Bonjour
Je m’appelle Caroline et mon deuxième prénom est Teanau. Je suis née un dimanche de Printemps 1991 en Polynésie Francaise.
Mes parents adoptifs se sont battus longtemps afin de concevoir mais ma maman a eu un retour négatif des médecins. Stérile! De ce fait mes parents se sont tournés vers l’adoption. Ma marraine travaillait dans une association à l’époque qui mettait en relation des familles Tahitiennes désirant faire adopter leurs enfants!
Mes parents adoptifs sont arrivés 15 jours avant ma naissance afin de faire connaissance avec ma famille biologique. Nous étions alors 5 enfants (moi compris), Mama Réré (Grand-mère) une femme de caractère et de poigne avait fait des prières et me parlait beaucoup à travers le ventre de ma mère biologique pour m’expliquer ma vie future. Le jour de ma naissance ma mère biologique m’a directement donnée à ma mère adoptive en lui disant « c’est ta fille maintenant il faut qu’elle s’habitue à toi » (un peu cavalier et brutal).
Nous sommes restés 15jours le temps de mettre les papiers à jour, et que je me fasse aussi à ma famille adoptive, puis Direction Miami.
Nous avons beaucoup voyagé grâce au travail de mon père, un an plus tard ma mère biologique nous envoie une lettre en proposant mon frère à l’adoption mes parents étaient ravis… au final les années ont passé et mon frère n’est jamais venu.
En 1997 nous voilà en France. Mes parents m’inscrivent à l’école bilingue c’est là où les différences ont commencé à se faire… « pourquoi t’es marron ? Nous on est tous blancs! » « Pourquoi t’as un nez en patate ou en trompette on ne sait pas trop » « Pourquoi ta mère est blanche? » à ce moment-là de ma vie mon père était très souvent en déplacements pour le travail, c’est ma mère qui m’a clairement élevé et fait mon éducation elle a fait du mieux qu’elle a pu et je suis très fière d’elle!
Toutes ces réflexions que l’on me faisait m’énervait et me faisait développer une rage de plus en plus grande à chaque fois. Que répondre? Faut-il se défendre? Insulter? Frapper?… Tout un chamboulement qui reste sans réponse en Primaire!
L’absence de mon père m’a beaucoup pesée petite, dès qu’il partait en voyage je pleurais, c’était un abandon pour moi. Il me ramenait toujours un cadeau pour consoler son absence.
Arrivée à l’âge de l’adolescence, ma mère a bien eu du courage avec moi et mes sautes d’humeur. Cette phase où l’on découvre beaucoup de nouvelles choses, les premiers émois, les premières cigarettes, les premières rébellions, il faut savoir que jusqu’à mes 18 ans il était hors de questions pour moi de parler de mon adoption sinon je pleurais!
A 13 ans, mes parents adoptifs m’ont proposé de partir à Tahiti rencontrer ma famille, entre temps ma mère biologique avait eu 2 enfants après moi… pourquoi suis-je la seule? Quand je les ai rencontrés il y avait comme une évidence. Nous étions une fratrie, toute la même tête, là même couleur, les mêmes traits… j’en ai profité pour questionner ma mère biologique « Pourquoi moi? » « Pourquoi ce prénom? » « Pourquoi mon frère n’est jamais venu »
La réponse à ces 2 questions:
1) nous n’avions pas assez d’argent
2) alors à la base tu avais un K a la place du T c’est lors de l’enregistrement ils se sont trompés (je ne vous raconte pas le choc … « mais qui suis-je alors ? »
3) il y a eu une tornade le jour où vous deviez venir et ça n’a pas pu se faire (alors que mes parents adoptifs m’ont toujours dit que c’était elle qui voulait plus le donner… « qui ment? » )
Beaucoup de questions sans réponses.
De plus mes parents adoptifs me disaient toujours, ne prends pas des choses de valeurs il ne faut pas qu’ils t’envient.
Le jour où nous sommes rentrés j’ai fait une crise d’angoisse dans l’aéroport et l’avion… tiraillée entre 2 mondes, 2 familles… ou dois-je aller? Tahiti? France j’étais perdue!
Je gardais contact tout de même avec eux via les lettres, les photos.
A mes 16 ans j’ai rencontré un HOMME, le premier qui m’a fait découvrir les jolies choses de la vie, et un homme sur qui je pouvais compter, confier mon histoire, mes craintes, mes doutes sans jugement… 5 ans après nous nous sommes séparés!
Là mon passé, les peurs, les craintes, les doutes tout est remonté à la surface. J’ai commencé à m’enfoncer petit à petit. J’ai perdu pied : cigarettes, drogues, alcool, idées noires. Plusieurs fois j’ai voulu en finir car je me sentais seule, perdue, incomprise.
J’ai fait des allers retours entre les hospitalisations, car je me scarifiais, j’essayais de faire sortir la douleur engloutie au plus profond, j’ai rencontré des thérapeutes qui m’ont diagnostiqué BORDERLINE!
J’avais retrouvé aussi ma famille sur les réseaux sociaux, donc c’était un sacré chamboulement dans ma tête, discuter avec eux jusqu’ à 3-4h du matin, faire partie de leurs quotidiens à distance… où est ma place?
De plus ils ont commencé à me demander de l’argent, ça m’a mise mal à l’aise. Je ne leurs montrait jamais mon logement pour ne pas susciter l’envie!
Toujours contrôler ce que je disais, ce que je faisais. Pour rentrer dans les cases de ce que mes parents adoptifs m’avaient toujours demandés.
Heureusement dans mon entourage j’ai rencontré une tahitienne à laquelle je m’identifiais beaucoup, que je considérai comme ma sœur, la seule qui pouvais comprendre NOTRE histoire, sans jugement, sans mensonges!
J’ai depuis toujours la crainte de déplaire au gens, de ne pas avoir ma place, d’être différente, pour cela je fais tout pour être aimée, appréciée de tous mais souvent les relations se brisent, ne durent pas sur le long terme, j’ai besoin que l’on m’aime!
Depuis 1an je suis une jeune maman d’un petit garçon, j’en suis fière! Ma plus belle réussite, mais lorsque j’étais enceinte j’avais mes craintes d’enfant adopté qui resurgissait, vais-je savoir m’occuper de lui, va-t-il manquer de quelque chose… Réussir à être une bonne maman! Apprendre à être une bonne mère! Depuis que mon fils est né ? j’ai pris mes distances avec ma famille biologique.
J’essaie d’oublier mon passé, et me projette dans l’avenir avec mon fils! Le seul et unique HOMME que je peux aimer sans fin, et qui saura m’aimer pour toujours sans jugements!