui m’aimait de toute façon ?

J’ai finalement décidé de reprendre les recherches, sur un léger coup de tête, lorsque j’avais 20 ans. Et contre toute attente…. J’ai retrouvé ma mère biologique et ma famille entière….

Les conséquences sur les relations sociales.

Depuis que je suis petite je suis en recherche désespérément d’amour et d’attention. Vers le début de l’adolescence j’ai compris que je ne pourrais pas le recevoir de la part de ma mère adoptive alors j’ai essayé de puiser cet amour ailleurs. J’ai souhaité avoir des amis, beaucoup beaucoup et encore beaucoup d’amis.

Ma première année de primaire ainsi que ma deuxième, j’étais assez seule et délaissée. À partir de la troisième année, j’ai commencé à avoir ma petite bande de copines. J’étais aussi plus ouverte, moins timide et j’allais davantage vers les autres. Que j’étais au centre aéré ou à l’école, j’avais toujours beaucoup d’amis. C’était un peu une façon de combler un vide. C’était une façon d’être aimé quelque part.

Au collège, certaines de mes copines étaient plus âgées que moi. J’aimais bien être avec les plus grands ou les adultes. J’étais un peu chouchouté et on prenait soin de moi. Je pense que cela vient de mon manque d’une mère. Mais évidemment, ce n’était pas évident de vouloir être aimée de tous, avoir l’attention en étant le clown de service. Et lorsque je perdais des amies, c’était comme si on m’ abandonnait de nouveau. C’est comme si de nouveau, je ne me sentais plus aimée de personne.

Et bien pourtant, j’en ai perdu des amis. J’avais une carapace, une crainte, un manque de confiance. J’étais constamment dans la justification, j’étais possessive, j’étais omniprésente, je voulais être aimée et c’était difficile pour moi, pour certains d’entre eux sûrement aussi. J’en ai pris conscience à l’entrée de l’âge adulte mais c’était toujours aussi difficile. Mon passé avait eu un impact considérable sur mes relations sociales, notamment en amour. Je pense que sans cette idée « que j’avais été abandonnée à la naissance », je n’aurais pas perçu les échecs sentimentaux de la même façon. Tout était décuplé. Je prenais les choses beaucoup plus intensément.

À ma première relation amoureuse, j’avais l’impression de reproduire ce que j’avais toujours vu dans le couple de mes parents adoptifs. J’étais « tombé » sur un homme, avec qui nous avions une relation toxique, donc ça faisait doublement écho à ce que j’avais toujours vu : des disputes, de la toxicité, de l’emprise….

À l’âge de 17 ans je ne me disais déjà « plus jamais j’irais avec qui que ce soit. Jamais je ne me marierais. Je ne veux pas un mariage comme mes parents. »

J’ai commencé à énormément me replier sur moi-même à l’âge de 18 ans.J’ai été beaucoup déçue, blessée, abandonnée, méprisée aussi dans l’amitié et encore une fois, les déceptions étaient très dures à encaisser. Beaucoup plus de par mon histoire personnelle. Alors j’ai commencé à devenir encore plus solitaire, replié sur moi. C’était une façon de me protéger, d’avoir moins mal et de surtout, pas mettre trop d’espoir en les autres.

J’ai commencé à ressentir beaucoup d’anxiété, notamment socialement.

Aujourd’hui, les relations humaines et moi ça fait 10 000.

J’ai constamment peur d’être abandonnée, trahie, jugée ou encore abandonnée.Il faut dire que j’ai souvent été mise de côté en premier lieu dans ma famille adoptive. À la fin du collège, je n’avais plus autant d’amies que j’ai pu en avoir auparavant. J’étais souvent la personne « de trop » dont on disait « il reste une place pour elle ? » au moment d’un départ ou alors celle qui n’était pas invité pour les anniversaires. J’ai vite compris en prenant de la maturité, que j’étais dans une illusion et que je n’avais pas tant d’amies que ça. C’était moi qui en voulais, pour combler quelque chose mais cela ne fonctionnait pas.

Lorsque j’étais plus jeune, je jouais souvent un rôle afin d’être acceptée et afin de garder une place auprès des gens mais aujourd’hui je m’exprime plus en étant moi-même et j’ai toujours aussi peur de ne pas être aimé pour ce que je suis. Le vrai moi, quoi. 

Je m’excuse sans cesse, encore aujourd’hui. Je suis toujours désolée d’exister.Même lorsqu’on me fait du mal, je m’excuse.

Mon passé a inévitablement un impact énorme sur ma façon de me faire des amis aujourd’hui.La crainte d’être trahie comme je l’ai toujours été, l’incapacité à faire confiance, cette pensée qu’on parle sur moi comme ma famille adoptive l’a toujours fait. C’est insoutenable toutes ces relations gâchées et certaines d’entre elles par ma faute, à cause de mes souffrances.

Comme je n’ai pas expliqué mon histoire personnelle pendant longtemps, certains pensaient juste que cela faisait partie de ma personnalité : que j’étais solitaire, craintive, dans ma bulle, fermé, dure…alors que c’était l’expression de mon vécu.

Les conséquences sur la santé mentale.

Comme je l’ai dit précédemment, j’ai été sujette à la détresse psychologique, aux alentours de mes 11/12 ans. Quand j’étais plus jeune, je n’avais pas conscience que je souffrais mais oui les pipis au lit, les cauchemars, le repli sur soi…. C’était l’expression de mes souffrances aussi, tout comme les larmes et les crises de colère.

À 11/12 ans, je me scarifiais et dans la même période, j’en étais déjà à vouloir ôter ma propre vie.J’ai grandi dans l’idée de me suicider à chaque occasion. Ça n’a jamais quitté mon esprit. La mort m’était préférable à rester dans ma famille adoptive et la solitude était insoutenable.Je me sens seule depuis toujours, finalement.

À l’âge de 18 ans, je suis tombée dans une sévère dépression dont je ne suis toujours pas sortie. C’était les conséquences de toutes ces années de mal-être, à être seule, sans soutien, à tout supporter, à être trahie, mal aimée.Pas cru, pas entendu aussi.

J’ai tenté de mettre fin à mes jours peu après avoir été diagnostiqué mais ça n’a rien changé à ma vie. J’ai commencé à enchaîner des « thérapies » et des traitements.Je vivais toujours chez mes parents adoptifs, et ce malgré avoir tenté de partir par tous les moyens depuis mes 16 ans. Les entendre se disputer à longueur de temps m’a donné cette peur persistante du conflit. Parfois c’était des bagarres notamment à cause de l’alcool omniprésent.

Aujourd’hui la conséquence est que si quelqu’un hausse le ton alors j’ai peur d’une dispute. J’anticipe les réactions des gens avec tant d’anxiété… Les portes qui se claquent, ça me fait sursauter. Le stress que leurs hurlements provoquent, m’a causé des TOC. Je fais parfois beaucoup de cauchemars et j’ai souvent des flashs de la méchanceté de ma mère et ses sœurs à mon égard lorsque que j’étais ado. Je suis également très sujette aux angoisses, aux insomnies.

Cette dépression m’a fait perdre un nombre important de kilos, parce que je ne trouvais plus la force de me nourrir.

On m’a souvent blâmée d’être dépressive, d’avoir été hospitalisée 3 fois, sans réellement se mettre à ma place, sans réellement comprendre mon histoire.

Mon regard sur mon adoption à l’âge adulte

Maintenant je suis adulte…

J’ai grandi, j’ai mûri, j’ai évolué et heureusement…

J’ai retrouvé ma famille biologique et j’ai pu connaître mon histoire et non je n’ai pas été abandonnée et mal-aimée à la naissance. Même si j’ai cru ça pendant près de 20 ans, ça m’a permis de comprendre que c’était loin d’être vrai, que j’étais aimée et attendue quelque part dans ce monde. Ça n’a pas guéri ma dépression mais ça m’a permis d’être plus en paix. Ça a changé ma vie mais j’ai compris que certaines cicatrices ne pourront jamais cicatriser complètement. J’ai entamé un travail, seule évidemment, pour me reconstruire et aujourd’hui je suis en phase avec moi-même.  Bien dans mes baskets, même si les relations humaines sont toujours très difficiles.

Ce n’est pas ma condition de personne adoptée que je rejette, mais cette image qu’a la société sur l’adoption. C’est insoutenable d’être tant incompris.Même certains de mes amies ont eu des jugements à mon égard et évidemment également les professionnels de la santé.

Ce n’est pas aussi idyllique qu’on aimerait croire et j’aurais aimé que ce soit différent. J’aurais aimé qu’on trouve des solutions pour tous, aller mieux.

Lorsque j’ai rencontré d’autres personnes dans ma situation, je me suis rendue compte que ce n’était pas si rare.Je ne sais pas vraiment si un jour je vais réussir à avancer et me reconstruire durablement. Ça a laissé beaucoup trop de traces sur mon cœur, mon corps et mon esprit. J’aurais mal à vie, c’est indéniable.

La reconnaissance qui pèse fort sur mes épaules

La société aimerait que je pardonne tout à mes parents adoptifs. Parce qu’ après tout, « ils m’auraient sauvé d’un pays en guerre, de la famine… »

Pour ma famille adoptive, je ne devrais même pas relever ces périodes sombres de ma vie mais plutôt m’arrêter sur tout ce qu’ils m’ont apporté malgré tout, comme un toit sur la tête.

Aujourd’hui je passe ma vie à devoir toujours les remercier et reconnaître que « sans eux je ne serais peut-être pas là », mais sans eux je ne serais peut-être psychologiquement pas dans cet état non plus et dans le bon sens du terme.

Je suis déjà reconnaissante à longueur de temps, mais il ne faut pas oublier une chose : ils étaient un couple stérile. Au final, ils ont essayé par tous les moyens d’avoir un enfant mais en vain.L’adoption était pour eux leur dernière chance d’avoir un enfant, même si ce n’était pas biologiquement le leur. Je suis arrivée dans leur vie pour combler leur désir, pour leur permettre d’être appelés papa et maman. Ils devraient être reconnaissant aussi envers « la vie », d’avoir eu la chance de prendre soin de l’enfant d’un autre. Je leur ai permis de réaliser leur rêve, de construire une famille.

La maltraitance, la toxicité, cette vie de famille inexistante, cette pression, méchanceté, dureté…. Ce n’était pas nécessaire.Ils ont tout gâché au final.

Ce n’était pas la famille qu’ils voulaient et encore moins celle que je méritais.

Et assurément, on ne devrait pas justifier la maltraitance psychologique, par le confort matériel.

Pour moi, évidemment c’est culpabilisant. Je n’ai rien demandé et au final, c’est moi qui culpabilise.

J’ai été arrachée à mon pays d’origine pour permettre à un couple stérile de réaliser leur rêve, on m’a empêché de connaître mon histoire jusqu’à mes 20 ans, de connaître plus amplement mon identité culturelle, en me mentant, en me maltraitant psychologiquement : aujourd’hui je suis dépressive et c’est MOI qui, à la fin de la journée, culpabilise ?

Je prends tout sur les épaules mais je dois encore me montrer reconnaissante ?

Mon histoire a encore beaucoup de détails mais j’ai essayé de vous expliquer mon parcours en tant que personne adoptée, dans les grandes lignes et j’espère que le regard d’une grande majorité pourra changer bientôt.

Nous ne sommes pas des objets de désirs à qui on peut tout faire en masquant les souffrances en jouant sur la reconnaissance d’une vie mieux que ce qu’on aurait pu avoir, nos souffrances comptent et la maltraitance n’est pas justifiable.

Même contre un lit en or massif.

Je ne suis pas un cas isolé et mon histoire est loin d’être la plus tragique et sordide, malheureusement.

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#32 Ma seule certitude est l’incertitude

Il me vient l’idée de témoigner car j’ai longtemps pensé que mon cas était isolé mais en fait, il n’en est rien.

J’ai grandi dans une famille adoptive malsaine, violente et déséquilibrée. Famille qui passait bien car elle avait de l’argent. Et qui m’a souvent répété que je leur appartenait, car je leur avais coûté cher.

Je n’ai jamais été cru pour mes témoignages de maltraitance, on me remettait toujours en question en disant que je faisais une crise existentielle à cause de mon adoption. Il n’en était rien. Le sain statut des parents adoptifs et de leur « parcours du combattant » les a protégés de tout. Il a fallut attendre un très grave incident avec eux pour que je sois enfin prise au sérieux, après 20 ans…

Lorsque que j’ai entrepris mes recherches auprès de l’ASE et du CNAOP, j’ai appris que mon identité n’était que mensonge. Faux lieu de naissance, date de naissance incertaine, prénom et nom donné par un illustre inconnu. Et aucune explication sur le fait que de tels adoptants ai pu soudainement obtenir un enfant. Le tout en France, sous la belle et altruiste image du sauvetage d’un enfant abandonné.

J’ai aujourd’hui 24 ans, je ne sais rien de mon identité, je ne sais rien des personnes qui ont contrôlé mon destin. Je ne sais pas si ma famille biologique me recherche, car celle-ci n’aurait aucun moyen de connaître mon identité officielle.

Je porte le nom de personnes qui m’ont détruites et n’ai aucun droit de porter mon nom de naissance.

Je recherche actuellement ma famille et d’éventuelles preuves de corruption/achat (ce qui est monnaie courante dans ma « famille » adoptive).

Ma seule certitude est l’incertitude et mon identité demeure un vaste mensonge. Tout cela, car une administration et des personnes ont décidé de ma vie. Je ne sais pas ce que c’est d’avoir une mère, ni un père. Je ne connais que l’abandon et l’insécurité.

Je ne sais pas qui est la personne que je vois dans le reflet de mon miroir. Je ne me reconnais pas. Je ne vois que le vide, je ne me suis jamais trouvée.

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#31 Agent Double

Adoptée au chili à 3 mois, j’ai toujours conserver mon passeport avec mon nom et prénom d’origine.

A 20 ans, j’ai eu envie de le renouveler même si je pense qu’il aurait été illégal de l’utiliser.

Gros bug au moment de signer le document, résultat la signature ne correspond pas au nom affiché sur le passport. Depuis mes amis m’appel “Agent double”.

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#30 J’ai affirmé pendant des années vivre un conte de fée

Mon récit peut être un peu décousu. Je vous écris car je veux raconter mon histoire. Je veux me sentir libre d’être la narratrice de MA propre vie. Souvent, j’entends des adopté.e.s qui prétendent que leurs parents sont merveilleux et choyer par la vie de les avoir mis sur le chemin. Pour avoir connu beaucoup d’entre eux… L’image de la famille parfaite est loin de la réalité. Moi-même issue de l’adoption, j’ai affirmé pendant des années vivre un conte de fée. J’étais complètement dans le déni. Je n’affirme pas que les bons parents adoptants n’existent pas. Je veux simplement clarifier certaines choses. Il ne faut pas oublier que les parents adoptifs restent des « parents ». Ils font des erreurs comme tout le monde. Les miens m’ont adoptée à un âge avancé. J’avais 4 ans lorsque j’ai été adoptée. J’ai dû apprendre très vite à m’adapter à ses nouveaux parents,  ce nouveau pays, ce climat et apprendre la langue rapidement. À l’école primaire, c’était dur pour moi. J’avais des difficultés de concentration et d’apprentissage. Les enfants ont commencé à se moquer de moi.

J’étais victime à la fois de racisme et d’intimidation. J’ai grandi dans une petite ville de région. Lorsque je revenais de l’école en pleurs… Mes parents n’avaient pas les mots pour me consoler car ils n’étaient pas outillés pour vivre ce genre de situation. Ils me répondaient : “Laisse-les faire ! Ce ne sont que des gens bêtes…” J’ai appris à me taire, à tolérer des situations malsaines. Vivre encore et encore le même fardeau. Jusqu’à ne plus voir les mauvaises choses sous mon nez. Je vivais dans un déni total. Durant, une bonne partie de ma vie, j’ai supporté l’intolérable. Si vous m’aviez demandé à l’époque si j’étais heureuse… « Bien sûr ! J’ai des parents merveilleux. Je suis entourée de gens aimants ! » Je vivais dans un nuage de bonheur. 

Jusqu’à mes 25 ans, que je fasse une dépression. Je ne pouvais plus faire semblant. J’ai eu un réveil brutal. J’avais été un produit fabriqué par mes parents:  Une petite poupée inoffensive à qui on pouvait tout dire et tout faire. Ma mère m’a toujours utilisée à sa guise. J’avais une loyauté sans faille envers elle. Ma Vie gravitait toujours autour d’elle. Ses changements d’humeur m’ont créée un sentiment d’anxiété.  Elle avait réussi a passé des tests psychologiques pour les étapes d’adoption.  Malgré le fait qu’elle était psychologiquement instable. Elle a été diagnostiquée dépressive chronique.

Je n’avais jamais réalisé à quel point elle avait influencé ma vie négativement.

Le message que j’envoie aujourd’hui, c’est d’arrêter idéaliser vos parents adoptifs. Ils sont humains. Sinon, vous allez vivre dans le déni comme moi et vivre des situations intolérables. Et aux parents adoptifs apprenez à écouter vos enfants.

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#29 Quand je me regarde dans un miroir, j’ai toujours l’impression de regarder une inconnue

J’ai 34 ans et quand je me regarde dans un miroir, j’ai toujours l’impression de regarder une inconnue, que je ne sais pas qui je suis. Je me suis toujours sentie seule et différente. Ça ne me rend pas triste tous les jours mais je ne suis jamais légère. Merci pour votre page. Vous êtes un vrai réconfort.

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#28 Je ressens une pression, je ressens une charge mentale, un devoir d’accomplir des choses sans que l’on me demande mon avis.

J’ai été adoptée à 2 mois par un couple de Français. Depuis mon enfance, ils projettent sur moi des idées, des envies et des espoirs qui se sont avérés de plus en plus lourds à porter,  surtout à la fin de mon adolescence.

J’ai eu une éducation hétéronormée, que ce soit à l’école ou à la maison. A défaut de pouvoir m’identifier à des personnages bisexuels ou homosexuels dans les médias, j’ai compris seule mon attirance pour les hommes et les femmes aux alentours du collège. Quand j’ai fait mon coming out bisexuel à mes parents en 2015, pendant mes études supérieures, j’ai, malgré moi, créée une cassure entre nous.  Je souhaitais être sincère avec eux, être soutenue et leur partager ma vie personnelle mais je n’ai fait que les décevoir et leur faire honte. Je me rappelle encore de ces phrases « Si tu finis ta vie avec une femme, l’adoption sera ratée. » « Moi, je voulais que tu aies des enfants. » « Tu n’es ni hétéro ni lesbienne, c’est encore plus bizarre que tu ne saches pas sur quel pied danser. » En quoi, l’orientation sexuelle est un motif d’échec ? Un enfant adopté n’est pas une pâte à modeler que l’on façonne à son goût, il y a tant de paramètres que l’on ne peut pas prévoir. J’ai toujours été tiraillée entre la reconnaissance et l’envie d’être libre. Certes, je dois beaucoup mes parents, à ce qu’ils m’ont offert, mais je ne pensais pas avoir tant de cases à cocher. Il y a comme une attente de « retour sur investissement » qui me dérange. Et puis, ce n’est pas parce que je suis en couple avec une femme que je n’aurais pas d’enfant et ils sont le mieux placés pour le savoir en tant que parents adoptifs.

Je ressens une pression, je ressens une charge mentale, un devoir d’accomplir des choses sans que l’on me demande mon avis. Et si je ne voulais pas d’enfant ? Et si je voulais rester célibataire ? J’aimerais que les adoptés ne se sentent pas contraints par leurs idéaux qui ne correspondent pas au leurs. Une adoption réussie, c’est d’abord lorsque l’enfant s’épanouit seul dans la vie qu’il n’a pas choisi. 

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#27 Beaucoup de questions sans réponses

Bonjour

Je m’appelle Caroline et mon deuxième prénom est Teanau. Je suis née un dimanche de Printemps 1991 en Polynésie Francaise.

Mes parents adoptifs se sont battus longtemps afin de concevoir mais ma maman a eu un retour négatif des médecins. Stérile! De ce fait mes parents se sont tournés vers l’adoption. Ma marraine travaillait dans une association à l’époque qui mettait en relation des familles Tahitiennes désirant faire adopter leurs enfants!

Mes parents adoptifs sont arrivés 15 jours avant ma naissance afin de faire connaissance avec ma famille biologique. Nous étions alors 5 enfants (moi compris), Mama Réré (Grand-mère) une femme de caractère et de poigne avait fait des prières et me parlait beaucoup à travers le ventre de ma mère biologique pour m’expliquer ma vie future. Le jour de ma naissance ma mère biologique m’a directement donnée à ma mère adoptive en lui disant « c’est ta fille maintenant il faut qu’elle s’habitue à toi » (un peu cavalier et brutal).

Nous sommes restés 15jours le temps de mettre les papiers à jour, et que je me fasse aussi à ma famille adoptive, puis Direction Miami.

Nous avons beaucoup voyagé grâce au travail de mon père, un an plus tard ma mère biologique nous envoie une lettre en proposant mon frère à l’adoption mes parents étaient ravis… au final les années ont passé et mon frère n’est jamais venu.

En 1997 nous voilà en France. Mes parents m’inscrivent à l’école bilingue c’est là où les différences ont commencé à se faire… « pourquoi t’es marron ? Nous on est tous blancs! » « Pourquoi t’as un nez en patate ou en trompette on ne sait pas trop » « Pourquoi ta mère est blanche? » à ce moment-là de ma vie mon père était très souvent en déplacements pour le travail, c’est ma mère qui m’a clairement élevé et fait mon éducation elle a fait du mieux qu’elle a pu et je suis très fière d’elle!

Toutes ces réflexions que l’on me faisait m’énervait et me faisait développer une rage de plus en plus grande à chaque fois. Que répondre? Faut-il se défendre? Insulter? Frapper?… Tout un chamboulement qui reste sans réponse en Primaire!

L’absence de mon père m’a beaucoup pesée petite, dès qu’il partait en voyage je pleurais, c’était un abandon pour moi. Il me ramenait toujours un cadeau pour consoler son absence.

Arrivée à l’âge de l’adolescence, ma mère a bien eu du courage avec moi et mes sautes d’humeur. Cette phase où l’on découvre beaucoup de nouvelles choses, les premiers émois, les premières cigarettes, les premières rébellions, il faut savoir que jusqu’à mes 18 ans il était hors de questions pour moi de parler de mon adoption sinon je pleurais! 

A 13 ans,  mes parents adoptifs m’ont proposé de partir à Tahiti rencontrer ma famille, entre temps ma mère biologique avait eu 2 enfants après moi… pourquoi suis-je la seule? Quand je les ai rencontrés il y avait comme une évidence. Nous étions une fratrie, toute la même tête, là même couleur, les mêmes traits… j’en ai profité pour questionner ma mère biologique « Pourquoi moi? » « Pourquoi ce prénom? » « Pourquoi mon frère n’est jamais venu »

La réponse à ces 2 questions:

1) nous n’avions pas assez d’argent 

2) alors à la base tu avais un K a la place du T c’est lors de l’enregistrement ils se sont trompés (je ne vous raconte pas le choc … « mais qui suis-je alors ? »

3) il y a eu une tornade le jour où vous deviez venir et ça n’a pas pu se faire (alors que mes parents adoptifs m’ont toujours dit que c’était elle qui voulait plus le donner… « qui ment? » )

Beaucoup de questions sans réponses.

De plus mes parents adoptifs me disaient toujours, ne prends pas des choses de valeurs il ne faut pas qu’ils t’envient.

Le jour où nous sommes rentrés j’ai fait une crise d’angoisse dans l’aéroport et l’avion… tiraillée entre 2 mondes, 2 familles… ou dois-je aller? Tahiti? France j’étais perdue! 

Je gardais contact tout de même avec eux via les lettres, les photos.

A mes 16 ans j’ai rencontré un HOMME, le premier qui m’a fait découvrir les jolies choses de la vie, et un homme sur qui je pouvais compter, confier mon histoire, mes craintes, mes doutes sans jugement… 5 ans après nous nous sommes séparés!

Là mon passé, les peurs, les craintes, les doutes tout est remonté à la surface. J’ai commencé à m’enfoncer petit à petit. J’ai perdu pied : cigarettes, drogues, alcool, idées noires. Plusieurs fois j’ai voulu en finir car je me sentais seule, perdue, incomprise.

J’ai fait des allers retours entre les hospitalisations, car je me scarifiais, j’essayais de faire sortir la douleur engloutie au plus profond, j’ai rencontré des thérapeutes qui m’ont diagnostiqué BORDERLINE! 

J’avais retrouvé aussi ma famille sur les réseaux sociaux, donc c’était un sacré chamboulement dans ma tête, discuter avec eux jusqu’ à 3-4h du matin, faire partie de leurs quotidiens à distance… où est ma place? 

De plus ils ont commencé à me demander de l’argent, ça m’a mise mal à l’aise. Je ne leurs montrait jamais mon logement pour ne pas susciter l’envie! 

Toujours contrôler ce que je disais, ce que je faisais. Pour rentrer dans les cases de ce que mes parents adoptifs m’avaient toujours demandés.

Heureusement dans mon entourage j’ai rencontré une tahitienne à laquelle je m’identifiais beaucoup, que je considérai comme ma sœur, la seule qui pouvais comprendre NOTRE histoire, sans jugement, sans mensonges!

J’ai depuis toujours la crainte de déplaire au gens, de ne pas avoir ma place, d’être différente, pour cela je fais tout pour être aimée, appréciée de tous mais souvent les relations se brisent, ne durent pas sur le long terme, j’ai besoin que l’on m’aime! 

Depuis 1an je suis une jeune maman d’un petit garçon, j’en suis fière! Ma plus belle réussite, mais lorsque j’étais enceinte j’avais mes craintes d’enfant adopté qui resurgissait, vais-je savoir m’occuper de lui, va-t-il manquer de quelque chose… Réussir à être une bonne maman! Apprendre à être une bonne mère! Depuis que mon fils est né ? j’ai pris mes distances avec ma famille biologique.

J’essaie d’oublier mon passé, et me projette dans l’avenir avec mon fils! Le seul et unique HOMME que je peux aimer sans fin, et qui saura m’aimer pour toujours sans jugements! 

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#26 – L’héritage de la personne adoptée – Entre Illusions et Absence

Vous connaissez sûrement le poème intitulé « Deux mères pour une vie ». Si non, vous pouvez taper le nom sur Google et vous le retrouverez facilement. Il a été écrit par un parent adoptant qui explique pour son enfant son histoire. 

 De ce texte qui n’est selon moi que peu réaliste et cantonne l’individu adopté à un récit pré-fixé,  j’aimerais proposé une autre version qui présente ma réalité de personne adoptée sans romance et sans être adoptant-centré. 

Voici donc ma version, je sais aussi bien qu’elle ne parlera pas à tous et ce n’est pas le but, car l’objectif principal est de replacer au centre du récit la personne adoptée et lui permettre de reprendre le contrôle de son histoire.

Titre classique : L’héritage de la personne adoptée : Entre Illusions et Absence

Il était une fois deux femmes
Qui ne s’étaient jamais rencontrées,
L’une qu’on aimerait que j’oublie,
L’autre qu’on m’a poussée à nommer « Mère ».
Les inégalités entre leurs deux vies ont façonné la mienne.
L’une dont je suis la chair,
L’autre, une étrangère.

La première m’a donné la vie,
La seconde m’a vue la vivre.
La première me donna l’amour,
La seconde nia ma souffrance,
Fruit de l’absence.

L’une me donna mes racines,
L’autre m’en coupa et imposa son patronyme.
La première me donna des graines de talent,
La seconde m’utilisa pour satisfaire son rêve et ses passions.

L’une fit naître en moi l’émotion,
L’autre m’emprisonna par ses craintes.
La première reçut mon premier sourire,
La seconde ne put comprendre l’origine de mon affliction.

L’une fut séparée de moi,
Ne lui laissant aucune vraie possibilité de choix,
Lorsque les désirs et prières de l’autre
Étaient plus forts que sa voix.

Et maintenant,
Avec des larmes amères,
Je me pose l’éternelle question,
Vérité ou fiction, Naturel ou Imitation,
De qui suis-je le produit ?
De la Première évidemment, mère Éternelle depuis ma conception.
De la Seconde également, maman Fictive issue de l’invention.
Façonnée par les deux,
Grâce et en dépit du vide et de l’effacement.


Changer la perspective,
Point de vue d’une personne adoptée.

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#25 Des morceaux de traumatismes accumulés.

Je suis née en Polynésie Française et est été adoptée à ma naissance. Ma mère biologique (c’est comme cela que je l’appelle) a rencontré ma maman lorsque j’étais encore dans son ventre. Ma maman a longuement parlé avec ma mère biologique afin de s’assurer qu’elle soit sûre de vouloir que je sois adoptée. La différence avec l’adoption polynésienne (culturellement) est que lorsque l’enfant a été adopté, les parents adoptifs reviennent dans le pays, et les parents polynésiens ont le droit de reprendre leur enfant. [Bien évidemment il y a très peu de parents (qui adoptent de façon plénière) qui font la démarche de revenir lorsque leur enfant a deux ans]. Ma maman l’a fait.

Je suis arrivée en France à l’âge de 15jours. Donc apriori je n’en n’ai aucuns souvenirs. Pour revenir sur le fait que l’adoption est féministe. Je suis plus ou moins d’accord sur ce sujet. Ma maman a porté ce projet, et est venue me chercher seule, sans mon père. Je suis retournée en Polynésie à mes 2 ans. Ma maman ayant adhéré à la culture polynésienne a tenu à en respecter ses principes. Je n’en ai pas non plus le souvenir.

Par ailleurs, j’ai le souvenir de l’école dans laquelle j’ai grandi. En effet toujours les mêmes questions à l’école, « Pourquoi tu ne ressembles pas à ta maman et ton papa? Pourquoi tu n’as pas la même couleur de peau? Tu n’es pas comme tes parents? » et j’en passe. A l’école je n’étais ni noir, ni blanche. Et je ne rêvais que de ça, être comme mes copines, blanche avec les cheveux longs, blond et lisse. Ce fut la triste suite de mes nombres traumatismes, car en effet, j’aimais qu’on me remarque à travers ma joie de vivre et de ma passion pour les choses qu’une petite fille de 5,6,7,8 ans aime. Je ne trouvais ma place nulle part, déraciné, je n’avais aucun reflet tant physiquement que psychiquement. J’étais en mal d’amour et de ressemblance.

Mais derrière tout ça, j’aimais ma famille plus que tout au monde. Mes parents ont d’ailleurs divorcé après la mort de ma petite sœur adoptée au Vietnam deux ans et demie après moi. Elle avait un problème cardiaque et est décédé à l’âge de 6mois. Donc à partir de mes 3ans j’ai grandi avec ma mère et voyait mon père un week-end sur deux… Pour me rassurer quasiment toutes les nuits je faisais pipi au lit, je finissais donc par dormir avec ma mère. J’avais pour habitude de lui tenir la main en m’endormant par peur qu’elle aussi s’en aille, comme ma famille biologique, ou comme ma petite sœur. Je n’ai réussi à dormir chez mon père que très tard. Autant ma mère a toujours été une femme forte, autant mon père était un gentil, un tout doux, un pacifiste. Je n’ai jamais été rassurée par mon père, trop sensible pour moi il ne m’a jamais montré sa force de caractère et sa protection. Il m’a élevé en étant une princesse solitaire. Je m’explique mon père avait ses habitudes même lorsque j’étais chez lui le week-end. 8h lecture du journal dans son café favoris, il me collait devant la télévision avec mon petit déjeuner. Il rentrait le débarrasser vers 10h et partait faire de la course à pied une heure. Il rentrait me faisait a mangé, je restais devant la télé et il me servait. Il mangeait quant à lui dans la cuisine. Il partait ensuite faire du vélo et ne rentrait que vers 16h 17h. Je passais donc mes journées seules. Ayant peur de présumés cambrioleurs et étant seule vers l’âge de 6,7ans je cachais des couteaux dans toute la maison. Et j’appelais ma mère… Qui elle n’a jamais vraiment eu de vie même lorsque j’étais en « week-end » chez mon père.

Donc j’ai toujours en plus d’avoir besoin d’être aimée, j’ai eu le besoin de me sentir en sécurité très tôt. Pour une jeune fille c’est souvent le père qui endosse ce rôle-là. Malheureusement pour ma mère, elle a dû assumer ces deux rôles tout au long de mon enfance et adolescence. A l’âge de 10ans j’ai arrêté d’aller chez ma nounou, je rentrais donc du collège seule et me retrouvais seule à la maison. De fil en aiguille je me suis mise à fréquenter des jeunes filles avec plus ou moins des problèmes familiaux. Puis descente aux enfers, j’ai commencé à sortir. A l’époque j’avais un petit ami qui m’a fait découvrir le premier smack… Puis qui m’a brisé le cœur et inventé tout plein d’histoire à mon sujet au collège. Je me suis donc retrouvé à vagabonde entre le collège, et la rue. J’y ai rencontré un jeune homme, fort de personnalité, il représentait la sécurité, je l’ai donc vu plusieurs fois et suivi dans ces propositions. Il m’a appris à aimer, ou du moins à l’époque je pensais que c’était ça aimer. Qu’il fallait se donner…! J’ai donc fait des actes qui me paraissaient anormales mais j’avais l’impression d’être aimé. Ce garçon avait 16 ans. Quand j’ai commencé à avoir peur de ce garçon. J’ai fini par ne plus sortir. Je vous épargne la fin de l’histoire lorsque l’on s’est croisé par hasard dans le hall d’un immeuble d’une de mes « amies ». C’est à cette époque-là que j’ai appris que le besoin d’être aimé, mais aussi la naïveté de l’enfance pouvait me coûter chère et me poursuivre toute ma vie. (Je ne suis pas venue témoigner de ce traumatisme là mais bien des conséquences que peut avoir une adoption).

Je vous laisse donc imaginer de tels séquelles sur une enfant de 10ans. Tentative de suicide, auto humiliation, perte de confiance en moi… Je suis rentrée dans un monde d’adulte qui me paraissaient sans pitié. D’ailleurs les policiers de l’époque n’ont eu aucunes difficultés à sous-entendre à ma maman je cite « S’il est arrivé ce qu’il est arrivé à votre fille c’est surement dû à ses origines. On le sait bien les filles des îles… » Année 2004. Encore une fois on renvoie à ma mère des traits de « ma communauté » que moi je n’ai jamais connu. Donc je dirais que le traumatisme de l’adoption ce besoin viscéral d’être aimé m’a malheureusement mise dans cette situation. Ça m’a clairement amené à un autre traumatisme qui me suivra jusqu’à présent.

A l’âge de 14ans, j’ai reçu une lettre de ma famille biologique, ma grande-sœur… qui disant qu’elle ne savait pas si elle écrivait à la bonne personne mais qu’elle était en France et que si jamais c’était la bonne adresse elle laissait son numéro de téléphone. J’ai donc appelé avec à mes côtés ma mère qui n’avait qu’une seule peur c’était de me perdre. Nous avons donc convenu de nous rencontrer à Marseille. Ma sœur est mère de famille, mariée et elle a accueilli mon grand-frère de Polynésie pour les vacances. Je suis donc allée à Marseille avec ma mère. De là moment très émouvant des pleures des embrassades. Nous avons passés 3 nuits et deux jours ensemble. C’est là où ma grande sœur m’a raconté AU RESTAURANT devant ma mère, que ma mère biologique n’a jamais voulu me faire adopter, qu’elle l’a toujours regretté. Avec les années je me rends compte que c’était très malvenu de sa part de raconter ce genre de chose devant ma mère. Qui elle a demandé à plusieurs reprises si ma mère Biologique était d’accord et que si elle hésitait il fallait le dire. Elles ont passés des semaines voir des mois à en parler. Ma mère voulait être sûre et ne voulait pas avoir l’impression d’arracher ou de voler un enfant à sa famille…! Ma mère biologique a toujours dit qu’elle était, est et resterait sûre de son choix. J’en ai toujours voulu à ma mère biologique de m’avoir abandonné alors qu’en Polynésie ils voient ça comme confier leur enfant à quelqu’un, pour un meilleur avenir. Je suis restée en contact avec ma famille biologique, j’ai rencontré plusieurs fois ma sœur avec sa famille qui elle avait sa vision des choses et soutenait par moment que notre père n’était pas au courant de l’adoption. J’ai eu la chance de parler avec mon père biologique par Skype un an avant qu’il décède. Je ne connaîtrais jamais mon père biologique, comme quoi la plupart des hommes de ma famille aiment fuir.

J’ai fini par rencontrer ma mère biologique à l’âge de 23 ans. Lorsqu’elle est venue en France, j’ai grandi grâce à ma maman dans des ambiances tahitiennes à travers des associations. J’ai donc eu la chance d’apprendre depuis bébé de ma culture. Le jour de l’arrivé de ma mère biologique je l’ai accueilli comme les polynésiens le font. Un orchestre tahitien et une danse ainsi que des fleurs que ma mère lui a apportées. J’ai été très étonnée de leur lien… Elles étaient comme connectées. Nous avons pu discuter en tête à tête avec ma mère biologique. J’attendais des réponses à mes questions et elles ne sont jamais arrivées. Maintenant adulte j’ai pu comprendre que ma mère biologique a surement oublié, les circonstances, l’histoire et même les sentiments de mon adoption. Elle ne comprenait pas que je lui en veuille et j’ai fini par lui pardonner… Parce que finalement elle ne me dira jamais ce que j’aurais aimé entendre.

Aujourd’hui, je suis mère à mon tour, et je ne souhaite en aucun cas adopter. Tout d’abord pour tout ce que j’ai vécu, je ne souhaite pas faire vivre ça à aucuns enfants dans ce monde. Être tiraillée entre ce que la société me renvoie de devoir remercier d’avoir eu l’opportunité de grandir en France et la réalité de mes émotions et de mon vécu. Dans le fait de ne me reconnaître dans aucune des personnes qui ont pu m’entourer même si je ressemble à ma mère et que j’en suis extrêmement fière. Mais aussi pour ça pour ma mère, pour tout ce que je lui ai fait vivre et pour tout ce qu’il vit encore. Le fait d’avoir eu l’impression de ne pas m’avoir donné une vie assez bien, le fait d’avoir l’impression d’avoir détruit ma vie. Le fait d’avoir l’impression de ne pas avoir fait assez. Le fait de ne pas avoir été une bonne mère tout simplement.

L’adoption, c’est un traumatisme qui te suit toute ta vie en tant que femme plus particulièrement, car lorsque tu es enceinte tu as l’impression de voir le bout du tunnel mais finalement toutes les angoisses et les questions en lien avec ta naissance à toi remonte. Toutes ces questions de ressemble à la naissance et encore actuellement te reviennent en plein face tel un vent du Nord sur un pont de Lyon à te glacer les joues. La question de l’abandon lorsque tu es à bout de force à la maternité dans le fait de laisser ton enfant quelques heures avec les sages-femmes pour avoir un moment de répit pour dormir revient comme si tu avais été abandonné la veille et que tu faisais vivre ça à ton enfant pour qui tu ne veux en aucun cas qu’il vive ce que toi tu as vécu toute ta vie.

Voilà un résumé, de ces étapes que j’ai pu vivre dû à l’adoption. Les conséquences psychologiques sur moi ont été dévastatrices et j’en ai encore des séquelles. J’ai des traits borderline et je dois vivre avec. J’ai été suivi des années par morceaux finalement à l’image ce que qu’a pu être ma vie. Des morceaux de traumatismes accumulés.

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#24 À 18 ans, mon père adoptif m’ a mise à la porte.

Je me présente je m’appelle Kathleen Vaucher. J’ai 23 ans et je suis adoptée.


Je suis indienne. A l’âge de 2 ans mon père adoptive est venu me chercher en Inde. Mes parents ont adopté 2 Indiens et 3 Marocains. Ils avaient avant nous deux enfants à eux.


La relation avec mes parents a été très compliquée.

Je suis née avec une luxation de la hanche ce qui a eu pour conséquence de multiples opérations.

Mes parents nous ont toujours plus sévèrement punis les enfants adoptés que leur propre enfants.


Ma mère adoptive a été très perverse avec moi. Quand j’étais petite, elle m’appelait chimpanzé et orang-dégoutant. Une fois, elle m’a montré une photo de singe.Ceci était dû à mon visage. J’ai subi 3 opération trois opérations dû à ça.
Avec ma sœur indienne, elle l’a insulté de génie lavabo à cause de son retard mental. Pour parler de notre pays (Inde) nous regardions souvent les avortements des femmes indiennes.

Les punitions étaient souvent la privatisation de nourriture, nourriture jetée au visage douches froides, les tirages de cheveux la tête contre le sol.

Mes parents nous disaient toujours qu’on leur prenait la place. Que nous étions sans cesse en train de faire des caprices. Pour ma jambe ils me disaient sans cesse
 » on te demande pas un merci mais tu devrais être reconnaissante. »

Alors qu’une fois ma mère adoptive n’a pas hésité après une opération à me faire tomber de la chaise sans raison.

Ma mère adoptive m’accusait souvent de lui voler des vêtements ce qui était faux. Et de plus, elle nous cachait les cadeaux de Noël dans un cabanon pour les enfants adoptés.

A l’âge de 15 ans, j’ai sauté par le toit voulant mettre fin à mes jours. Ce jour-là a changé ma vie. J’ai pu avoir une psy et du soutien. A 18 ans mon père adoptif m’ a mise à la porte. J’ai réussi a trouvé un studio et gardé mon emploi.

Avec tout ces maltraitances, j’ai décidé pour ma sœur et moi-même de faire un procès contre eux.

La procureur a reconnu les faits. Et maintenant j’entame les démarches pour prendre le nom de famille de ma vrai mère.


Merci d’avoir créé cette page. Vous avez mis les mots sur mes émotions et mes sentiments. Je ne suis plus seule.

En ce moment grâce à votre page et vos témoignages, j’ai contacté temps présent afin qu’il propose une émission.

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#23 Pour moi, le reflet biologique représente un miroir de ce que j’aurai pu être, une déchirure sociale et en même temps un univers qui m’est familier.



D’origine asiatique, je suis arrivée en France vers l’âge de 4 ans. Ma première réaction en découvrant les élèves de ma classe (maternelle) a été la crainte et une impression d’être minuscule. Je me rappelle une vision de grandes ombres mais dont aucune ne me ressemblait.

J’ai vécu essentiellement entourée de personnes françaises et mes années d’école ont été un peu fractueuses. Ne retrouvant aucune ressemblance avec les membres de ma famille, j’ai perdu au fil du temps des notions essentielles comme l’attachement, les liens familiaux, la communication. [Récemment, ma grand-mère a appelé à la maison pour prendre des nouvelles. En la vouvoyant inconsciemment, j’ai compris aujourd’hui que je ne parvenais pas à l’assimiler à moi.

J’ai d’ailleurs senti un recul de sa part en demandant directement une autre personne. Je peux avouer que j’ai eu un peu honte.

J’ai commencé à prendre conscience de la barrière des cultures et des langues en allant à des restaurants asiatiques. Aujourd’hui encore, à chaque fois que j’y vais (seule), je me sens à la fois chez moi et perdue au milieu de nulle, dans une pièce où des personnes mangent. Je suis entre deux cultures dont l’une m’est inconnue (langage, culture, traditions, habitudes.).
Dans la rue, parfois, alors que je suis de nationalité française, j’ai l’impression d’être une touriste car des personnes me font rapeller sans le vouloir que je ne ressemble pas à une française. D’ailleurs, j’ai encore beaucoup de mal à accepter mon prénom français quand on me le demande car il ne correspond en rien à mes origines. […]

Pour moi, le reflet biologique représente un miroir de ce que j’aurai pu être, une déchirure sociale et en même temps un univers qui m’est familier. Mon identité se construit, je sais quelles sont mes valeurs et quels projets je souhaite développer mais il y a toujours des trous dans le puzzle qui m’empêchent en quelque sorte d’affirmer ma  » légitimité  » de vivre en tant que française, de me sentir intégrée. Le reflet biologique me rappelle  que je n’ai aucun moyen de savoir quels traits de caractère j’ai pu héréditer de mes parents, le contexte de ma naissance, que je n’ai pas d’héritage ancestral et que je dois avancer seule car la société peut être tout à la fois compatissante et cruelle.

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#22 – La peur a commencé à s’installer tout doucement sans que je m’en rende compte

Bonjour je m’appelle Angélica je suis d’origine chilienne adoptée par des parents français. J’ai aussi 2 frères plus âgés que moi adoptés au Chili aussi. J’ai vécu bébé avec mes frères et mes 2 parents mais je n’en ai aucun souvenir. Ce dont je me souviens surtout c’est de l’envie tenace de recevoir de l’amour et de la tendresse par milliers de la part de mes parents. A l’âge de 6 ans j’ai commencé le CP et je vivais avec ma mère je me sentais bien je pensais que la vie allait être simple, belle et pleine d’amour comme une enfant normal…Malheureusement ça ne fut pas le cas ! Quand l’apprentissage des cours à commencer, l’enfer à commencer en même temps ! J’avais du mal à suivre à l’école et ce pendant longtemps. J’avais du mal à intégrer certains cours aussi facile qu ils soient. Je me faisait des copines et des copains et ça me rendait heureuse. Quand je rentrais à la maison par contre ce n’était pas la même chanson. Ma mère pensait que je faisais exprès de ne pas vouloir apprendre alors j’étais puni autant de fois que c’était nécessaire.

C’était des punitions de plus en plus dur et la peur a commencé à s’installer tout doucement sans que je m’en rende compte. Je crois que ce qui me faisait le plus mal au début c’était le fait de ne pas comprendre pourquoi j’étais puni pour des choses que je n’arrivais pas à apprendre alors que je ne le faisais pas exprès au lieu de recevoir de l’amour parce que je me disais que je n’avais rien fait de mal. Et ce calvaire a recommencé tout les jours dès que je rentrais le soir après l’école. Les punitions c’était au début : soit je recopiais je ne sais combien de pages que j’arrivais pas à apprendre soit c’était des phrases à recopier comme « je serais plus gentille »…. Ensuite est venu les temps des mots blessants et des actes blessants. J’avais beau lui dire que je ne comprenait pas pourquoi je n’arrivais pas à apprendre certaines matières elle me disait toujours « tu n’a pas envie d’apprendre c’est tout ». Alors j’ai commencé à avoir peur d’elle dès la fois où elle m’a mis des claques et des fessées. J’ai donc commencé à mentir en disant que j’avais oublié des cahiers ou autres pour ne pas avoir à subir les maltraitances dû aux devoirs. Je pensais que comme ça elle arrêterait de me faire mal. Mais ça ne faisait rien, bien au contraire à force ça augmentait sa colère . Dorénavant j’avais le droit d’allez au coin jusqu’à ce que je sache par ❤️ mes leçons. Sauf que je n’y arrivais pas… Alors elle me rabaissait verbalement et me tirait les cheveux souvent jusqu’ à ce que ma tête soit en ébullition et me fasse des mal de crâne horrible me mettait des claques allez retour si il fallait,des coups de pieds au fesses car elle en avait marre! Je devais avoir 8 /9 ans à cette époque.

Et puis quelque chose c’est brisée à ce moment là. A chaque fois une fois que ce calvaire était fini je m’abandonnais dans les bras de morphée et pleurait toute les larmes de mon corps en pensant que je voulais mes vrais parents et que je voulais mourir.

Tout ça a duré énormément longtemps car des traumatismes ont surgi plus tard. Encore aujourd’hui j’ai le coeur brisé rien que de repensée à la petite fille que j’étais et qui a subi ça et à l’amour sûr que j’aurais dû avoir. Je vous accorde qu il n’y a pas eu que ça dans ma vie heureusement à coté de ça elle m’avait inscrite au sport ce qui m’a permise de souffler un peu par rapport à ça. Quand à mon père il n’était pas beaucoup présent puisque divorcé d’avec m’a mère à mes 7ans. Quand à mes frères, ils étaient déjà loin aussi à cette époque.

Malheureusement je n’ai le droit de le dire à personne d’en ma famille. Il n’y a que moi et ma mère qui le sachions ce qui c’est passé.Il y aurait tellement de chose à raconter sur mon histoire car l’enfance est importante pour la construction de l’avenir et c’est malheureusement ce qui a entraîner le reste dans mon adolescence.

En gros une enfance et une adolescence brisé.

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#21 Ce bref témoignage se veut un témoignage d ‘espoir et de sagesse pour tous ceux et toutes celles qui comme moi ont eu un parcours de vie chaotique, qui veulent devenir résilients

Voici mon histoire semblable à beaucoup d’ autres comme moi  » née sous X  » puis « adoptée  » et pourtant si personnelle.

Je suis née un vendredi printanier, le 27 mai 1971 à Lille . J’ ai appris à l’âge de 21 ans que j’ai été adoptée alors que je poursuivais des études dans le social . Premier grand traumatisme , ma vie s’est alors écroulée tel un château de cartes … Tu te retrouves d ‘un coup comme un arbre déracinée du sol , tu ne comprends pas pourquoi m’ avoir cachée mon adoption,pourquoi m’ avoir élevée sur des fondations factices qui ne sont pas des vraies racines mais celles qu ‘on a choisi pour toi. Ensuite, tu essaies de comprendre , et puis tu te dis que tu es chanceuse d’ avoir trouvé une famille adoptive,une famille qui t’a accueillie, qui t’as élevée et surtout qui t’aime du plus profond de leur cœur. Ensuite, tu continues à avancer en te promettant qu’un jour tu chercheras tes véritables racines. Alors que tu quittes le domicile des parents pour faire ta vie de femme, tu décides qu il est temps que tu entames tes recherches . A l’ époque, il n’existait pas beaucoup d’organismes pour t’aider dans tes recherches néanmoins tu ouvres ton dossier avec l’aide sociale à l’enfance de ton département..et miracle ton dossier te permet de tracer les premières heures de ta vie jusqu’à ton adoption. Puis, tu as une chance incroyable, oralement, on te donnes un nom et un prénom, celui de ta mère biologique … et avec ce précieux renseignement, tu continues tes recherches jusqu’à la découverte du Graal.. Mais là, la rencontre avec celle qui t’a donné la vie ne se passe pas comme prévue, cette femme que tu as retrouvée , te dit n’avoir jamais eu de fille. Second abandon, toi qui avait un tel espoir dans cette quête et surtout dans cette rencontre.Tu te retrouves à nouveau déçue, anéantie…mais tu dois continuer à avancer et tu essaie de mettre ceci de côté, en te persuadant que de toute façon, tu es assez forte pour supporter ceci et tu poursuis ta vie de femme mais tu n’est pas consciente que tu es blessée et que cette blessure va impacter sur ce que tu es dans la vie , sur ta façon de réagir, … Aujourd’hui , quadragénaire, tu te remets en question, et tu découvres enfin que ton abandon à la naissance, puis le second abandon due au déni de ta mère biologique à créer en toi un séisme qu il faut réparer pour enfin vivre ta vie et non la subir , devenir actrice de ta vie .Pour cela, il te faut repartir de 0 , reprendre les recherches , devenir résiliente, pour faire de ces expériences, une force .A ce moment la, l’ écriture devient un échappatoire salvateur pour mettre en mots, les maux qui ont jalonnés ton parcours de vie. Ce bref témoignage se veut un témoignage d ‘espoir et de sagesse pour tous ceux et toutes celles qui comme moi ont eu un parcours de vie chaotique, qui veulent devenir résilients.

Sylvie Olivier

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#20 Devais-je être triste ou reconnaissante ? Je ne savais pas. J’étais les deux, simultanément ou à tour de rôle.

J’ai découvert l’expression  » Sortir du brouillard  » sur votre page, et elle m’a beaucoup parlé. Je suis née sur le sol français d’une mère étrangère. Je l’ai toujours su, car je ne suis pas née sous X. Elle n’a jamais déclaré ma naissance et m’a abandonnée au bout de quelques mois. Enfant et adolescente, j’ai très mal vécu mon adoption. J’étais en colère. On m’a appris la chose très jeune (autour de quatre ans) et j’ai toujours pensé que c’était une erreur. A cet âge-là, la seule chose qu’un enfant comprend, c’est que ses parents ne sont pas ses parents et que ses vrais parents n’ont pas voulu de lui, point. Il n’a pas le recul nécessaire pour comprendre qu’il pouvait y avoir d’autres circonstances.

J’étais aussi en colère contre les discours que l’on entend systématiquement, lorsque l’on est adopté : entre les personnes qui font des hypothèses sur le pourquoi du comment alors qu’elles n’en savent pas plus que toi, ceux qui t’expliquent à quel point c’est une chance, ceux qui veulent absolument que tu croies que ta mère a fait ça par amour, et ceux qui te présentent presque leurs condoléances… Rien ne m’allait. La vérité, c’est que je n’ai jamais su comment je devais appréhender la situation. Il me manquait des réponses.

Devais-je être triste ou reconnaissante ? Je ne savais pas. J’étais les deux, simultanément ou à tour de rôle. En plus, je n’ai pas eu de chance dans ma famille adoptive. Violences psychologiques et physiques, maladies mentales, bref… J’ai fini par me demander si je n’aurais quand même pas eu une meilleure vie dans ma famille d’origine, précarité ou pas. Et puis, j’ai cru que l’âge adulte me délivrait. Durant environ six ans, j’ai eu l’impression de ne plus en souffrir. J’avais enfin la possibilité de consulter mon dossier d’adoption, voir si je pouvais obtenir des réponses puisque je n’étais pas née sous X, et finalement, je n’ai pas cherché. Jusqu’à cette année, où je me suis retrouvée, par hasard, à fréquenter régulièrement deux garçons originaires du même pays que moi. Ils tenaient énormément à leurs origines et je crois que j’ai fini par être fascinée par l’attachement qu’ils portaient à leur pays. Plusieurs fois, ils ont essayé de tester mon propre sentiment d’appartenance, me forçant, du coup, à m’interroger moi-même. D’un côté, je ne parlais pas un mot de la langue, je n’avais jamais été dans ce pays, et pourtant, je ne pouvais nier ce lien… Il s’agissait du seul élément qui m’affiliait à ma vie  » avant l’adoption « . C’était les seuls vestiges que j’avais de mon passé, et je me suis rendu compte que je ne pouvais pas les ignorer. J’en suis même arrivée à tomber amoureuse d’un de ces deux garçons, et je suis quasiment sûre que c’est arrivé, au moins en partie, parce que j’avais enfin l’impression d’avoir trouvé quelqu’un qui me réconciliait avec mes origines. A tel point, en fait, qu’il y a quelques mois, j’ai fait une demande de consultation de dossier. A l’intérieur, j’ai eu des informations qui m’ont permis de remonter jusqu’à ma famille d’origine, dont la moitié est aujourd’hui en France, et l’autre moitié là-bas. J’ai notamment deux sœurs qui s’y trouvent encore et que j’irai prochainement visiter si tout va bien. Je crois que c’est donc cette année que j’ai commencé à sortir du brouillard. Je n’ai pas fini, mais c’est en bonne voie. L’élément déclencheur fut sans doute ma rencontre avec ces deux compatriotes qui m’ont contaminée avec leur passion pour ce pays qui nous liait. Moi qui n’avais jamais noué de liens vraiment forts avec ma famille adoptive, qui m’étais toujours sentie un peu seule, à part, voire même apatride… Ils m’ont donné envie d’aimer ce pays. Et à travers lui, j’ai trouvé la motivation de remonter jusqu’à ma famille biologique. La question que je me pose, maintenant que j’ai mes réponses, que j’ai enfin trouvé des personnes qui me ressemblent (je suis le portrait craché de ma sœur aînée et de ma mère), c’est : est-ce que le syndrome de l’abandon que j’ai développé depuis l’enfance, qui me force à fuir l’attachement, l’engagement, car j’assimile l’amour à l’abandon, va ne serait-ce qu’un tout petit peu s’estomper ? S’apaiser, tout du moins. Je l’espère. En tout cas, c’est la première fois depuis que j’ai débuté ma vie amoureuse que je me sens à ma place dans une relation. Mon copain m’a soutenue dans mes démarches, il m’a informée à chaque étape sur les coutumes, les traditions, les mentalités… Il a eu peur pour moi par rapport à ce que j’allais découvrir, mais il n’a jamais essayé de me dissuader, il m’a fait des traductions, et surtout, il est la première personne, en France, qui ne m’a pas fait complexée sur mes caractéristiques physiques  » typées « . Parce que pour lui, elles étaient simplement normales, banales. Et j’ai compris à quel point en constatant que ma mère et ma soeur avaient les mêmes. De ce fait, j’espère que j’arriverai à récupérer un peu de stabilité affective avec cette sortie de brouillard, car j’aimerais ne pas tout saboter, pour une fois.

Je crois que je commence à trouver ma place – familialement, sentimentalement, et surtout, dans ma propre tête. Le chemin sera peut-être encore long et laborieux, mais j’ai quand même bon espoir.

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#19 Pourvu que j’ aboutisse un jour même si cela me prend des années.

Bonjour,

En recherche sur mes origines, je vais écrire une lettre au tribunal de la jeunesse de Dinant vu que mes parents ont perdu ma farde contenant les documents d’adoption, il va donc être davantage difficile de retrouver quelconques traces de liens de sang sachant que tous les dossiers d à partir 1971 sont partis plus loin.

Je compte dès que possible réaliser mon voyage indien afin de chercher même sans un résultat positif. Je suis prête. J’ai 49 ans, né le 28 juin 1971 : ma vraie date d’arrivée le 21 ou 22 septembre 1972 à l’aéroport de FRNKFURT. DU HOME SAINTE~CATHERINE d ANDHERI(Inde) habitant ANSEREMME (DINANT).

PARCE’QU ELLE ME manque terriblement ma biologique bien que l’espoir soit maigre et partant de rien, je tenterai un maximum pour aboutir à mon profond désir de savoir, j’ai un gros manque, celui de savoir me répondre, pourquoi as~tu été obligée de m’abandonner ? quand ? comment as~tu pu vivre en devant abandonner ton bébés? Manta ? Qui m’a donné ce prénom ? Sans REPROCHE, la remercier de son geste afin que j’ai une belle vie.

Et j’ai une belle vie mais ce poids sur le cœur toujours, cette tristesse qui vient de là ~bas, j’en suis sûr maintenant que c’est un grand traumatisme, oui. Hélas.

Pourvu que j’ aboutisse un jour même si cela me prend des années.

Merci d’avoir créer ceci pour nous, les adoptés et de la libre expression intimiste. Bien à vous

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#18 Je voulais savoir si d’autres personnes ressentent ou ont déjà ressenti un tel désarroi avec les émotions qui les traversaient ?

Bonjour à tous !

Je ne sais pas trop comment exprimer ma pensée mais j’ai décidé de me lancer car je vis une période assez compliquée émotionnellement parlant. Tout d’abord, je vais commencer par le début. Je m’appelle Sandra Dupont, je suis une jeune femme de 21 née à Fianaranstoa dans le beau pays de Madagascar le 3 avril 1999. J’ai été adoptée à l’âge de 2 ans et demi car ma mère biologique ne pouvait pas s’occuper de moi pour cause d’extrême pauvreté. Je n’ai pas été abandonnée dans le terme où on l’entend mais j’ai dû être séparée de ma mère qui devait partir travailler à l’autre bout du pays. Elle m’a donc confiée à une assistante sociale qui s’occupait d’adoption. Et c’est en septembre 2001 que je fis la rencontre de mes parents adoptifs (ou parents de coeur) qui sont venus me chercher là bas. Je me suis rapidement adaptée à ma nouvelle vie, nouveau pays et nouveaux parents : je les avais adopté à mon tour 🙂 La chance, je dirais même la bénédiction que j’ai eu est d’avoir toujours eu des contacts avec mon pays d’origine, avec l’assistante sociale (Julienne) ainsi que par le biais de ses enfants venus finir leurs études en France.

J’ai toujours su d’où je venais, j’avais également des photos de ma mère biologique ainsi que de ma grand-mère (decédée en 2005). Très vite, je réclamais à mes parents de retourner à Madagascar. Étant enfant, je ne savais pas exactement ce que je cherchais mais je ressentais qu’il y avait quelque chose qui manquait. Je me sentais bien avec mes parents, ils m’ont bien élevée et m’ont inculquée de belles valeurs mais il est vrai que j’étais assez renfermée sur moi-même, ne faisant pas de vagues car je craignais qu’on ne me laisse. Mes relations avec les autres se faisaient difficilement car je n’osais pas aller vers les autres de peur qu’ils ne me jugent ou ne veuillent pas de moi. Je parlais peu et n’exprimais pas mes émotions (à part la joie). Mon adolescence s’est bien passée, je n’ai pas fait la fameuse crise caractéristique de cette période mais le besoin de retourner a Madagascar se faisait plus pressant. Le manque de confiance et surtout l’estime de soi était à son paroxysme, je souffrais de la différence c’est-à-dire par rapport à mes amis qui me racontaient l’histoire de leur famille (l’ascendance). Ma famille est très gentille mais je sentais un peu à part . Ce n’est qu’a l’âge de 19 ans (en août 2018) que j’ai entrepris de faire le voyage retour aux racines. Et cela sans que mes parents m’accompagnent. Ils m’ont quand même soutenue et aidée. C’est accompagnée par un des enfants de l’assistante sociale que j’y suis allée et j’ai rencontré ma mère biologique, qui nous a accompagnés pendant presque toute la durée du voyage. Ce fut un véritable cocktail d’émotions auquel je ne m’attendais pas de vivre. Ce fut une très beau voyage où j’ai pu prendre connaissance d’une grande partie de ma famille ainsi que le village d’origine de ma famille. Au retour de ce voyage, j’avais l’impression d’avoir rêvé et j’ai mis du temps à réaliser. En effet, je n’en ai pas tellement parlé avec mes parents ni même mes amis ou alors avec une certaine distance. Ce n’est qu’un an après que toutes ces émotions me sont revenues en pleine figure (comme si elles ne revenaient que maintenant de Madagascar) et je me suis sentie submergée. La première phrase que ma mère biologique m’a dite ce fut une phrase d’excuse qu’elle a dit en pleurant. Cela m’avais énormément touchée. Mais avec du recul, un an après j’ai ressentie de la colère que je dirigeais contre moi-même car je me sentais fautive dans son choix, que je lui  » avais gâché la vie « . Puis de la culpabilité de l’avoir a mon tour « abandonnée » quand j’ai dû repartir en France. J’avais trouvé des réponses et de l’apaisement quant à la quête d’identité mais je me noyais dans ce cercle vicieux d’émotions que je n’arrivais pas à gérer. D’autant plus que lorsque j’ai rencontré une bonne partie de ma famille biologique je m’attendais à m’identifier à eux plus que dans ma famille de coeur mais je me suis sentie complètement étrangère. Du fait des coutumes totalement différentes : je me sentais inférieure a eux au niveau de leur gentillesse, leur accueil et leur grand coeur (je me sentais carrément illégitime).Je me sentais de trop. Là où j’ai pu constater que les émotions liées à l’adoption enfouies jusqu’alors (voire niées dans l’enfance) s’étaient reveillées est lorsque j’ai ressenti la terreur de l’abandon. J’ai une relation qui dure depuis 3 ans maintenant, et lors d’une situation avec un ami que nous avons en commun, j’ai eu peur (mais une peur au delà de la terreur) qu’il m’abandonne (pire que si il me quittait). Pour ne pas le blesser, j’ai gardé ça pour moi. Mais trop longtemps sous contrôle, telle une cocote minute, c’est ressorti puissance maximale il y a trois jours où j’ai libéré toutes ces émotions et de l’abandon, du rejet mais aussi celles ressenties à Madagascar.

Je me suis sentie complètement perdue et j’ai compris qu’il fallait que je fasse un travail sur moi-même pour pouvoir avancer et mettre les choses au clair mais j’ai tellement explosée en terme d’émotions que je me sens très fragile. Je ne sais pas qui je suis (malgré la connaissance que j’ai de mon histoire ainsi que le voyage en 2018), ce que je veux, comment exprimer mes émotions. Je voulais savoir si d’autres personnes ressentent ou ont déjà ressenti un tel désarroi avec les émotions qui les traversaient ?

Je crois que mon texte est très long, je souhaite bien du courage a ceux qui me liront 😉 J’avais besoin de vider mon sac et de m’exprimer sur un site où des gens peuvent me comprendre.

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#17 J’en souffre de cette indifférence , j’aimerais que ça change !

À chaque fois que je reçois une photo de ma mère, et que je vois toute la souffrance qu’elle a enduré (et auquelle elle fait toujours face aujourd’hui, ) dans ses yeux et son visage, je voudrais tellement pouvoir être à ses côtés et la serrer bien fort dans mes bras, envoyer un peu de chaleur, effacer sa peine et changer sa situation.

Et puis je me souviens, je n’ai que 18 ans, je suis étudiante, je n’ai pas d’argent. Ensuite, je songe à ma famille, ici, en France. Comme j’aimerais que ma famille adoptive ait aidé et aide ma famille naturelle. Mais je sais que ça n’arrivera jamais.

Depuis que j’ai retrouvé ma famille, mes parents n’ont jamais demandé des nouvelles de ma famille naturelle, ne se sont jamais inquiété de leur situation aujourd’hui. La dernière fois où j’ai fait allusion à la nécessité d’aider ma maman, mes parents adoptifs ont répondu : « Nous donnons assez aux associations dans le monde. Nous ne pouvons aider tout le monde. »

J’en souffre de cette indifférence , j’aimerais que ça change !

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#16 – Je partage avec vous Mon Histoire

As salam aleikoum, paix à tous;

Je partage avec vous Mon Histoire 


Adoptée à 4 ans, Indienne d’origine, j’ai  atterri chez une famille française.
Étant traumatisée à l’orphelinat, je ne parlais pas j’étais en quelque sorte fantôme .

La famille (non pratiquante en religion) qui m’a accueilli travaille dans un hôpital,  
Un milieux où stress, angoisse, tristesse et incompréhension règne. 
Malgrès leurs charité ils m’ont inculqué la peur, l’angoisse et état de burn-out.

Pendant mon enfance
 Je n’acceptait point la séparation de mon pays d’origine.
J’était terrifiée du fait que l’on me colle d’affection.Ayant l’impression d’être un être qui doit apporter amour reconnaissance etc pour le bien des autres.
On me forçait à dire oui pour leur caprice de antistress (leurs apporter des bisous leurs câliner etc… des actions qui étaient pour eux et non pour moi)

Je me réfugiée auprès de la nourriture moyen d’oublier mes craintes et moyens de combler mes peurs. Mais au final me faisait revenir à une situation de jugement ( ex :  » Mais arrête de te goinfrer, arrête de boulotter « etc… »Ne mange pas avec tes mains on est pas des mal-propre » 
Alors que dans mon pays d’origine, on mange avec les mains quel insulte a leurs égard et à la mienne. )
Je détestais parlais et on me forcer à le faire

 Je détestais leurs hypocrisies de politesse qui renier leur sincérité

 Je détestais les éloges que on leurs faisait, certes c’était vrai mais

Les autres ne connaissait pas leurs défaut qui me détruisait psychologiquement….

Actuellement: Al Hamdoulillah je suis dans une voie d’apaisement, 
Allah m ‘a permis de prendre mes distances avec cette famille.


Je suis Musulmane  et ce statut m’a permis de me respecter et de m’entourer avec de belle personne ayant de bonnes ondes.
Soubanallah 
Les épreuves que j’ai eu m’ont donnée des qualités ( La sensibilité, L’altruisme..)

Et aussi m’ont fait comprendre que les études ne valent rien à côté des expériences vécues.
Tous le monde à  des valeurs et doivent être respecté.

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#14 – Je suis né sous x le 9 juin 1980 à Lille.

Je suis né sous x le 9 juin 1980 à Lille. 

De mon passé pré-adoption je n’ai eu qu’un maigre dossier quémandé au conseil général du Nord en 1997. 

Né d’une mère et d’un père biologiques âgés respectivement de 16 et 18 ans, tous deux de nationalité Algérienne et vivant à Lille, je suis le fruit d’une amourette de quartier, de palier dirons-nous. J’ai décortiqué et lu le dossier un nombre incalculable de fois, avec une volonté, voire une rage de comprendre et de fantasmer leur histoire, leur manière d’avoir été séduits l’un par l’autre, et d’imaginer la fusion amoureuse qui m’a vu naître.

Les mots couchés sur papier de l’assistante sociale sur la personnalité de cette mère-enfant, frivole et insouciante, sont tellement subjectifs que cela à été très perturbant à la première lecture.
« On est en train de peindre un portrait de ma mère hyper dégradant là non ? » « En gros je suis le fruit d’un coup d’un soir ? » « Pourquoi m’avoir laissé vivre ? » « Est-ce qu’elle a pris conscience qu’elle ne me verrait plus jamais ? » « Pourquoi n’a-t-elle jamais repris contact ? » 

Que penser de cette personne, à part le fait qu’elle n’ait pas avorté, m’ayant ainsi laissé la chance d’exister et de pouvoir intégrer une famille adoptive en octobre 1980, 

après quelques mois dans un foyer de la DDASS. 

J’ai été accueilli dans une famille formidable, française et blanche, prête à me donner tout l’amour du monde et à m’offrir toutes les cartes pour évoluer d’une manière positive dans ce monde. Mère secrétaire médicale à Roubaix et père maquettiste aux 3 suisses à Croix.

Jusqu’en 1984 nous avons vécu à trois, puis à quatre après l’arrivée de ma soeur originaire de Corée du sud en 1983, lors d’une seconde adoption.

Oui, jusqu’en 1984 seulement car mon père adoptif est décédé cette année-là, face à mes yeux d’enfant désormais hanté par cette vision morbide.

Dès lors, nous avons vécu à trois contre vents et marées, unis par un amour sans limite.

Vivant dans la classe moyenne, au cœur d’un quartier populaire où vivaient les quelques familles immigrées de la ville de Leers, principalement maghrébines, ma soeur et moi durant notre enfance là-bas, avons toujours été chouchoutés par ses habitants. Que ce soit lié à nos origines ou au fait que ma mère, seule, nous éduquait d’une manière respectueuse et bienveillante, sans sourciller et sans s’apitoyer sur son sort. Même si elle sait très bien aujourd’hui, je crois, que j’entendais les pleurs ces certains soirs de souffrance, en écoutant l’oreille collée à sa porte de chambre, causés par le manque de son mari, décédé si jeune,.

La foi chrétienne a été au centre de notre petite famille dès le plus jeune âge, des baptêmes aux communions. 

Ma mère a puisé la force de ne pas craquer dans sa foi et surement aussi dans nos yeux naïfs et remplis de l’espoir qu’on nourrissait en elle. 

Nous avons grandi dans l’amour d’une famille maternelle et paternelle, croyante, qui se réunissait chaque semaine, entourés par des grands-parents très présents.

J’ai d’ailleurs passé énormément de temps chez ma grand-mère maternelle, toujours là pour s’occuper de nous car ma mère travaillait pour nous offrir une enfance riche en découverte, en voyage, en activités. Elle m’a appris l’histoire, l’esprit d’analyse, m’a tout raconté sur ses expériences durant la guerre 39-45 et m’a dit un jour une phrase qui résume tout d’elle : « La France a été faire n’importe quoi en Algérie, faut pas qu’elle vienne chouiner aujourd’hui ». On regardait des reportages sur Arte sans dire un mot parfois. Elle me traitait d’égal à égal.

Le couple formé par le frère jumeau de mon père et sa femme a également opté pour l’adoption, et nous avons vu arriver deux petits garçons d’origine sud-coréenne également, qui deviendront nos cousins entre 1982 et 1985.

Je n’ai le souvenir d’avoir appris qu’en 1986 que j’avais été adopté de parents originaires d’Algérie, de Kabylie plus précisément comme me l’indiqua plus tard ma mère. 

Cela ne sautait pas aux yeux au premier regard, malgré, plus jeune, mes cheveux blonds et bouclés caractéristiques. Du côté de ma soeur et de mes cousins, la différence 

fut plus présente de par leurs traits et leur couleur de peau.

On m’a d’ailleurs souvent dit que je ressemblais à mes parents adoptifs ! Ironie.

Bref. Les années passent, on enfouit tout ça bien que notre différence fut plusieurs fois mise en avant par des mots soit maladroits soit ciblés et malveillants provenant de personnes proches, ignorantes, ou plus éloignées, sous forme de questionnement sur ce que je vivais. On te rappelle toujours à ta différence, c’est un fait.

Par vagues, je me questionne, fantasme un pays d’origine, fantasme une vie vécue avec un père présent, puis la vie reprend ses droits et là, l’adolescence arrive.

Une période riche en lecture rebelle, et l’on essaie de revendiquer une origine par différents biais, en écoutant de la musique dénonçant les discriminations quelles qu’elles soient, provenant de différents pays, en suivant les différentes luttes mondiales et historiques.

Je suis vite devenu juste un jeune ingrat, en rébellion contre tout et tout le monde, en questionnement perpétuel, parfois invivable. Enragé en somme.« Pourquoi je vis ? » « Pourquoi je ne connais pas ma famille biologique ? « J’ai peut-être des frères et des soeurs qui pourraient me faire visiter mon pays d’origine… » « Pourquoi je ne porte pas un nom musulman ? » «  Est-ce que tout cela est vrai ? » « On me balade depuis le début ? » « C’est quoi le problème avec l’Algérie, pourquoi on m’en parle pas ? » « On n’aime pas le pays dont je suis originaire ou quoi ? »

Toutes ces questions que je n’ai jamais posées à ma mère car je ne voulais pas ajouter ça aux problèmes quotidiens. Je trouvais cela ridicule et j’avais peur qu’elle ne comprenne pas et qu’elle croit que je ne l’aimais pas alors qu’elle avait tout fait durant notre enfance pour que l’on ne manque de rien, quitte à se priver et à sacrifier sa vie de jeune femme.

Et puis la vie reprends encore ses droits et je vis ma vie, avec ce truc en moi qui ressort parfois, qui me met en rogne et hors de contrôle émotionnel.

Je crois que les valeurs de liberté et d’amour des autres qu’elle nous a inculqué auraient dû, avec le recul, me faire comprendre que j’aurais pu lui en parler.

La souffrance de ne rien avoir de plus que 3 pauvres feuilles a4 sur les détails de ma naissance et mes origines, dans un dossier tapé à la machine à écrire sont incompréhensibles par des non-adoptés. Je le sais aujourd’hui.

Mes parents adoptifs n’ont pas été préparés et formés à vivre et comprendre ce tourment intellectuel très personnel qui arrive tôt ou tard à leurs enfants, bien que ce sentiment n’arrive pas à tous les enfants adoptés que j’ai pu côtoyer jusqu’à aujourd’hui. Chose que j’ai toujours trouvé assez étrange. Ils sont là pour nous faire grandir du mieux qu’ils peuvent, une mission déjà tellement chronophage.

Jamais ne me viendra en tête cette idée abjecte déjà entendue d’avoir été l’outil exotique d’une quelconque envie charnelle et égoïste d’enfant vitrine par des parents adoptifs inconscients de l’amour sans borne qu’il faudrait déployer durant le chemin de vie. 

J’ai été victime de discriminations principalement par la police nationale. 

Contrôles, fouilles dès mon adolescence, mais lors que je fournissais ma carte d’identité, cela se détendait beaucoup plus. 

Puis en entreprise, écouter les palabres du racisme ordinaire, puérile des collègues qui ne savaient rien de moi… je me suis toujours délecté de ces propos. 

Brun, grand, barbu, caractéristiques physiques qui décident pour toi selon les endroits.

Mais un jour, j’en parle et exprime mon pedigree afin que les langues se tournent avant de parler.

Le fait d’être d’origine kabyle, dans une région marquée par une forte immigration maghrébine, m’a finalement donné les clefs d’une certaine compréhension, parfois galvaudée ou stéréotypée. Un apprentissage culturel et spirituel en solo, marqué d’échecs, de joie, de désillusions parfois, mais toujours bénéfiques. La bible et le coran côte à côte, mais ça c’est un autre sujet.

Aujourd’hui à 40 ans je sais qui je suis, un homme qui ne connaîtra jamais sa famille biologique, avec une petite fille que j’aime plus que tout et qui est la seule personne qui me ressemble, un homme qui n’a plus peur de mettre les pieds sur ses terres d’origines, la tête haute devant les regards qui parfois se disent : « Tu n’es pas vraiment comme nous mais on comprend », « Il est paumé »… mais si vous saviez comme je suis déterminé, les pieds sur terre et toujours sur la même ligne de conduite…Je suis un infiltré et cela me va, fier de ma différence, fier d’avancer et de dénoncer les discriminations que subissent mes frères, ici ou en Algérie ou partout ailleurs, bienveillant et rempli d’amour, sans jugement. Je n’appartiens à personne, à aucun sol. Libre un temps soit peu. On m’a aidé à me développer dans ce monde avec des armes telles que l’empathie, la compréhension m’amenant parfois jusqu’à pardonner l’inécoutable, l’ineffaçable, mais je n’oublie rien. Toutes ces phrases encaissées sur mon adoption, cruelles, gerbantes, pitoyables en somme. 

Je viens des montagnes n’est-ce pas ? Là où on on n’oublie rien, la mémoire vive, on avance, on travaille.

C’est comme ça, mais le chaos mental est derrière moi. Je suis en mission. Aujourd’hui la rage est positive.

Je suis chanceux d’être en vie, et de savoir qu’une personne, ma soeur, comprend et sait ce que je vis.

Aucune auto-flagellation, juste le regret de ne pas avoir exposé au grand jour ces sentiments lors d’une période sombre de ma vie. 

Je n’en veux plus à grand monde finalement, juste à quelques-uns.

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#13 Poèmes d’adopté

Un cliché en toile de fond

L’identité de L’adopté international laisserait peu de place à la nuance
Telle une toile blanche à peindre, la palette a déjà été préparée au préalable
La peinture n’est pas à l’huile ni à la gouache mais aux clichés.
Les couleurs proposées sont manifestement binaires
Il faudra composer avec la multitude de nuances de gris
 Ou bien seulement quelques couleurs primaires, vives et pétillantes.
Peindre son identité demande de l’inspiration.
Le cercle familial, la société le quotidien serviront de muse.
Une peinture ne peut se faire sans le pinceau de la conscience.
Ardu est le démarrage, l’inspiration comme les clichés présents compliquent
La céation identitaire.
Mais la création n’est-elle pas libératrice ?  L’œuvre artistique n’est est-elle pas l’expression ?
Si L’adopté doit peindre son identité cela sera alors de l’art et ne peut
En être autrement.
L adopté prend le pinceau du bras de la volonté.
Il s’en servira pour mélanger les couleurs de sa palette afin de créer les
Siennes et commencer à peindre.

Jangadeiro

Gringo malgré lui

Fouler le pied de la terre natale procure une sensation unique et inédite.
Le sens de l’observation se doit d’être décuplé pour ne rien louper.
Les gens les lieux l’environnement doivent être photographiés sur le papier de la
Mémoire.
Mettre le temps à l’arrêt pour faire perdurer chaque instant indéfiniment serait souhaitable.
Car ce temps sera précieux pour connaître ces gens leurs us et leurs coutumes.
Les hostels, les lieux fréquentés favorisent le contact.
L’ouverture d’esprit et l’hospitalité de mes semblables aident dans cette démarche
Dis-moi que tu es afin de savoir qui je suis voilà mon état d’esprit
Mes sens me donnent l’illusion de déjà connaître ces reliefs pourtant non familiers.
L’adaptation au train de vie se fait sans effort.
Sans nul doute car ceci est mon véritable environnement car c’est chez moi que je suis.
Sur ces plages mon esprit est en paix dans ces rues mon avenir se projette.
Nous sommes chez nous là où nous nous sentons bien
Nous nous sentons bien là où tout est fait pour que l’on se sente bien.
L’illusion effritée par le temps passé en ces terres, la relation véritable apparaît.
Une relation que l’adoption m’impose par-delà les continents.
Le quotidien dans ce pays natal apporte la preuve que la racine est coupée.
Dans leurs yeux je ne vois finalement pas envers moi un semblable mais un dominant, un occidental.
 Un dominant à dominer.
Tu crois nous ressembler voilà une faille à exploiter.
« Il a été pris par l’occident il sera un gringo malgré lui »

Jangadeiro

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#15 Mon adoption m’a rendue schizophrénique.

Bonjour, je suis Marie.

J ai 55 ans.Je viens de l’Inde.

J ai été adoptée a 4 ans.

Mes parents adoptifs sont decedes.

Je vis seule .

Mon adoption m’a rendue schizophrénique.

J’ai un traitement lourd.

Je pense consulter un avocat pour rechercher ma mère biologique.

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#12 Je n’essaie pas de jeter la pierre mais « seulement » de connaître mes origines, mon histoire.

Partagez-le au maximum, s’il vous plaît! (Toujours d’actualité)

Je demande aussi de l’aide pour retrouver ma famille biologique, c’est très important pour moi.

Je m’appelle Sabrina (j’ai 44 ans, je vis en Suisse et je parle français), mais avant mon adoption, je m’appelais Guerrero Blanca d’après mon passeport. Je suis née à Bogotá (Cundinamarca, Colombie) le 15 novembre 1975. J’étais à l’orphelinat « Casa de la Madre y El Niño » parce que ma mère, Elena Blanca Guerrero, m’avait déposée le 29 novembre 1978 (selon la documentation du orphelinat). Quelques années plus tard, l’orphelinat m’a laissé dans une famille d’accueil avec Mme Gloria Von Breymann et sa famille. Je suis resté dans cette famille d’accueil pendant un mois, jusqu’à ce que mes parents adoptifs de Suisse viennent me chercher au début du mois de janvier 1980.

Voici un message pour ma famille biologique:

Je n’essaie pas de jeter la pierre mais « seulement » de connaître mes origines, mon histoire. Sans ressentiment ni amertume envers tout le monde. Pouvoir dire à mes enfants d’où je viens est important pour moi. Je suis satisfait et heureux dans ma vie d’avoir ma propre famille et de m’entourer de gens qui me remplissent d’amour, mais une partie de moi reste vide, sans savoir d’où je viens. Je n’ai pas de réponse à donner à mes enfants quand ils me demandent d’où ils viennent; sachant qu’ils auront aussi ce petit vide d’ignorance dans leur vie; C’est insupportable.

S’il y a une chance que vous, mes parents biologiques, me lisiez, que je suis ici, je veux vous dire que le choix que vous avez fait il y a 38 ans ne devrait pas être un fardeau pour vous. Tu m’as donné une chance de vivre. Cette décision, si vous l’avez prise, était la meilleure option pour vous et moi à l’époque. Je n’ai aucun ressentiment ni colère contre cela.

Ma porte, mon cœur est ouvert et continuera de l’être.

J’ai écrit à l’ICBF pour recevoir mon dossier d’adoption et des informations sur ma famille biologique. Mais ils ne m’ont toujours rien donné, alors j’attends …

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#11 J’ai l’impression d’avoir plusieurs identités; plusieurs noms ; plusieurs vies c’est étrange comme sensation.

J’ai été adoptée très jeune 6 mois ça ne s’est jamais très bien passée avec ma mère adoptive je pense qu’elle aurait du être aidée à un moment donné au lieu de ça elle s’est réellement acharnée sur moi je souffrais mais je ne connaissais que ça et je me disais attend déjà ma mère naturelle m’a abandonné alors la j’ai la « chance » d’avoir une deuxième mère donc j’encaisse et peut être que ça s’arrangera;

les années ont passé c’était de pire en pire donc je suis partie très loin mais même loin elle continue à me nuire.

Il y a 7 ans j’ai retrouvé ma famille via les réseaux sociaux (incroyable mais vrai) et je retrouve ma mère naturelle; qui me demande entre autre de ne pas dire à ses enfants (présents sur les réseaux) que je suis sa fille donc leur demi sœur.

La deuxième claque !!!

D’autant que mes parents adoptifs m’ont tellement raconté n’importe quoi à son sujet et je découvre totalement l’inverse et surtout qu’elle vit à deux heures d’avion de moi…Heureusement pour moi ma mère naturelle a une sœur qui s’est occupée de mon adoption et avec qui je discute tout le temps et qui se soucie vraiment de moi tout le temps.

Grâce à la maternité je découvre l’amour maternel et cela n’a rien à voir avec ce que j’ai vécu.

J’ai l’impression d’avoir plusieurs identités; plusieurs noms ; plusieurs vies c’est étrange comme sensation.

Mais c’est ce que je suis, c’est mon histoire mon parcours ma vie.

J’ai connu des personnes dont l’adoption s’est hyper bien passé et qui ont de vrais relations constructives avec leur parents adoptifs.

Ce n’est pas mon cas mais j’inverse la donne avec mes enfants.

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#10

Je suis née au Burkina Faso et j’ai été adoptée par un couple de Français.

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#9 J’en veux à ce système qui a décidé pour moi sans mon consentement.

Je suis né au milieu des années 80 au Brésil. Avec ma sœur jumelle nous étions dans un orphelinat depuis notre naissance. Nous avons été adoptés à l’âge de deux mois et demi par une famille française. Nos parents adoptifs souhaitaient au départ n’adopter qu’un enfant, un garçon. On leur a proposé des jumeaux, une fille et un garçon. Ne voulant pas nous séparer, ils nous ont adoptés tous les deux. Mes parents adoptifs étaient respectivement parent d’un enfant biologique; Ils avaient chacun eu une fille d’une précédente union. Ils les ont élevées ensemble comme deux sœurs. Leurs filles avaient environ le même âge, et une vingtaine d’années lorsque ma sœur et moi sommes arrivés dans cette famille. Elles avaient quitté le foyer familial et étaient en rupture avec leurs parents depuis déjà quelques années. Nous n’avons donc pas été élevés avec elles et ne les avons pas non plus côtoyées. Mes parents adoptifs venaient de remplacer leurs filles biologiques par deux enfants adoptés. Nous avons par ailleurs, été très bien acceptés par le reste de la famille (grands-parents, oncle, tante,…). J’aimais beaucoup ma grand-mère « paternelle », dont j’étais très proche.


En France, à l’école mon adoption était connue, les autres enfants me posaient souvent des questions : « Est-ce que tu te souviens de tes vrais parents? », « Pourquoi vous ont-ils abandonnés? », « Aimerais-tu revoir tes vrais parents ? », « Tu parles brésilien? » ; Des questions que moi-même je ne me posais pas encore. J’ai aussi découvert le racisme, dès l’école maternelle, dans la cour de récréation. Quelques enfants s’en prenaient à nous (ma sœur et moi) en se moquant de notre couleur de peau. Ce n’était que des mots d’enfants, mais nous ne comprenions pas. Dans la rue, les lieux de fréquentations (magasins, restaurants, etc), les regards devenaient pesant; Des enfants de couleurs avec des parents blancs ça attire l’attention, surtout dans certaines régions. Je n’aimais pas ça, je ne voulais pas sortir. J’en avais d’ailleurs parlé à la coiffeuse qui à l’époque s’occupait de ma tignasse bouclée, elle s’était montrée très bienveillante en me disant de prendre ça avec ironie. Nous en parlions aussi toujours à nôtre mère adoptive qui prenait systématiquement notre défense. A cette époque nous étions fusionnels. J’étais proche d’elle et j’avais un grand besoin d’affection de sa part. Je ressentais la peur de l’abandon. Un sentiment prégnant qui m’a accompagné durant toute mon enfance. Je me décollais difficilement d’elle et elle en était comblée. C’était une mère surprotectrice.
Avec mon père adoptif, les rapports étaient plus distants. Je sais qu’il était heureux (du moins au début) d’avoir un fils, mais c’était un homme dur et rigide, avec peu de patience, il s’emportait vite, parfois impulsif et grossier ; Les claques et fessées pouvaient tomber facilement. Il était rempli de rancœur et de colère. J’ai toujours pensé qu’il n’était pas fait pour être père et qu’il n’avait plus l’âge pour l’être. Je n’allais pas facilement vers lui. Je me souviens même, disant que je ne l’aimais pas… Ma grand-mère « maternelle » me disait : « On ne dit pas ce genre de chose de son papa… ». Je ne m’en rendais pas compte, mais je pense que s’il entendait ces mots, ça devait certainement le blesser.
Par la suite, ma mère adoptive est devenue culpabilisante et quelque peu dénigrante; Je me souviens que très jeune, elle nous demandait souvent qui nous choisirions si notre mère biologique venait nous récupérer, sans oublier d’émettre que c’est elle qui avait toujours été là pour nous… Je détestais cette question. Elle nous parlait aussi souvent de notre couleur de peau, de nos cheveux, de notre nez. Elle nous disait que dans ce monde nous n’avions pas de chance d’être noir, que si plus tard nous avions un gros nez, elle nous le ferait refaire, mais que j’avais tout de même de la chance, car je n’étais pas trop « négroïde »… Je crois que c’est à cette époque que j’ai commencé à avoir mes premiers complexes; Je rêvais de devenir blanc comme Michael Jackson et l’idée qu’on refasse mon nez m’enchantait! Ma mère adoptive vacillait entre bienveillance et dénigrement. En grandissant j’ai commencé à me détacher d’elle. Elle devenait très intrusive, cherchait à tout contrôler et nous subissions de plus en plus ses offenses. Dès que j’étais en désaccord avec elle ou contrariant, elle me menaçait de me payer un billet retour pour me renvoyer au Brésil, ou bien de m’envoyer en pension. Je vivais cela comme un éventuel futur abandon. Elle me répétait que j’étais un noir, que j’avais eu de la chance qu’elle veuille bien de moi, car personne ne voulait adopter de noirs (et elle citait ses ami(e)s ayant également adopté des enfants brésiliens, mais bien plus clairs que nous). Que nous les Brésiliens, étions en réalité des Africains; Que j’étais un Africain et que c’était à moi normalement de servir les blancs. Que je devais être plus reconnaissant que « les autres »… Sous-entendu les enfants biologiques. Je précise qu’en plus nous ne sommes pas noirs, mais métisses. Mon père biologique était blanc, information qui avait été donnée à nos parents adoptifs lorsqu’ils sont venus nous chercher à l’orphelinat, mais ma mère adoptive s’obstinait à dire que ce n’était pas vrai.

Je n’en avais pas conscience, mais je subissais au cœur même de mon environnement familial, le racisme.


Je ne me sentais pas en sécurité dans ma famille adoptive, j’avais souvent peur qu’on m’abandonne à nouveau. J’étais un enfant timide, introverti avec des tendances au bégaiement. A l’âge de six ans j’ai eu mes premières pensées suicidaires et à la préadolescence j’ai commencé à avoir des troubles alimentaires. Le début d’une forme d’anorexie qui m’a suivi jusqu’après ma majorité; Je ne supportais pas mon physique, j’ai commencé à être obsédé par mon apparence. A l’adolescence, ma relation avec mes parents adoptifs n’a fait que se détériorer. J’étais moins malléable. Les violences verbales devenaient routinière dans cette maison. Nos parents nous répétaient régulièrement qu’ils regrettaient de nous avoir adoptés, que nous leur devions tout, que sans eux nous ne serions rien, que si ils n’étaient pas venus nous chercher au Brésil, nous serions restés dans notre merde à manger des racines d’arbres… Ils ne faisaient que dénigrer notre pays d’origine, au point que nous faisions un blocage dessus ; Nous ne voulions pas en entendre parler et fuyions le moindre reportage télé sur celui-ci. J’étais de plus en plus souvent rabaissé, ils me disaient que j’étais nul, un incapable, que je ne sortais de rien. Ils m’étaient en doute mes compétences et me dévalorisaient systématiquement. Me faire insulter de « con » par exemple, est une habitude qui s’est vite installée. Ma sœur et moi n’étions pas toujours traité de manière équitable, surtout à cette période. Certains privilèges lui étaient accordés, ce qui avait pour résultat de créer des tensions entre nous et des frustrations. Parfois, les rôles s’inversaient. Avec le recul, je crois que c’était voulu. Nos parents utilisaient souvent le chantage, la culpabilité et les menaces pour nous contraindre à leurs exigences.
De l’extérieur, mes parents adoptifs renvoyaient une image qui suscitait l’admiration; Ils étaient très respectés et irréprochables en société. On me disait que j’avais de la chance, que j’avais tout pour moi… Eux aussi en étaient persuadés. Ils ne se remettaient d’ailleurs jamais en question, ma sœur et moi, nous leur devions tout et ils nous le rappelaient. Notre mère se ventait toujours d’avoir dû payer pour nous avoir… Comme si ça lui offrait un droit de propriété sur nous, un pouvoir illusoire. Puis nous avions un confort de vie matériel, de quoi pouvions nous manquer?… L’adoption était pour eux une démarche humanitaire qui exigeait redevabilité.
Mes parents adoptifs m’ont par la suite emmené voir des psychologues. Ils me répétaient tout le temps que je n’étais pas normal, que j’avais un problème… S’en est suivi quelques entrevues qui n’ont rien donné. Ces consultations se faisaient en leur présence. Quelques années plus tard j’ai été suivi par un psychiatre. Il était pour moi un échappatoire. Je lui parlais principalement de mes tendances addictives d’adolescent et de mon envie parfois de vouloir mourir. Il me parlait alors d’hospitalisation forcée, sans prendre la peine de creuser le pourquoi de cet état. Lors de notre dernier entretien, il voulait que nous abordions pour les séances à venir, mon adoption. C’est là que j’ai décidé de mettre un terme à ces rencontres, lui signifiant qu’il m’avait toujours été d’aucune utilité. Je n’étais en réalité juste pas prêt à aborder ce sujet. Je me protégeais.
Mes dernières années de vie avec ma famille adoptive, pendant ma période lycée, ont été les plus difficiles. Je me sentais complètement détruit. Je pensais quasi quotidiennement au suicide, seule issue qui pouvait s’offrir à moi pour ne plus avoir à les supporter. Je ne voyais aucune solution pour m’extraire de cette situation. La vie, le monde, les autres, plus rien ne m’était supportable. Mes parents ne faisaient que me rabâcher que le monde était dur, que la vie était difficile. Mon père me répétait : « La vie c’est comme une tartine de merde, chaque jour il faut en bouffer un morceau. » que tout ce qu’ils me disaient était pour mon bien. La vie avec eux, n’avait rien de savoureuse.


Toutes ces années d’existence au sein de cette famille ont eu un impact non négligeable sur moi ; Du petit garçon réservé et timide, je suis devenu introverti, puis complexé, au point de ressentir un profond dégoût pour moi-même, jusqu’à façonner mon physique pour gommer au maximum mon reflet originel.


Nos parents se plaignaient sans arrêt de nous. Nous étions les responsables de leur malheur. Nous n’étions jamais assez bien, tout était bon pour nous faire des reproches et pour nous tenir des propos négatifs. Il n’existait aucun échange réel, ils avaient toujours raison et il n’y avait aucune place pour nos choix. Nos ressentis n’ont jamais été pris en considération, ils ne se souciaient pas de ce que nous pouvions éprouver, si bien, que les abus que ma sœur et moi avons subis pendant l’enfance sont passés complètement inaperçus… De quoi pouvions-nous souffrir, puisque nous avions tout? Car avoir tout, n’autorise pas à se plaindre, c’est ce qu’on m’a enseigné.


J’ai toujours eu honte d’avoir été adopté. Un sentiment profond qui est en réalité le fait de ne pas avoir été désiré. C’est l’un des sentiments les plus lourds que je porte en moi. Comment peut-on trouver sa place lorsque l’on n’a pas été désiré ? Comment se sentir aimer lorsque l’on a pas connu l’amour inconditionnel d’une mère? Aujourd’hui encore, bien souvent je tais mon adoption. J’évite ainsi par la même occasion, les questions et remarques maladroites. La première question est toujours celle de l’âge : « A quel âge as-tu été adopté ? ». Et si tu réponds que tu as été adopté bébé, les gens te répondront à coup sûr une phrase de soulagement!
Comme si, être adopté bébé, ne portait pas à conséquence. Ce qui en revient à un mépris des ressentis éventuels et à nier la blessure primitive, ne reconnaissant finalement que la secondaire, celle d’un enfant adopté plus grand, qui seul lui, pourrait être atteint d’une blessure émotionnelle, psychologique, provoqué par l’abandon. C’est très hiérarchisant. Mes parents adoptifs étaient les premiers à nier mes ressentis et s’empressaient de répondre à ma place lorsque le sujet était abordé par un tiers : « Non, il ne se souvient de rien ! Il était trop petit ! ». Et pourtant, le souvenir émotionnel était bien là…
Après, ma première histoire d’amour, qui pour la première fois me faisait me sentir vivant, j’ai essayé d’en finir. Je venais de vivre ce qui avait été le plus intense dans ma vie, tout pouvait donc bien s’arrêter là. Je tenais responsable cette relation tumultueuse de ma tentative de suicide, mais la raison était en réalité bien plus profonde; Cette rupture n’avait été que le déclencheur de l’accumulation de tous mes maux arrivés à débordement. Pendant ma semaine d’hospitalisation, la directrice de l’hôpital et un psychologue sont venus me voir dans ma chambre, ils n’ont vu là qu’un pauvre garçon en plein chagrin d’amour et m’ont menacé à leur tour d’un internement si je recommençais d’attenter à mes jours.
Les dernières semaines dans ma cellule familiale ont été particulièrement conflictuelles, un harcèlement permanent, mais quelque chose s’est éveillé en moi les derniers jours avant que je ne brise mes chaînes (qui n’étaient que psychologiques); Je ne ressentais plus rien pour mes parents adoptifs, j’avais la sensation d’être en face de deux inconnus qui fustigeaient dans le vide. J’étais plongé dans une bulle dans laquelle plus rien ne pouvait m’atteindre. J’étais comme anesthésié. Un jour où j’étais de sortie, je reçois un appel de ma sœur, me disant que ma mère adoptive avait une fois de plus profité de mon absence pour fouiller dans mes affaires. C’était son habitude, dès que je sortais, en bonne mère intrusive comme elle était, elle se permettait de fouiner dans mon intimité. Je vivais cela comme un viol. Cette femme, me considérait encore comme un être immature. Ce jour là a été le déclencheur, j’ai décidé de ne plus rentrer. Jeune majeur, je pouvais enfin déployer mes ailes. Elle a tout de même essayé de me culpabiliser par textos pour que je rentre, en me disant que j’abandonnais ma sœur, qu’il fallait qu’on parle sans colère et sans haine, puis en dernier recours, me menaçant que si je ne rentrais pas à tant, la porte serait fermée pour toujours. Je lui ai répondu que je n’avais plus rien dire à des gens comme eux. Ça a été mon point final dans cette histoire. Pour la première fois de ma vie, je me suis senti libre. Une sensation nouvelle que je découvrais. Je venais de quitter ma prison dorée.
Ça fait maintenant plus d’une dizaine d’années que mes parents adoptifs ne font plus partie de ma vie. Je ne les ai jamais revus, à l’exception d’une fois, environ deux ans après mon départ, je les ai aperçu sur un marché de Noël, à l’autre bout de la France ; Je me suis caché pour ne pas qu’ils me voient. Je ne ressens plus de colère, ni de rancœurs envers eux, et ils ne manquent pas. Plus le temps passe et plus cette histoire me semble lointaine, parfois presque irréelle, j’arrive tout de même à me remémorer les moments joyeux, car oui, il y en a eu aussi, mais je reste navré de tout ce gâchis, qui peut-être, aurait pu être une belle histoire.

Malgré ça, résonnent encore en moi les échos des phrases assassines.


Quant à ma sœur, qui a vécu dans cette même ambiance, elle ne partage qu’assez peu mes ressentis. Elle se montre d’un devoir loyal envers ceux qui pourtant ont été si souvent nos bourreaux. Après plusieurs années d’émancipation, elle est même retournée vivre auprès d’eux. Elle se montre reconnaissante et redevable, estimant même que nous avons eu de la chance. La chance d’avoir échappé à un destin tragique, grâce à une adoption qui nous a apporté la garantie d’une meilleure vie que celle que nous aurions pu avoir en restant dans notre pays d’origine. Une pensée d’ailleurs populaire et dominante véhiculée notamment à travers les médias, reportages télé et autres documentaires, et qu’on nous a systématiquement rappelé. Il y a un mythe autour de l’adoption. L’adoption est encore trop perçue comme une démarche humanitaire qui ne fait que la valoriser. Et attention à ne pas venir contredire cette pensée collective, même en étant le principal intéressé, au risque de passer pour un ingrat et d’être renvoyé à sa souffrance qui serait propre à celle des adoptés en colère et donc relativisée. Nombre de fois ou l’on m’a fait comprendre que je manquais de rationalité, que les conflits familiaux étaient propres à chaque famille, biologique ou pas, que mon histoire, aussi triste soit-elle, aurait pu autant se produire dans une famille de sang. Et par dessus, cette idée stéréotypée, que des gens qui adoptent, ne peuvent pas être complètement mauvais. Tout cela ne fait que renforcer un sentiment de culpabilité.


Aujourd’hui je souffre en silence. Je souffre de cette absence de parents de sang, de ce qui m’a été enlevé, arraché, de ce manque de réponses, de ces incohérences qui auraient fait mon abandon, de tous ces mensonges, d’avoir acquis la nationalité de ce pays d’accueil en perdant à tout jamais celle de ma terre de naissance, de ces organisations administratives qui bloquent ma quête identitaire, de mes demandes d’accès aux informations sur mes origines pour lesquelles je n’obtiens pas de retour.

J’en veux à tout ce système qui a décidé pour moi sans mon consentement.

A mes parents adoptifs qui ont fait le choix de l’adoption plénière, qui exclue l’existence de mes parents biologiques, en rompant tout contact et tout lien de filiation avec eux. Une décision irrévocable, qui juridiquement est approuvée puisqu’elle fait l’objet d’un jugement, qui est précédé de l’obtention d’un agrément, garantissant les exigences légales pour adopter dans l’intérêt de l’enfant. Ses conséquences ne m’auront été pourtant que préjudiciables. Vient s’ajouter à cela, cette double peine, celle de ne pas être considéré comme un « vrai Français », ni comme « un vrai Brésilien ». N’avoir aucune légitimité aux yeux des autres et à la moindre occasion, d’être renvoyé à ma couleur de peau. Je me demande aussi si porter un prénom français est une chance? De part mon type ethnique et mon lieu de naissance, le fait d’avoir un prénom français étonne et interroge souvent. On me soupçonne même parfois de mentir sur celui-ci et je suis contraint de prouver sa véracité. Ma sœur, elle, n’a pas cet obstacle, puisqu’elle porte un prénom portugais, donc en lien avec nos origines.
Être un individu adopté, n’est pas juste un détail de mon histoire, ça a bouleversé l’intégralité de ma vie, ça influence mes choix et décisions, jusqu’à s’immiscer dans mes rapports aux autres : attitudes, sentiments, ressentis, réactions; Beaucoup de choses de la vie quotidienne me renvoient à cet état, consciemment ou pas. C’est enfermant. Puis il n’est pas évident de se faire comprendre et de demander aux autres de faire cet effort. Ma blessure narcissique et mes troubles de l’attachement/abandon influent encore insidieusement dans ma vie actuelle et personnelle. J’essaye de faire un travail perpétuel sur moi-même. Ma famille adoptive a tant été pour moi une source d’angoisse et d’anxiété permanente, qu’elles en sont devenues des troubles, qu’aujourd’hui je m’efforce de temporiser.
J’ai mis longtemps avant de pouvoir mettre des mots sur mon vécu. Il m’a fallu recul et introspection pour comprendre que ce j’avais vécu n’était pas acceptable. Je partage aujourd’hui mon histoire en revenant sur certains mots/maux pour montrer l’envers du décor qu’il peut y avoir derrière l’adoption. La parole est si peu donnée aux adoptés qu’il est nécessaire aujourd’hui d’une prise de conscience sur ce que peux infliger l’adoption internationale, tant sur les conséquences du déracinement, que du lien parents enfant qui peut ne jamais se faire.


Je termine mon récit par cette citation que j’aime beaucoup de Marcel Pagnol :
« Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants. » Le château de ma mère.

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#8 – Pour moi, être adopté transracial, c’est avant tout vivre le racisme d’une manière très particulière

Né à Ha Noi au Viêt Nam, j’ai été adopté (adoption plénière) à l’âge d’un mois (très certainement à cause d’une mauvaise santé quand j’étais bébé et de la pauvreté de mes parents biologiques) et j’ai grandi dans une toute petite commune dans la plus belle région de France. Je n’ai donc aucun souvenir du Viêt Nam. Je n’ai aucune trace de mes parents biologiques.

J’ai appris très tôt que j’étais adopté, à peu près dès que j’avais l’âge de comprendre. Tant mieux, et je remercie mes parents pour ça.

Pour moi, être adopté transracial, c’est avant tout vivre le racisme d’une manière très particulière. C’est la première chose que je mets en avant, parce que pour moi, le racisme, c’est sans doute la chose qui m’a le plus heurté et traumatisé. J’ai grandi dans un coin où il n’y avait très peu de personnes racisées et encore moins de personnes « d’origine asiatique » (même si je ne comprends pas vraiment l’intérêt d’utiliser ce mot pour un continent qui implique des cultures très différentes… mais c’est comme ça qu’on qualifie et mélange les personnes venant de l’Asie du Sud-Est/de l’Est). J’y ai subi des moqueries, du harcèlement (que je ne qualifiais pas comme ça à l’époque), des violences physiques (accompagnées de « sale adopté », mais je savais déjà à l’époque que c’était venant d’une personne raciste) etc… J’ai alors dû mettre en place des stratégies dont je ne suis pas vraiment fier aujourd’hui pour « ignorer » ou « laisser couler » toutes les remarques racistes qu’on m’envoyait surtout à l’école primaire puis dans les premières années du collège. Entre autres : se moquer de moi avec un racisme intériorisé certain avant qu’on le fasse, tourner en dérision les stéréotypes racistes, ne pas m’énerver quand on sort une imitation à la Michel Leeb (et qui plus est, renchérir en la reprenant pour montrer que non, le racisme ça ne me touche pas…). Ce n’était sûrement pas la meilleure des manières, mais compte tenu de l’incompétence des personnes autour de moi à comprendre les implications du racisme (avec une faculté à « ne pas voir les couleurs » et qualifier ça de « connerie » ou de « bêtise humaine » alors qu’il s’agit d’oppressions), c’était sans doute le plus simple à faire à ce moment-là. Bref, finalement à ce stade, c’est le quotidien de toute personne racisée qui grandit dans un milieu majoritairement blanc. J’ai eu de la chance que petit à petit au fil de l’adolescence, on me laisse davantage tranquille, pour diverses raisons (privilèges de classe ou d’être un homme cis, entre autres).

Être adopté transracial, ça a aussi son lot de particularités. J’en évoque ici quelques-unes parmi tant d’autres.

Première particularité : l’assimilation. Je me rends compte à quel point on a voulu m’assimiler en voulant me rendre plus blanc que blanc. En me faisant clairement comprendre que j’étais, clairement inférieur, par rapport aux autres par divers propos, que ce soit par des « tu es moche » (que je considère comme stupides mais qui sont surtout racistes) ou par le fait de dénigrer une culture (inconnue pour moi) à laquelle je devrais m’identifier (ce qui n’était pas le cas). Puis petit à petit, je me rends compte que j’ai vraiment voulu devenir plus blanc que blanc, pour qu’on arrête de m’insulter ou me dénigrer par rapport à mes origines, sachant que je ne connaissais absolument rien de celles-ci ou de la culture associée. S’assimiler, c’est sûrement la voie la plus facile (je le pensais à l’époque) pour d’une part « s’intégrer » (avec le recul : pourquoi aurais-je dû davantage m’intégrer que n’importe quelle autre personne ?) et surtout pour arrêter de subir le racisme (car évidemment, pour moi le racisme à l’époque c’était très certainement moral). Finalement, c’est comme si je pensais quand j’étais enfant que je « méritais » le racisme parce que je n’étais pas assez assimilé ou je ne fais pas assez d’efforts. L’assimilation, c’est-à-dire, effacer tout ce qui met relie à mes origines, c’était la solution de facilité. J’ai détesté être d’origine vietnamienne, tout ce qui me reliait à mes origines, je n’osais même pas regarder un livre ou un documentaire lié au Viêt Nam. Bref : ça a clairement mené à un fort racisme intériorisé (et au final : une détestation et une pauvre estime de soi car comment avoir confiance en soi quand on ne peut pas être « soi » ?).

Deuxième particularité en lien avec la première : une relation très particulière avec ma culture d’origine. Comme évoqué précédemment, je l’ai détestée et j’avais honte d’assumer mes origines (je vous rassure, aujourd’hui je fais du « vietforcing » sans problèmes). Pas surprenant quand finalement, je les connaissais pas du tout et ma seule façon de la « vivre » c’est au travers du racisme. J’étais quand même ému quand mes parents m’avaient acheté des livres sur le Viêt Nam, et que je les regardais discrètement, quand j’étais seul et curieux quand même de comment ça se passait. Adoption oblige, je n’ai jamais eu accès à travers ma culture d’origine, sauf à travers ces quelques bribes, parfois des clichés et puis les plats préparés qui mélangeaient des nems avec des samoussas ou accras de morues… dans des « plats asiatiques ». C’est assez paradoxal ce sentiment de rejet de sa culture d’origine et en même temps une volonté profonde de vouloir la retrouver. C’est comme un manque, qu’on souhaite bien enterrer profondément en soi et rejeter, par peur sans doute, qu’il cause davantage de problème. Je me suis souvent senti déraciné mais « le cul entre deux chaises » : pas à ma place dans un monde majoritairement blanc qui dévalorise toutes les personnes racisées, et absolument pas légitime comme personne vietnamienne à cause de l’absence de transmission de la culture.

Troisième particularité, quand on parle de manque et de peur, c’est la peur de l’abandon/d’être rejeté/d’être seul. C’est sans doute une particularité commune à bon nombre de personnes adoptées (transraciales et non). Sûrement que le rejet des autres enfants à cause du racisme combiné aux traumatismes liés à l’abandon (même sans souvenirs, il y en a sûrement), créé cette peur de solitude et d’être (encore) abandonné dans un monde qui nous paraît hostile, auquel on n’appartient pas. Ça a sans doute joué dans une nature parfois « très réservée » alors que j’aimais (et j’aime toujours) beaucoup le contact humain et parler aux gens… mais sans montrer une partie de moi-même qui a peur et qui se rejette.

Quatrième particularité : l’infantilisation. J’ai souvent l’impression qu’on me considérait souvent comme un enfant, incapable de prendre des décisions, incapable de s’exprimer. Les parents ont souvent eu ce biais, qui j’imagine, existe pour tout parent, mais j’ai eu l’impression que ça prenait une dimension plus importante. Ça concerne aussi toute personne à qui je disais que j’étais adopté : « ah mais ça va ? », « je suis désolé pour toi », « ça a dû être trop dur ». J’ai souvent eu l’impression qu’on me pense triste voire dans une très mauvaise situation mentale juste parce que je suis adopté, sans vraiment s’intéresser à mon propre vécu, comme si c’était systématique. Quand on me parle, j’ai l’impression d’être considéré comme un enfant aux yeux de l’interlocuteur, et j’ai le sentiment qu’on ne me laisse pas forcément la possibilité de m’exprimer.

Aujourd’hui, je m’assume complètement en tant que personne d’origine vietnamienne (je suis retourné au Viêt Nam et c’était génial !) et je fais des démarches pour en apprendre plus sur ma culture d’origine voire pour avoir la double nationalité. Je ne veux plus être plus blanc que blanc. J’ai envie d’exprimer mes peurs, mes doutes et mes traumas. Je ne souhaite plus qu’on m’infantilise. Peut-être qu’un jour je ferai la démarche de rechercher mes origines et ma famille biologique.

Ce témoignage reflète juste un vécu parmi tant d’autres. Pourtant, en parlant à d’autres personnes adoptées (et je regrette tellement ne pas en avoir l’occasion quand j’étais enfant ou adolescent, même s’il est probable que je les aurais fuies), j’ai l’impression qu’on a parfois des vécus similaires. J’ai la chance d’avoir eu des parents qui m’ont aimé (et c’est réciproque) et une bonne relation avec eux. C’est loin d’être le cas pour toutes les personnes adoptées : ça se passe parfois très mal. Mais pour autant, j’ai quand même des expériences traumatisantes, principalement liées au racisme, et en partie à l’adoption.

Comment politiser la question de l’adoption pour que les institutions, les parents adoptifs (et les futurs) puissent garantir les droits et le bien-être des personnes adoptées ? Il faut tout d’abord savoir écouter (et mettre son égo de côté, pour les parents adoptifs) et relayer la parole des personnes concernées. Il faut soutenir les démarches des personnes adoptées (notamment concernant la recherche des origines mais aussi les changements de prénoms/noms). Il faut pouvoir parler de santé mentale des personnes adoptées (et d’accompagnement adéquat, sans infantilisation ou déni). Il faut se décentrer de la parole des parents adoptants qui sont massivement relayées. Il faut aussi interroger les dynamiques raciales et sociales de l’adoption transraciale, qui a souvent lieu dans des pays qui ont été colonisés par des pays occidentaux. Il est indispensable que les parents et proches de personnes adoptées s’éduquent sur le racisme systémique (et non moral) pour mieux comprendre les vécus des personnes adoptées et racisées.

Un grand merci en tout cas à toutes les personnes qui contribuent à donner la parole aux personnes adoptées et qui permettent de politiser cette question, qui nous prend parfois aux entrailles mais qu’on ne peut mettre de côté, puisqu’il s’agit de celle de nos vécus. Et pensée à toutes les personnes adoptées.

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#7 Aujourd’hui la seule chose qui a changé dans ma vie c’est d’avoir quatre parents, et d’être pleinement heureuse dans ma double identité Franco-Colombienne.

Adoptée de Colombie, je souhaite partager mon expérience, sur les bons moments et aussi les moments de détresse, de racisme.

Je suis née à 2600 mètres d’altitude dans les montagnes, d’un couple qui ne pouvait pas m’accueillir au sein de leur cellule familiale. Et je me suis donc retrouvée en pouponnière jusqu’à mes 2 mois et demi, avant que ma famille adoptive ne vienne me chercher. Et cet autre couple, dès notre première rencontre, je leur en fait voir de toutes les couleurs.

Je ne m’alimentais pas suffisamment, en trois jours je n’avais vu qu’un biberon, et ma mère adoptive était désespérée. Un soir pour sortir entre couples adoptants, une nourrice de l’orphelinat est venue s’occuper de nous. Ma mère a expliqué la situation, la nourrice a répondu que je les testais déjà, et qu’il fallait me réveiller plus pour me nourrir. En effet, un bébé tout comme un enfant apprivoise un parent, ce n’est pas plus facile, ce petit être a vécu un traumatisme, et seul le temps le guérira. Cela a été la première expérience de ma mère adoptive avec ce que ressentait un enfant adopté.

Puis, la famille s’est agrandie, une deuxième petite sœur, et nous nous sommes construits.Nous étions dans la campagne profonde d’une France rurale, et dans la rue nous avions eu la chance d’avoir une famille franco-sri-lankaise qui apportait un peu de couleur dans ce paysage. Car oui l’adoption c’est aussi un déracinement de sa culture d’origine. Et même du haut de quelques années, on comprend vite qu’on n’a pas la même couleur que nos parents adoptifs. Mais surtout que dans les années 2000 il y avait un manque crucial de représentations des minorités. Donc nous avons grandi avec Dora, les mystérieuses cités d’or, et avec un contact limité de la Colombie, ce qui s’est révélé dur dans l’absolu, où les liens avec la Colombie étaient rompus. De plus, nous avons mesuré ce manque de représentation, lorsqu’une petite cousine dans la famille de notre père avait fait une remarque à ma mère. En effet, la petite était contente d’avoir enfin dans la famille des petites cousines qui seraient de couleur avec des peaux dorées. C’est là que ma mère adoptive a compris, que cette petite cousine métisse, qui grandissait dans notre famille blanche, elle n’avait pas eu d’autre personne de la même couleur qu’elle. Une autre fois encore plus surprenante c’est à un de mes anniversaires que j’ai demandé à mes parents, sans grande explication que je souhaitais un poupon « noir » car je voulais un jouet qui ait de la couleur. Mes parents avaient remué ciel et terre pour en avoir un pour cet anniversaire.

Une nouvelle fois mes parents avaient mesuré l’impact de vivre dans un monde où les minorités devaient trouver leur place dès le plus jeune âge.

Maintenant la période de l’entrée à l’école, là aussi sur un ton humoristique, en maternelle une petite fille m’avait montré du doigt à sa mère « eh maman regarde la petite noire ». Cette anecdote je ne m’en souviens pas, c’est ma mère adoptive choquée qui me l’a racontée. En classe de primaire je me suis prise une nouvelle fois une claque (de façon métaphorique), mais je m’en rappellerai toute ma vie. J’étais avec mes copines, et d’un coup comme ça pour les enfants on ne sait pas pourquoi, elles avaient décrété que je n’étais pas Française, et que je DEVAIS AVOIR des photos de ma mère biologique. Pendant au moins quelques jours, elles me le rabâchaient en boucle, sauf qu’à un moment j’ai craqué et j’en ai parlé à ma mère adoptive, car cela me blessait énormément, surtout de remettre en cause ma nationalité. Mais c’est aussi à ce moment-là quand ma mère adoptive est venue aborder le sujet avec mes copines à ma sortie des classes, pour ma mère biologique. Elle leur a certifié que non elle n’avait aucune photo de ma mère biologique, et que j’aurais le droit de les voir à l’âge adulte .

À ce moment-là précis, je comprenais que je n’étais pas seule que j’avais d’autres racines ailleurs, et qu’une seconde maman m’attendait quelque part. 

Pour le collège et le lycée, là où les adolescents prennent leurs marques il est difficile de faire face à cette situation d’adoptée. Souvent j’esquivais le sujet, comme ça personne ne me prenait la tête, malgré que beaucoup de copains d’école savaient, personne ne racontait la vie des autres. Mais ce sont les remarques racistes dont j’ai été victime qui m’ont profondément blessé. En l’occurrence les adolescents en tant que Colombienne, me reprochaient beaucoup de choses que je juge aujourd’hui racistes. D’une part, je devais sûrement vendre de la cocaïne, que j’étais la fille cachée de Pablo Escobar, et que je devais être une terroriste car je faisais partie des FARC. Drôles de stéréotypes sur ma nationalité, mais qui sont restés jusqu’à mon lycée. Au bout d’un moment j’en ai eu marre de me justifier, surtout qu’entre-temps j’étais retournée chez moi en Colombie. Et tous les stéréotypes n’étaient plus d’actualité, donc en découvrant ma culture j’ai réussi à affronter tout ce « racisme ordinaire » qu’on minimise, que les parents adoptifs disent de répondre par le silence. Mais on ne peut pas rester silencieux face à cet afflux de haine, de stéréotypes et de xénophobie. Et non ce n’est pas parce qu’on est Colombienne qu’on sait danser la salsa, ou parler espagnol couramment. Et ça les gens sont parfois trop curieux, et je ne pouvais que me renfermer dans un certain type de personne, l’adoptée qui était là française chez ses parents. Et une fois le portail franchit, je devenais une Colombienne qui parlait à ses camarades latinos en espagnol, même en cours de sport. Découvrir d’autres personnes Colombiennes au sein de mon lycée m’a doublement aidé, puisque pour la première fois de ma vie je n’étais pas seule. D’une certaine façon, j’ai éprouvé le sentiment d’être deux personnes, et surtout qu’il y avait une charge raciale, cette façon de se conformer à un certain type en fonction de la population, que les personnes transraciales vive.

Maintenant, je peux aborder la question des origines.

Il est vrai que mes parents adoptifs nous ont ramené en Colombie, alors même qu’ils étaient divorcés, pour nous faire connaître notre culture, surtout à nous qui le demandions depuis des années. Et nous sommes partis quelques dizaines de jours, on s’est familiarisé très vite avec notre culture. Sans compter que nous étions plusieurs adoptés qui avaient fait le voyage pour l’anniversaire de l’orphelinat.

Et que ça faisait du bien, enfin je me sentais chez-moi, cette première expérience m’a conforté dans mon esprit que j’avais depuis toute petite, je n’étais pas que FRANÇAISE mais que j’étais bien COLOMBIENNE.

Ici j’ai renoué avec ma culture, réappris la langue du pays, et constaté que je n’avais jamais été aussi heureuse d’être dans un endroit.  La première année de cours d’espagnol avait été dure, puisque je me confrontais à ma culture, mais je n’était tellement pas bien, que la seule façon d’évacuer mes angoisses était de me scarifier. La prof d’espagnol avait expliqué à mon père, que mon refus de parler espagnol provenait du fait que cela remontait des choses inexpliquées, mais des souvenirs douloureux avec sûrement ma mère biologique. Mais mes parents ont tout de suite vu le problème, et avec ce voyage j’avais pu avoir une partie de mes réponses.

Mais, après ce voyage une question restait en suspens, où est ma mère biologique dans tout ça ? Si jamais je ne la croisais et qu’elle ne me reconnaissait pas.  Je n’oubliais pas que j’avais une autre maman, et surtout un autre papa. Ma mère adoptive (qui avait eu l’occasion de voir les photos de mes parents biologiques lors de mon adoption.), m’avait sorti une fois une phrase qui était restée dans ma tête. Vers l’âge de 15 ans elle m’a dit que plus je grandissais, plus je ressemblais à mon père biologique. Allez hop deuxième coup au moral, je me suis rendue compte que je ne voulais pas grandir plus longtemps sans savoir. Le jour des 18 ans est venu est beaucoup de mes amis l’attendaient car ils allaient passer leurs permis, boire, etc… Mais pour un enfant adopté qui devient adulte adopté, c’est toute autre chose on nous permettait pour la première fois dans nos vies, de prendre le contrôle et de voir notre dossier.

Pour des raisons personnelles je ne l’ai fait qu’un an après, par le hasard sur Facebook, j’ai trouvé un profil correspondant à l’un de mes frères, j’étais déçue il ne me ressemblait pas. Et à travers son profil j’ai découvert une photo de lui dans les bras d’une femme. Par miracle je l’ai reconnue, ma mère biologique, elle avait enfin un visage, elle était trop belle. Ensuite j’ai renoué contact avec elle, puis avec mon père et le reste de ma fratrie. Certains parents adoptifs qui me connaissaient depuis toute petite, ne comprenaient pas ma démarche. J’étais là première à l’expérimenter dans notre entourage, il a fallu faire preuve de pédagogie, d’ouverture d’esprit pour leur faire comprendre que non je n’avais pas que deux parents, j’en avais quatre. Ce n’est pas la même relation qu’on a ensemble, mais c’est ce que je souhaitais revoir et comprendre toute mon histoire à travers mes parents biologiques. Pour ainsi être totalement libre de cette histoire d’adoption, et surtout que je ne souhaitais pas que toutes ces questions reviennent sans prévenir, au moment où je donnerais la vie à mon tour.

Aujourd’hui la seule chose qui a changé dans ma vie c’est d’avoir quatre parents, et d’être pleinement heureuse dans ma double identité Franco-Colombienne.

Je viens témoigner aussi surtout rassurer les parents adoptifs aussi, ce n’est pas parce que l’on fait cette démarche qu’on ne vous aime plus, mais qu’on a besoin de se construire. Vos anciens enfants qui sont devenus adultes, sont capables de se construire par le lien biologique aussi, mais n’oublient pas le lien adoptif.

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#6 Pour tout le monde j’ai beaucoup de chance d’avoir été adoptée…

J’ai écrit ce texte il y a 4 ans au détour d’une période difficile de burn out:

Il est 6 heures.

Je me réveille encore dans la nuit.

Mais pourquoi je rêve de toi toutes les nuits???

Ça fait des semaines…

Je ne veux pas rêver de toi!!

Qu’est-ce que je dois faire avec ça???

Est-ce que cela signifie que je dois t’affronter et te dire en face tes 4 vérités?

Que tu as laissé un champ de ruines dans mon esprit, que tu as détruits l’enfant que j’étais?

Et alors quoi??

De toute façon, tu n’as rien fait, toi.

Tu étais juste « sévère» avec moi.

C’était « pour mon bien » « pour me protéger »…

Mais de qui??? De quoi????

Personne ne m’a jamais protégée de ce dont je voulais, de ce dont j’avais besoin d’être protégée:

De toi et de ta méchanceté sans fond, sans limite.

Je ne veux plus jamais te voir.

Je ne veux pas t’avoir en face de moi.

J’ai peur de toi.

Je suis toujours cette gamine quand je pense à toi.

Tu m’effraies, tu es un monstre.

Je suis toujours sans défense.

Dans ces rêves, je revis des moments qui n’ont pas existé, c’est flou comme dans les rêves.

Je crois que je suis adulte mais que toi tu es toujours cette femme qui m’a élevée dans la haine et le reproche d’être là.

Tu es si méchante…

Si pleine de mépris à mon égard…

Tu me prends toujours de haut.

Je sens ton dégoût de moi.

Oui je te dégoûte, tout ce qui vient de moi te dégoûte.

Tu te moques de moi, de mes origines, du Brésil,

J’ai honte d’être qui je suis, de venir d’où je viens,

À te croire il n’y a que des putes dans ce pays de dépravés.

De toutes façons J’ai toujours tort

Je dois juste la fermer.

Fermer ma gueule.

Je suis une merde.

Pire, je ne suis rien.

Enfant, quand je tente de m’exprimer, de me rebeller contre toutes ces injustices, entre autres ces différences que tu fais avec ma sœur cadette:

« Si t’es pas contente tu fais tes valises et tu retournes d’où tu viens. »

Enfant, un jour, j’ai pris une barre chocolatée dans la cuisine à ton insu:

Punition : seule dans la cuisine je dois manger un plein bol de sucre en poudre mélangé à du chocolat en poudre.

13 ans, c’est l’été, dans les Pyrénées dans le village voisin du notre à discuter avec des jeunes, des copains de vacances avec ma copine de vacances, tu m’as vue-là, je me souviens un des garçons avait un chiot, il était chou, je caresse ce bébé chien, c’est un moment agréable.

Toi tu es là tout à coup,  soi-disant par hasard faire tes courses à l’épicerie de ce village ( il y en aussi une dans notre village) et tu m’imposes de rentrer immédiatement avec toi, sans explication.

Je te fais honte

Mais c’est moi qui ai honte.

Qu’est-ce que j’ai fait de mal? (Encore!)

Je te suis avec mon vélo,

Je m’en souviendrai toute ma vie,

Sur ce chemin de piste de montagne, le vélo à la main. Tu me dis:

« t’es bien comme ta mère, t’es qu’une pute! »

Enfant tu m’imposes d’avoir les cheveux court, on me prend toujours pour un garçon.

Je me sens si laide…

Combien de fois j’ai entendu des enfants: « t’es une fille ou un garçon? »

Des adultes: « tiens mon bonhomme. »

A force lorsque je suis habillée comme une fille je me sens comme un travesti, un garçon habillé en fille.

Ma sœur a une longue chevelure bouclée et dorée ….

Cela me rend tellement malheureuse…

Tu sais trouver où ça fait mal.

Tu sais si bien me faire mal.

Les vacances sont un enfer pour moi, deux mois 24/24 avec toi,

Papa ne nous rejoins que pour quelques semaines…

L’autre moitié des vacances toujours pas de témoin…

Personne pour me protéger de ton acharnement à me détruire de l’intérieur.

Toujours personne pour venir me sauver…

Ado je prends des douches froides, tu fais délibérément couler de l’eau chaude dans la cuisine car tu sais que cela faisant à l’étage on n’en a plus, un jour j’ai demandé à Arnaud d’aller voir dans la cuisine: l’eau chaude coulait dans l’évier mais personne dans la cuisine….

17 ans revenant d’une soirée avec mon pote David:

« Ça va tu t’es bien fais sauter? »

Le peu de samedis soir où je suis autorisée à sortir avec mes amis à 17/18 ans je dois rentrer pour minuit maxi.

Mais tu mets toujours la chaîne sur la porte. Je ne peux pas rentrer.

Je sais que tu le fais exprès.

Ça fait du bruit quand j’ouvre la porte qui se cogne à cette chaîne.

Ça réveille les chiens qui aboient.

Tu finis par venir ouvrir la porte:

« Tu réveilles tout le monde!!! »

Je dérange, encore!

A l’école d’infirmière je me fais une amie, Atika.

Pour la première fois de ma vie je suis fière de dire que j’ai une meilleure amie.

Elle vient un jour chez « nous » et elle m’apprend quelques jours après que tu lui as dit que si j’ai choisi de ne pas faire l’école d’infirmière à l’assistance publique c’est « parce que je trouve qu’il y a trop de noirs et trop d’arabes là-bas

Mais c’est quoi ça?!??

Qui peut dire un truc pareil?!??

POURQUOI???

Ça te fait tellement chier que j’ai des amis.

Faut toujours que tu essaies de tout gâcher.

Ton but ultime semble être que je sois mal-aimée de tous.

Ado un jour dans ma chambre je ne sais plus pourquoi:

« t’es qu’un parasite, vivement que tu t’casses de cette maison. »

Si tu t’engueules avec papa c’est toujours à cause de moi,

Il prend parfois ma défense quand il ne peut plus ne pas voir qu’il se passe un truc anormal, quand les différences que tu fais avec Elodie et moi sont trop flagrantes, quand il est décemment obligé d’intervenir, je sais que je vais le payer au centuple…

« T’es contente de ce que t’as fait? »

« T’as eu ce que tu voulais? »

Je suis adulte dans ces rêves mais je suis toujours seule, pas de témoin, personne pour me sauver de cet enfer, de cette prison qui ne semble pas en être une,

Pour personne.

Pour tout le monde j’ai beaucoup de chance d’avoir été adoptée…

Personne ne sait que chaque jour est un cauchemar.

Chaque jour sans exception.

Que chaque soir je pleure dans mon lit en rêvant d’être ailleurs,

De ne plus être même…

Ne pas exister.

Que le cauchemar prenne fin, enfin.

Mais ce n’est pas possible.

Et pourtant je fais tellement mon possible pour que tu m’aimes.

Je fais toutes les corvées possibles et imaginables que tu me donnes à faire même davantage…

J’aimerais tellement que tu m’aimes.

Que tu sois ma maman pour de vrai…

Mais rien n’y fait…

Tu ne m’aimes pas.

Pire, tu m’exècres.

Papa ne voit rien.

Il ne voit pas mes larmes lorsqu’il rentre du travail le soir,

Ne peut pas imaginer que cela fait des heures que j’attends son retour pour qu’elle me lâche enfin, pour qu’elle cesse de s’acharner sur moi!

Je suis fatiguée…

J’aimerais tellement que Ça s’arrête…

J’aimerais tellement que quelqu’un me prenne dans ses bras et me dise: Ça y est, c’est fini, elle ne te fera plus jamais de mal…

C’est fini.

Ça n’est jamais arrivé.

Mais elle veut quoi???????

Je n’ai pas choisi d’être là moi!!

Je n’ai rien demandé!!!

Et pourtant je le paie, chaque jour de mon enfance, chaque jour de mon adolescence je paie d’être chez toi, sous ton toit et d’être qui je suis.

Tu as honte de ce que je suis.

L’école te renvoie que je suis pleine de vie, exubérante, que je me fais remarquer…

Mais je ne vis qu’en dehors, je ne peux vivre et être qui je suis qu’en dehors de chez toi!!!

Chez toi, ( » ici tu es chez moi » ) je dois la fermer et si je ne suis pas contente je « prend ma valise et je me tire. »

Si seulement j ‘avais pu le faire, je serais partie un million de fois.

Je n’ai jamais été à ma place dans ta maison.

Tu régentais tout.

Tu sauvais les apparences.

Pas de témoin de la maltraitance psychologique, des humiliations que tu m’imposais chaque jour.

Tant d’hypocrisie devant les autres…

Personne pour me sauver de ce cauchemar invisible.

Personne.

La solitude la plus totale.

Je suis seule face à ce bourreau qui me fait tellement pleurer et souffrir…

Il ne me reste que l’espoir de grandir pour partir enfin, partir en courant sans me retourner.

3 ans d’études encore à tenir et je pars.

Je n’ai même pas pu attendre la fin.

Ce fameux samedi ou j’écoutais du Reggae dans ma chambre volume minimum:

« Toi et ta musique de zoulou je ne veux pas vous entendre, ta sœur prépare ses concours HEC tu la déranges, je ne veux pas voir ta sale gueule du weekend. »

Je suis partie ce jour de juin 1997.

Enfin je suis partie.

J’ai 21 ans et je sors de taule.

Heureusement que j’ai des amis.

C’est uniquement grâce à eux et à cette force que j’ai malgré tout en moi que je m’en sors « presque» indemne.

C’était il y a presque 20 ans.

J’ai 40 ans aujourd’hui.

Consciemment Je suis heureuse.

Mais mes vieux démons sont toujours là et aujourd’hui ça donne la « dépression ».

Je crois que depuis ce jour de juin 1997 je suis heureuse malgré tout ce qui a pu arriver dans ma vie je suis une femme heureuse.

Chaque jour est un miracle pour moi car tu n’es plus là pour me brimer, pour m’imposer de faire ci ou ça…

Je suis libre depuis ce jour.

Enfin je l’ai cru…

Je me suis retrouvée dans une prison dorée sans le voir venir mais ça y est maintenant je suis sortie.

Je me suis enfuie non sans mal.

De nouveau grâce à mes amis et à cette force que j’ai malgré tout au fond de moi.

Consciemment je suis heureuse.

Inconsciemment ça paraît moins évident….

Parfois cette petite fille, cette adolescente, elle n’est pas très loin…

Elle est toujours un peu là tout au fond de moi, parfois elle me hante tout comme toi tu me hantes…

Mais c’est terminé.

Je suis libre et plus jamais personne ne m’enfermera.

Plus jamais personne ne m’empêchera d’être qui je suis.

Plus jamais je ne laisserai quelqu’un me faire du mal.

PLUS JAMAIS. Quelqu’un me faire du mal. PLUS JAMAIS.

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Récits de personnes adoptées témoignages

#5 Tu me manqueras toujours

À la femme qui m’a donné la vie, j’aimerais dire ces mots :

Tu me manqueras toujours !

Il y a quelques jours, j’ai vu un post qui disait : « Ne pas connaître ma première mère n’est pas la cause fondamentale de mon trauma. Mais c’est l’avoir connue qui en est le fondement. »

Et, c’est ça !

C’est parce que je me souviens de toi, que j’ai vécu en toi, que nous avons cohabité dans le même corps, que c’est aussi dure.

C’est parce que pendant les neuf premiers mois de moins existence j’ai appris à te connaître, ta voix, ton odeur.

Tu vis toujours dans mon cœur et mon esprit .

Tu n’as pas été effacé, tu n’as pas disparu comme le prétend la loi.

Tu restes toujours ma mère même si j’en ai acquis une deuxième.

Tu es ma première mère, l’originelle.

À la femme qui m’a donné la vie,

Tu me manques infiniment !

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#4 Pour moi, être adoptée, c’est donner l’apparence de.

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Pour moi, être adoptée, c’est donner l’apparence de.

Être adoptée dans un pays occidental est généralement perçu comme positif. Chacun pense que nous, les adoptés nous avons tout reçu : une bonne famille, une bonne éducation, une situation matérielle meilleure que celle qui semblait se dessinait à l’origine pour nous. Que forcément tout va toujours aller dans le bon sens. Mais j’aimerais dire que ce n’est pas toujours le cas et l’adoption ou être adopté n’est pas une garantie de réussite et d’épanouissement.

 D’abord, parce que les familles qui adoptent ne sont pas toutes de bonnes familles. Ma sœur, par exemple, a été adopté deux fois parce que la première famille dans laquelle elle est tombé (le couple) n’avait pas fait le deuil de leur premier enfant qui avait été tué par leur voisin. Ils n’ont donc jamais considéré ma sœur comme leur fille et refusait d’ailleurs qu’elle les appelle « Maman » ou « Papa » et l’ont maltraitée et violentée jusqu’à ses 6 ans environ  ( là où enfin elle a pu être adopté par nos parents actuels). Par ailleurs, les familles toxiques sont partout et les adoptants peuvent parfaitement en faire partie !

Enfin, pour nous, adoptés transraciaux, être adopté ça veut également dire que l’on est devenu une minorité dans notre pays d’accueil quand on ne l’aurait pas été dans notre pays d’origine. Dans notre pays de naissance nous n’aurions pas vécu le racisme, l’oppression ou fait face à des discriminations liées à notre couleur de peau. 

Mais bien souvent nos parents blancs n’ont pas pris conscience de ce fait là et n’ont pas été sensibilisé à la cause antiraciste avant l’adoption. Ils nous perçoivent souvent comme des enfants blancs sans s’intéresser au fait qu’on fait parti des minorités.

Combien de fois ai-je entendu le fameux “ je ne vois pas les couleurs”, “pour moi vous êtes tous pareils”, “c’est comme si vous étiez blancs” ! Ils n’ont souvent pas conscience que notre réalité en grandissant sera différente de la leur et que les privilèges dont ils bénéficient nous ne les auront pas, au mieux nous posséderont un certain white-passing mais ça s’arrêtera là.

Quand j’étais petite, je n’avais pas conscience de cet écart parce que j’étais tout le temps avec mes parents donc je bénéficiais pleinement de leurs privilèges et pour moi le racisme, c’était une chose vraiment lointaine et personne n’en parlait à la maison, ce n’était pas un sujet de discussion. Pendant longtemps je n’ai pas su mettre des mots sur ce que je vivais au sein de ma propre famille. Je ne savais même pas que j’expérimentais une forme plus subtile du racisme car dans mon esprit ça ne pouvait être que des actes explicites comme des insultes etc… Je n’avais jamais entendu parler du racisme ordinaire et des microagressions.

Cela se traduisait donc généralement par des plaisanteries ou des stéréotypes sur les personnes noires. Par exemple, je me souviens d’un jour où ma cousine avait sorti “ je ne me mettrais jamais avec un homme noir , ils sont tous infidèles !”  Et ceci devant mon frère qui est un homme noir justement et qui n’est pas du tout comme ça. Comment était-il censé le prendre ? Et je ne parlerais pas des commentaires sur mes cheveux crépus comme “tu ne t’es pas coiffée aujourd’hui” ( j’avais mis beaucoup temps pour faire mon afro), “ on dirait une sorcière”, “ C’est tes vrais cheveux ?” ou des personnes qui s’amusent à faire un accent dit “africain” et ou encore les mains dans mes cheveux sans même demander. Et je ne mentionnerai pas les généralisations constantes comme “ les personnes de tels origines sont comme ci, les africains ou antillais sont comme ça” Tout cela était justifié par des phrases tels que “ toi, tu n’es pas comme eux “, « Mais tu sais bien que je dis ça pour rire, je suis ta/ton [n’importe quelques membres de la famille], ou encore “ Si j’étais raciste, je ne vous aurais pas adopté”.  Selon eux, puisque qu’ils avaient des membres de la famille qui étaient noirs alors aucun de leurs propos ne pouvaient relever du racisme,  ça  les immunisait. 

Même si j’apprécie ma famille, grandir dans une famille blanche colorblind et qui ne reconnaît pas son privilège blanc, qui n’a jamais pensé que ces remarques et plaisanteries peuvent être racistes, a été assez néfaste pour moi car cela a conduit à de pas m’accepter et à intérioriser le racisme sans même m’en rendre compte. C’est vraiment compliqué de s’aimer et d’avoir une bonne estime de soi quand les personnes de sa couleur de peau sont régulièrement dénigrées et associées à des préjugés et clichés par sa propre famille.

 A chaque fois que j’ai été confronté au racisme peu importe la forme, ça a toujours était compliqué pour en parler à mes parents et j’ai rapidement arrêté d’essayer parce que bien souvent je n’avais pas le soutien espéré.

Pour mes parents, j’en faisais trop, j’étais toujours trop sensible, trop agressive,  trop  dramatique . Selon eux, la solution était simplement tout ignorer. J’ai encore à l’esprit les fois où ma mère m’a sortie “ Moi, je ne vis pas le racisme alors je ne peux rien faire pour toi. Il faut juste que tu apprennes à vivre avec.” , “ces histoires-là, ça je me concerne pas, ce n’est pas mon problème ”, “ Toi tu es noire, alors je comprends que cela puisse te parler mais moi je suis blanche », ou encore “Nous vous avons adoptés alors tu vois nous avons agit contre le racisme, maintenant nous sommes une famille multiculturelle donc un symbole d’antiracisme, nous avons fait notre part ”

Ainsi, arriver à l’âge adulte , c’est donc à nous d’éduquer nos parents blancs et notre famille au racisme que l’on vit, leur expliquer que c’est un vrai problème et qui nous affecte à tout niveau, qu’ils possèdent des privilèges que nous, nous n’avons pas etc….

Mais encore faut-il que le dialogue sur toutes ces choses soit possible et dans une famille qui prétend ne pas voir les couleurs, ça n’est pas chose facile. A chaque fois que j’ai voulu m’exprimer sur le sujet, j’ai été confronté  à leur white fragility c’est à  dire qu’ils se sentent toujours personnellement attaqués et se mettent directement sur la défensive, n’écoutes pas, minimisent tous mes propos ( à titre d’exemples :« oui mais ils n’y  pas que les noirs qui  souffrent », « moi aussi j’ai vécu des choses difficiles et j’en suis pas mort », « tu  dis  vraiment n’importe quoi » ,  « arrêtes de dire des choses aussi  stupides » etc.), et cherchent à stopper au plus vite la discussion. Par exemple, lorsque j’avais voulu expliquer ce que j’avais vécu dans ma scolarité notamment au lycée/ collège, le harcèlement que je subissais lié également au racisme , j’ai eu le droit à “ J’aurais su si t’avais vraiment vécu ça !  Arrête de raconter des histoires,  tu étais très heureuse à cette époque !” . Si je parle du racisme,  des violences policières, de privilège blanc etc.  La réponse est toujours la même « tu nous saoules avec tes histoires de racisme  ! » ou bien mes parents vont chercher à me provoquer sur ça en disant soit quelque chose qu’ils savent surtout mon père, que ça va me toucher et me faire réagir, soit en se moquant de ce que je leur aie dit et en décribilisant tout ce que j’essaie de leur partager. Je ne sais pas s’ils se rendent compte à quel point leur comportement me fait mal et peut-être blessant. J’ai l’impression de parler dans le vide, à des murs. Aujourd’hui j’ai bien compris que le racisme, les problèmes que je vis,  ce sont mes problèmes. Pas les leur et par conséquent, ça ne les intéresse pas, ils ne veulent pas en entendre parler.

C’est ma réalité, pas la leur.

Donc je dirais aux personnes qui élèvent un enfant non-blanc, qu’adopter  » l’aveuglement racial » comme solution au racisme est la pire chose que vous puissiez faire. Ce n’est pas parce que vous ignorez quelque chose que ça n’arrive pas. Votre enfant va devoir gérer ce racisme et ces microagressions d’un côté et il ne comprendra ce qu’il se passe exactement parce que vous ne lui aurez pas appris à faire face à cela. Il se retrouve donc seul parce vous lui avez fait comprendre que vous ne voyez pas les couleurs et par là, la réalité dans laquelle il vit en tant que personne racisée. C’est pourquoi beaucoup d’adoptés transraciaux ne disent plus rien à leur parent, ne se confient pas à eux. On finit par garder tout pour nous, le racisme que l’on vit et les problèmes liés à l’adoption.

En tant que parents d’un adopté transracial, vous ne devez pas seulement voir les couleurs, les différences qui font partie de la diversité, ou avoir conscience que le racisme existe dans un coin de votre tête mais devenir un allié pour votre enfant,  vous devez être ouvert au dialogue sur les questions raciales, vous devez combattre le racisme. C’est à dire que vous devez participer activement à la lutte contre l’injustice raciale. Ce n’est pas à votre enfant de vous éduquer sur ces questions,  ça ne marchera pas, mais à vous de faire des recherches sur la question, de vous informer sur ce que vous ne vivez pas ( racisme, oppression etc.). Prenez conscience que vous faites partis de la majorité et par là des personnes blanches. Donc que vous bénéficiez de privilèges que votre enfant n’aura pas. Vous ne pourrez donc pas protéger votre enfant contre le traitement que le monde lui réservera. Une fois les pieds hors de la maison. Il ne sera pas vu comme un adopté ayant une famille blanche mais comme une personne noire lambda.

Une autre chose est que lorsqu’on parle de l’adoption internationale, personne ne pense au déracinement que la personne a vécu, au traumatisme que c’est d’avoir été séparé de sa famille biologique, de sa culture et de l’environnement auquel nous étions habitués. On ne s’intéresse généralement pas aux conséquences que ça peut avoir pour un enfant en bas âge, un bébé qui ne peut pas comprendre ce qui lui arrive, qui ne connaissait que sa mère et qui tout d’un coup est confié à des étrangers à l’autre bout du monde où tout est différent de chez lui. L’environnement devient d’un coup totalement différent pour lui. On ne pense pas au choc immense que c’est,  un choc sur tous les plans et on s’imagine que tout ça ne devrait avoir aucune conséquence sur ce petit-être, qu’il peut être déplacé et échangé d’une personne à l’autre s’en être affecté. Pourtant les études scientifiques, psychologiques témoignent bien des effets dévastateurs que ça peut entraîner. 

 L’adoption a un coût psychologique et émotionnelle et mentale énorme sur les individus qui reste malheureusement complètement nié par la société à l’heure actuelle.

Donc, nous autres adoptés, on finit par devoir faire face à nos problèmes seul ( dépression , anxiété, solitude, isolement, crises d’identité, problèmes relationnels etc. ) et on souffre en silence. 

Mes parents n’ont malheureusement pas été ouvert aux discussions sur l’injustice raciale mais aussi sur le sujet de l’adoption. Pour eux, je ne devais pas m’y attarder et simplement le voir comme la meilleure chose qui me soit arrivé. Même si j’aime mes parents et que ma vie semble super aujourd’hui, j’aurais largement préféré ne pas avoir été adopté, ne pas avoir été déraciné de mon pays, de ma culture. Ne pas avoir à vivre avec ce traumatisme reconnu de personne que je dois gérer seule, sans soutien. Ne pas avoir à vivre en tant que minorité. Ne pas avoir à vivre de racisme. Ne pas avoir ces crises d’identités, ses sentiments de manque,  de vide.  Ne pas avoir été séparé de ma famille biologique. Ne pas avoir à me voir rappeler constamment combien je devrais être reconnaissante et heureuse.

Pour moi, le déracinement et l’adoption m’a fait perdre une partie de moi, de mon identité véritable. J’ai grandi en ne me sentant jamais à ma place, toujours de trop même si personne ne me le disait. J’ai grandi en me sentant toujours incomprise, isolée et seule. J’ai grandi en ayant des amis qui comprenaient pas mes réactions, mes émotions, mon comportement et qui m’ont toujours laissé tomber par incompréhension parce j’ai toujours eu l’air d’aller bien à l’extérieur. Ils ne pouvaient pas voir qu’être adopté, ça voulait aussi dire avoir vécu un traumatisme et un déracinement dévastateur. C’est avoir perdu mes parents au moment où tout personne en a le plus besoin. C’est naviguer dans un maelstrom d’émotions compliquées et douloureux.

Voilà pourquoi, pour moi, la résilience, ce n’est pas se reconstruire mais c’est donner l’impression d’aller bien quand on a été détruit de l’intérieur.

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Ne sous estimes pas le pouvoir de ton histoire. Tu pourrais être entrain de changer le monde de quelqu’un en étant juste toi .

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#3 Je suis née en Roumanie, adoptée à six ans et demi par un couple français avec mon petit frère biologique.

Belonging/l’appartenance (29/04)

Comment raconter mon expérience ? 

Je suis née en Roumanie, adoptée à six ans et demi par un couple français avec mon petit frère biologique. 

Je ne parlais pas français en arrivant, et, puisqu’on était arrivés en cours d’année scolaire, il a fallu me faire faire quelques mois de grande section de maternelle. À cause de ça, j’ai été en décalage permanent au niveau des classes, comme si j’avais redoublé. Il a fallu cacher et justifier, déjà sur ça. J’étais scandalisée qu’on puisse penser que j’avais redoublé, alors que j’étais première de la classe. J’ai appris le français en deux mois, et j’avais 18 de moyenne de CE1. J’en veux à mes parents de ne pas avoir demandé à l’école de me faire sauter une classe. J’aurais pu déjà regagner un peu de « normalité » sur ça.

Les gens disaient souvent que je ressemblais à ma mère, ou à mon père, qu’il y avait un « air de famille ». Comme quoi, la perception des gens est biaisée : pour eux, une famille, c’est forcément des aspects physiques communs. Mais même moi, je me retrouve souvent à chercher les ressemblances entre parents, enfants, frères, sœurs d’une même famille biologique, avec une pointe d’amertume quand j’en trouve. Parce que dans mon cas, c’est de la poudre aux yeux.

Sur ma « vie d’avant », je n’ai que quelques vagues informations, dont certaines ont été découvertes seulement récemment. Mon frère et moi, on a été placés en orphelinat suite à une décision de justice. On y est restés peu de temps, environ un an. Je n’ai presque pas de souvenirs de cette époque, si ce n’est certaines activités manuelles, une berceuse, la peur des chevaux et des chiens, voir mon frère se faire battre la plante des pieds avec une planche parce qu’il faisait pipi au lit. Et à part ça, le néant. Je sais, par contre, que, comme tous les enfants de l’orphelinat, je rêvais d’avoir des parents. J’avais un rôle presque maternel et protecteur vis-à-vis de mon frère, qui n’a pourtant qu’un an de moins que moi. Et je me disais que si et quand on aurait des parents, tout irait bien. Qu’il n’y aurait plus besoin de s’inquiéter. Qu’il y aurait enfin quelqu’un pour s’occuper de nous.

Mais j’ai vite déchanté. Ma mère a découvert que les enfants, c’était énormément de boulot, et elle a assez rapidement baissé les bras avec moi. Je n’ai jamais compris, comment, en étant femme au foyer, elle ne pouvait pas avoir l’envie ou le temps de faire plus de choses avec moi.

Je suis tombée dans une famille extrêmement rigide qui est elle-même un mélange de deux cultures. Grands-parents polonais des deux côtés, les générations suivantes élevées dans une sorte de nostalgie du pays d’origine. Mes grands-parents parlent à peine français. J’ai un nom de famille hongrois que je trouve très laid. Plein de consonnes. La Pologne ne m’inspire pas le moindre intérêt. Pas de nostalgie pour moi, je n’ai rien à voir avec ce pays.

Mes parents ont choisi de nouveaux prénoms, mais ont décidé de laisser notre prénom d’origine en second prénom. Encore quelque chose à justifier. « Ça vient d’où, ce prénom » ? Le nom de la ville de naissance sur la carte d’identité. J’ai une propriétaire qui a vérifié sur Google Maps où ça se trouvait avant d’accepter de me louer une chambre. La mère d’un ex petit-ami qui ne m’a pas crue quand j’ai dit que mes grands-parents étaient d’origine polonaise. « Elle a la peau trop foncée pour être polonaise, elle ment forcément ». Et mon ex de lui balancer toute mon histoire personnelle, qui est pourtant délicate. J’attendais un minimum de tact. 

Je crois que beaucoup de gens qui vivent avec les gens qui les ont mis au monde ne savent pas ce que ça fait de savoir que quelqu’un balance votre histoire comme ça, sans votre accord.

 En tout cas, lui ne s’est pas posé la question.

Et pourtant, en dehors de quelques « tu es italienne / portugaise/ espagnole / grecque, non ?», je n’ai jamais dû faire face à des discriminations. Je n’ai jamais dû faire face à des remarques qui associaient adoption et charité. Parce, dans un sens, le fait que mon histoire ne soit pas « aussi visible » que si j’avais été d’une autre couleur de peau, m’a permis de la cacher plus facilement. Parfois, je me dis que j’ai eu la « chance » de ne pas avoir été obligée par le moindre détail physique, de balancer mon histoire personnelle et intime à des inconnus. Pour les personnes racisées, il y a forcément des difficultés supplémentaires à gérer. Je me souviens d’un vieil oncle au mariage d’une amie (dont la cousine, adoptée au Vietnam, vit à présent avec sa famille belge) : « Tant qu’à adopter un gamin, autant qu’il vous ressemble ». Classe. Bref.

Il paraît que mes parents voulaient un petit garçon de quatre ans, d’Inde (c’est chouette de pouvoir choisir ses critères…not). On en est loin, hein ? Je n’ai jamais été ce qu’ils voulaient, et je n’ai jamais eu le moindre choix. Ils avaient probablement une image précise de ce qu’ils voulaient, et je n’y correspondais pas du tout. J’ai l’impression d’avoir subi le plus gros de ma vie. Sois contente, tu as un toit et de quoi manger. J’ai encore du mal à dire où je suis née. J’estime que ce n’est pas ça qui fait de nous la personne que nous sommes : c’est la culture dans laquelle on a grandi, la ou les langues qu’on parle, l’éducation qu’on a reçue, qui nous façonnent. 

Si je dis « je suis née en Roumanie », il y a tout un tas d’idées préconçues qui viennent à l’esprit des gens. Ils se font une image de moi sans que j’aie pu rien dire, sans prendre la peine de me connaître. Ça va des préjugés négatifs sur les Roumains (confondus avec les personnes Roms, Tziganes, gens du voyage, comme si toutes ces cultures pouvaient être mises dans le même sac, comme si elles n’étaient pas le fruit d’une histoire distincte dans différentes régions du monde et comme s’il y avait quelque chose de négatif dans le fait d’appartenir à ces cultures), voleurs, arnaqueur pauvres, aux préjugés positifs (une prof de fac m’a dit une fois : « on a des étudiantes roumaines ici, elles sont excellentes », ou des remarques sur les gymnastes championnes aux JO). 

Sauf que, je ne suis ni roumaine, ni gymnaste, ni championne olympique. J’ai grandi en France, la France est mon pays. 

Quand on est adopté, on doit constamment se justifier. En tout cas, c’est comme ça que je le vis. Comme si le fait d’avoir quelque chose de différent (qui est plus ou moins « flagrant ») donnait au premier quidam venu le droit d’obtenir de vous que vous lui racontiez votre histoire dans les moindres détails. Tout ce que j’ai toujours voulu, c’était avoir une histoire banale, une vie banale. Ne pas devoir expliquer, ne pas devoir me justifier, ne pas avoir affaire à la connerie des gens. Être avec les gens qui m’ont fait naître, m’entendre dire que j’ai le nez de l’arrière-grand-mère ou que je suis têtue comme l’oncle maternel. Que je dormais déjà comme un loir quand j’étais bébé, et tiens, ça, c’était ton doudou préféré.

J’ai envie de vomir quand j’entends que les enfants adoptés ont de la chance, qu’ils ont été « sauvés », en quelque sorte. De la faim et de la misère, peut-être. Et ensuite ?

Je n’en ai pas moins l’impression d’avoir été un second choix. Faute de mieux. Tout le monde veut « son propre bébé » (ma mère m’a dit ça une fois). Un enfant issu de sa chair, qui lui ressemble. Et quand on ne peut pas, après avoir essayé, fait des tests de fertilité, on en vient à ce plan B. Je suis un plan B. Je ne suis pas un premier choix. Je suis là parce que des gens ont voulu « faire comme tout le monde ». Une maison avec jardin, deux enfants : un garçon, une fille.

J’ai toujours eu l’impression qu’on essayait de me faire rentrer dans une case. De me faire être ce que je n’étais pas. Et d’être quand même bien tombée dans une famille de merde. Qui a eu le choix, alors que moi, non. Père médecin, mère femme au foyer qui a donc le temps de s’occuper des enfants. Ça vend du rêve, comme ça, sur le papier.

Mais très vite, en arrivant, « les enfants, ça doit obéir ». Je ne voyais jamais mon père, et quand il nous accordait un peu de temps, c’était pour nous gronder quand on avait fait des bêtises. Je me souviens que mon frère suppliait ma mère, en pleurs, de « rien dire à Papa » quand il en avait fait une. Elle a fini par arrêter. Comment tu peux menacer de cette façon un enfant alors que tu sais ce qui lui est arrivé avant ? Aucune affection, pas de jeux ou d’échanges positifs avec lui. Je croyais qu’il me méprisait, qu’il me détestait, quand j’étais petite, comme si j’étais juste un petit être agaçant qui refusait de disparaître. Qu’il avait des choses bien plus importantes que moi à penser.

Mon frère faisait pipi au lit, qu’il avait de gros troubles d’apprentissage et du comportement. Mes parents ont trouvé des écoles spécialisées, des pédopsychiatres, des orthophonistes, et je devais venir à une partie des rdvs alors que ça ne me concernait pas.

Alors moi, il valait mieux que j’en « rajoute pas ». Que je ne fasse pas de vagues. Je me disais que je ne devais pas être un fardeau supplémentaire. J’ai très vite compris que dans cette nouvelle maison, dans cette nouvelle famille, je n’avais pas d’alliés. Que les adultes se soutiendraient toujours entre eux, et qu’en tant qu’enfant, je n’étais rien. Que je n’avais pas mon mot à dire. Qu’il fallait que je m’en sorte, que je continue à me battre, toute seule, comme d’hab. Et que donc, si je m’en sortais, ce serait grâce à moi, et à moi seule. Que je ne pouvais compter que sur moi. Et que c’est l’école qui me sauverait, que c’est grâce à ça que je me construirais un avenir. Alors j’ai tout donné à l’école. En plus, les profs m’adoraient, et j’avais la reconnaissance et la fierté que je n’avais pas à la maison. J’ai compris que les adultes n’avaient rien compris, qu’ils n’étaient pas forcément plus avancés que les enfants ; simplement qu’ils étaient plus forts parce qu’ils vivaient dans un monde fait pour et par eux.

Quand on n’« était pas sages », ma mère nous menaçait de « nous laisser en pension chez mon oncle et ma tante ». Son frère et sa belle-sœur. Moi, je comprenais « de nous abandonner encore une fois ». On peut se débarrasser de vous si vous ne remplissez pas votre part du contrat, en gros. Mon oncle et ma tante, je les ai détestés très vite. Et ma grand-mère maternelle aussi. Ma mère m’en a toujours voulu à cause de ça.

J’ai l’impression que l’essentiel de ce qui m’est arrivé a été décidé par rapport à quelqu’un d’autre. Le déménagement dans une autre région, un second déracinement. Quand mon frère a terminé l’école primaire, parce que ce serait moins traumatisant pour lui. Le collège catholique où j’ai été harcelée pendant toute la première année parce qu’il y avait une classe spécialisée pour mon frère. Et lui, qui disait qu’il avait été adopté sans complexes, et sans se dire que ça avait des répercussions sur moi, puisqu’on a le même nom de famille. 

J’ai pu commencer à prendre le contrôle à partir du lycée. Ne plus vivre ma vie par procuration, ne plus avoir à gérer des décisions qui n’avaient pas été prises pour moi. Arrêter d’être un fétu de paille emporté par le courant. Et plus je décidais de ma vie, et plus ma mère est devenue invivable.

J’ai une cousine, la fille de ces fameux oncle et tante cités plus haut, adoptée, elle aussi. Elle m’en a parlé, une fois : sa mère biologique avait eu plusieurs enfants, dont un frère qui « avait des problèmes » (elle n’a pas donné plus de précisions) mais ses parents de maintenant ne voulaient pas gérer un « enfant compliqué. » Donc un seul enfant. Avec des parents à la retraite et infects sur son dos en permanence. Elle m’a cité les critères de sélection qu’elle avait lus dans son dossier d’adoption. « Pas de sida », telle et telle couleur de cheveux, tel âge etc. C’est dégueulasse, que les parents aient le droit de choisir. Sur catalogue, avec des photos. Cet oncle et cette tante (comme mes parents), c’est des gens qui n’auraient jamais dû avoir d’enfants. C’est probablement les gens les plus cons que je connaisse.

Mais bref, pour moi, être adoptée, c’est n’appartenir véritablement à aucune famille, à aucun pays, ne pas avoir de place.

Devoir tout justifier, tout le temps. Être un plan B, et donc, la priorité de personne. C’est ne rien savoir de sa naissance et des premières années de sa vie. De ses antécédents médicaux (chez le médecin «il n’y a pas de vaccins avant telle année ? Pourquoi ? » ; chez l’orthoptiste « ah, mais votre problème, je ne peux rien y faire, il aurait fallu vous faire commencer toute petite. Vous avez un père médecin, et il n’y a pas pensé avant ? » Ben si, mais… ) Un flou immense, le noir complet. C’est l’impression de ne pas avoir de passé et de devoir construire sur quelque chose d’instable et de branlant. C’est avoir désespérément besoin de garanties, et de fiabilité. Et c’est normalement la famille qui apporte ça. C’est ce socle immuable qui a toujours été là, et qui le sera toujours. Mais bon, je suis obligée de faire sans.

Quand mon compagnon a eu une petite nièce et qu’on a commencé à avoir des photos, pendant les réunions de famille, j’étais bien sûr très heureuse pour eux, mais aussi infiniment triste. Parce que je n’ai probablement pas été voulue, parce que je n’aurai jamais les photos, les souvenirs (jouets, doudous), les histoires.

 Et encore, finalement, je n’ai passé « qu’un an », dans un orphelinat. Je n’ai pas passé l’essentiel de ma vie à être trimballée de famille d’accueil en famille d’accueil comme certains enfants. J’ai eu des figures bienveillantes autour de moi. Pas mes parents, mais j’en ai eu quand même. 

Mes parents, au lieu de m’aider et de me soutenir, ont été un facteur d’instabilité supplémentaire dans une vie qui en manquait clairement. Ils ont toujours été toxiques, et j’ai coupé les ponts avec eux. Je n’ai plus de contacts avec mon frère, avec qui je ne partage plus rien depuis qu’on est ados.

Après une vie passée à subir ce qui m’arrivait parce que c’était des choix faits pour et par d’autres, j’ai décidé de choisir de qui je m’entourais. J’estime que mes parents (ceux qui m’ont élevée), sont des parents administratifs. On partage un carnet de famille, un nom, des années obligée de vivre sous leur toit.

Je ne ressens pas le besoin, personnellement, de retrouver mes parents biologiques. J’aurais bien aimé savoir si j’avais d’autres frères et sœurs, par contre. J’aurais tellement aimé avoir une sœur. Je suis incroyablement révoltée contre les gens qui estiment que les femmes ne devraient pas avoir le droit de disposer librement de leur corps, qui estiment qu’elles doivent mener à terme toute grossesse entamée, puis élever un enfant qu’elles n’ont pas voulu ou ne pouvaient pas avoir, pour tout un tas de raison. Parce que « proposer » des enfants à l’adoption, ce n’est pas une solution féérique. C’est avant tout beaucoup de traumatismes. 

Pour cette femme (physiquement et mentalement), pour le ou les enfant(s) qu’elle a mis au monde. C’est énormément de souffrances, d’instabilité, de peur. Parce qu’il ne devrait pas y avoir d’enfants abandonnés ou maltraités par leur famille, parce que la société est incapable de s’occuper dignement de tous ceux qui n’en ont pas.

 Tout le monde n’est pas fait pour avoir des enfants, tout le monde n’en veut pas, et même ceux qui en veulent ne sont pas toujours capables de s’en occuper correctement. D’après moi, mettre un enfant au monde, ne fait pas de quelqu’un un parent. C’est tout le boulot qui suit, qui fait qu’on est parents.

Je suis un peu dubitative quand j’entends parler d’adoption « conte de fée ». Probablement parce que je regarde tout ça à la lumière de ce que j’ai vécu. Mais s’il y a des gens qui ont une expérience positive et qui sont fiers de leur histoire, je suis très heureuse et soulagée pour eux. 

Je suis malgré tout fière de mon parcours. J’ai rencontré quelqu’un de formidable qui n’a jamais émis le moindre jugement et qui m’a toujours soutenue. Qui m’a apporté et continue à m’apporter toute la stabilité dont j’ai désespérément eu besoin toute ma vie. C’est grâce à ça que j’ai pu grandir, avancer, et commencer doucement à accepter mon histoire pour continuer à construire la suite moi-même, sans subir.

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témoignages

#2 Parfois j’ai l’impression d’avoir vécu tellement de vie mais je sais que d’autres histoires sont aussi difficiles voir plus que la mienne.

Je suis née sous x à Paris en 1977. Je n’ai jamais vraiment été acceptée par les personnes qui m’ont adopté ils ont d’ailleurs gâché la vie des 3 enfants qu’ils ont adoptés . Ils ont également fait beaucoup de mal dans leur propre famille . Je peux donc dire que ce n’étaient pas de bons parents ni de bons enfants . Après plusieurs années à subir leur alcoolisme et leur maltraitance ( surtout psychologique) j’ai été placé en foyer avec ma petite sœur ,à ma demande et sur décision du juge des enfants après enquête. Nous avons vécu dans la rue nous avons dû nous adapter à nos nouvelles vies mais ma sœur n’a hélas pas survécu à cette vie et est décédée à l’âge de 33 ans . Ils n’ont même pas pris la peine de s’occuper de son décès et ont dû organiser ses obsèques par obligation !! Bref parfois j’ai l’impression d’avoir vécu tellement de vie mais je sais que d’autres histoires sont aussi difficiles voir plus que la mienne .

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Récits de personnes adoptées témoignages

#1 Encore une fois l’adoption n’a rien à voir et je ne me suis jamais dit « si jamais j’avais été adoptée par une autre famille »… c’est comme ça et je veux tout faire pour aller mieux.

Je viens de Madagascar et j’ai été adoptée très jeune. J’ai toujours considéré mes parents adoptifs comme mes vrais parents et par conséquent je me suis toujours dit qu’ils m’énervaient en tant que parents et pas comme des individus qui m’avaient pris d’un orphelinat. Ma mère donc, est plus que toxique avec moi : elle m’interdisait de porter des jupes en primaire/collège/lycée sous prétexte que ça sert à aguicher les garçons; elle m’espionnait derrière le grillage en primaire quand je jouais avec des garçons et soutenait qu’ils m’avaient attouchée (oui, elle réussissait à se convaincre que j’étais harcelée ce que je me suis mise à croire aussi alors que les amis garçons ça existe tout à fait); elle n’a jamais cessé de me comparer à la fille adoptée qui s’était selon les termes de ma chère mère « faite passer dessus par tout sauf un camion » et était sure que j’étais une « pute » en quatrième. Bref, elle était intrusive et voulait à tout prix tester ma virginité comme si ça la concernait (je n’ai jamais eu de rapport sexuel avec pénétration). Le plus dur c’était qu’elle me faisait culpabiliser de parler à des garçons ou même de m’en approcher. J’avais à chaque fois l’impression de les « aguicher » et j’étais gênée. Au lycée j’ai enfin réussi à me détacher d’elle et j’ai trouvé le compte de Parents Toxiques qui m’a énormément aidée à comprendre pourquoi elle faisait ça, comment m’en sortir et pourquoi ma sœur (adoptée également) ne percevait pas ma mère de la même façon (elles sont très proches malgré quelques disputes). Mon père lui est comme un pilier mais il devient peu à peu comme ma mère. Il la soutient dans ses accès de folie sous prétexte qu’elle en a besoin. Quand elle m’insulte, me crache dessus et lève la main sur moi il fait office de plante verte et s’isole de la situation comme si de rien n’était. Je ne lui en veux pas mais c’est dur parfois. Je souhaite m’éloigner de ma mère dès que je commence mes études l’année prochaine dans la capitale. J’ai envie de couper les ponts mais financièrement ça sera compliqué et surtout je sais qu’elle va retourner tout le monde (famille et quelques amis qui voudront bien l’entendre) contre moi au final. Je sais que leur jugement m’importe peu car ils n’ont pas vécu ce que j’ai vécu toute mon enfance et adolescence, même s’ils pensent le savoir. Mais ça sera dur de voir à quel point les gens voient ce qu’ils veulent bien voir. Donc pour l’instant m’éloigner géographiquement me suffit et je sais qu’à un moment je ne l’appellerai plus. Car je ne l’aime pas et c’est comme ça, je n’émets plus de regret : ce qu’elle m’a fait m’a brisée et a fait de ma vie un enfer. Je comprends que d’autres personnes ont vécu de choses bien pires et je suis vraiment désolée pour elles car personne ne mérite de vivre sous l’emprise d’un parent toxique. Mais ma mère m’a manipulée et a gâché mon adolescence et en ce sens je ne peux plus la supporter. Encore une fois l’adoption n’a rien à voir et je ne me suis jamais dit « si jamais j’avais été adoptée par une autre famille »… c’est comme ça et je veux tout faire pour aller mieux. Et si je dois sacrifier une partie de ma famille qui ne veux pas entendre ma souffrance c’est dommage mais je me dois d’avancer pour la petite fille qui pleurait tous les soirs et qui a grandi en pensant qu’elle était une « pute » (au sens de ma mère : une fille qui veut coucher avec tout le monde ce qui pour elle est très mal). Enfin, voilà mon témoignage. J’aimerai terminer sur une note positive et optimiste: nous n’avons pas tous la même manière de gérer les problèmes de relations et devenir distante face au problème n’est pas une solution qui convient à tous. Mais on peut s’en sortir et c’est normal d’avoir plein de ressentis différents à l’égard d’une personne. On a le droit et personne ne devrait nous en empêcher. Un jour ça ira mieux c’est certains.