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Récits de personnes adoptées témoignages

#28 Je ressens une pression, je ressens une charge mentale, un devoir d’accomplir des choses sans que l’on me demande mon avis.

J’ai été adoptée à 2 mois par un couple de Français. Depuis mon enfance, ils projettent sur moi des idées, des envies et des espoirs qui se sont avérés de plus en plus lourds à porter,  surtout à la fin de mon adolescence.

J’ai eu une éducation hétéronormée, que ce soit à l’école ou à la maison. A défaut de pouvoir m’identifier à des personnages bisexuels ou homosexuels dans les médias, j’ai compris seule mon attirance pour les hommes et les femmes aux alentours du collège. Quand j’ai fait mon coming out bisexuel à mes parents en 2015, pendant mes études supérieures, j’ai, malgré moi, créée une cassure entre nous.  Je souhaitais être sincère avec eux, être soutenue et leur partager ma vie personnelle mais je n’ai fait que les décevoir et leur faire honte. Je me rappelle encore de ces phrases « Si tu finis ta vie avec une femme, l’adoption sera ratée. » « Moi, je voulais que tu aies des enfants. » « Tu n’es ni hétéro ni lesbienne, c’est encore plus bizarre que tu ne saches pas sur quel pied danser. » En quoi, l’orientation sexuelle est un motif d’échec ? Un enfant adopté n’est pas une pâte à modeler que l’on façonne à son goût, il y a tant de paramètres que l’on ne peut pas prévoir. J’ai toujours été tiraillée entre la reconnaissance et l’envie d’être libre. Certes, je dois beaucoup mes parents, à ce qu’ils m’ont offert, mais je ne pensais pas avoir tant de cases à cocher. Il y a comme une attente de « retour sur investissement » qui me dérange. Et puis, ce n’est pas parce que je suis en couple avec une femme que je n’aurais pas d’enfant et ils sont le mieux placés pour le savoir en tant que parents adoptifs.

Je ressens une pression, je ressens une charge mentale, un devoir d’accomplir des choses sans que l’on me demande mon avis. Et si je ne voulais pas d’enfant ? Et si je voulais rester célibataire ? J’aimerais que les adoptés ne se sentent pas contraints par leurs idéaux qui ne correspondent pas au leurs. Une adoption réussie, c’est d’abord lorsque l’enfant s’épanouit seul dans la vie qu’il n’a pas choisi. 

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#16 – Je partage avec vous Mon Histoire

As salam aleikoum, paix à tous;

Je partage avec vous Mon Histoire 


Adoptée à 4 ans, Indienne d’origine, j’ai  atterri chez une famille française.
Étant traumatisée à l’orphelinat, je ne parlais pas j’étais en quelque sorte fantôme .

La famille (non pratiquante en religion) qui m’a accueilli travaille dans un hôpital,  
Un milieux où stress, angoisse, tristesse et incompréhension règne. 
Malgrès leurs charité ils m’ont inculqué la peur, l’angoisse et état de burn-out.

Pendant mon enfance
 Je n’acceptait point la séparation de mon pays d’origine.
J’était terrifiée du fait que l’on me colle d’affection.Ayant l’impression d’être un être qui doit apporter amour reconnaissance etc pour le bien des autres.
On me forçait à dire oui pour leur caprice de antistress (leurs apporter des bisous leurs câliner etc… des actions qui étaient pour eux et non pour moi)

Je me réfugiée auprès de la nourriture moyen d’oublier mes craintes et moyens de combler mes peurs. Mais au final me faisait revenir à une situation de jugement ( ex :  » Mais arrête de te goinfrer, arrête de boulotter « etc… »Ne mange pas avec tes mains on est pas des mal-propre » 
Alors que dans mon pays d’origine, on mange avec les mains quel insulte a leurs égard et à la mienne. )
Je détestais parlais et on me forcer à le faire

 Je détestais leurs hypocrisies de politesse qui renier leur sincérité

 Je détestais les éloges que on leurs faisait, certes c’était vrai mais

Les autres ne connaissait pas leurs défaut qui me détruisait psychologiquement….

Actuellement: Al Hamdoulillah je suis dans une voie d’apaisement, 
Allah m ‘a permis de prendre mes distances avec cette famille.


Je suis Musulmane  et ce statut m’a permis de me respecter et de m’entourer avec de belle personne ayant de bonnes ondes.
Soubanallah 
Les épreuves que j’ai eu m’ont donnée des qualités ( La sensibilité, L’altruisme..)

Et aussi m’ont fait comprendre que les études ne valent rien à côté des expériences vécues.
Tous le monde à  des valeurs et doivent être respecté.

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#12 Je n’essaie pas de jeter la pierre mais « seulement » de connaître mes origines, mon histoire.

Partagez-le au maximum, s’il vous plaît! (Toujours d’actualité)

Je demande aussi de l’aide pour retrouver ma famille biologique, c’est très important pour moi.

Je m’appelle Sabrina (j’ai 44 ans, je vis en Suisse et je parle français), mais avant mon adoption, je m’appelais Guerrero Blanca d’après mon passeport. Je suis née à Bogotá (Cundinamarca, Colombie) le 15 novembre 1975. J’étais à l’orphelinat « Casa de la Madre y El Niño » parce que ma mère, Elena Blanca Guerrero, m’avait déposée le 29 novembre 1978 (selon la documentation du orphelinat). Quelques années plus tard, l’orphelinat m’a laissé dans une famille d’accueil avec Mme Gloria Von Breymann et sa famille. Je suis resté dans cette famille d’accueil pendant un mois, jusqu’à ce que mes parents adoptifs de Suisse viennent me chercher au début du mois de janvier 1980.

Voici un message pour ma famille biologique:

Je n’essaie pas de jeter la pierre mais « seulement » de connaître mes origines, mon histoire. Sans ressentiment ni amertume envers tout le monde. Pouvoir dire à mes enfants d’où je viens est important pour moi. Je suis satisfait et heureux dans ma vie d’avoir ma propre famille et de m’entourer de gens qui me remplissent d’amour, mais une partie de moi reste vide, sans savoir d’où je viens. Je n’ai pas de réponse à donner à mes enfants quand ils me demandent d’où ils viennent; sachant qu’ils auront aussi ce petit vide d’ignorance dans leur vie; C’est insupportable.

S’il y a une chance que vous, mes parents biologiques, me lisiez, que je suis ici, je veux vous dire que le choix que vous avez fait il y a 38 ans ne devrait pas être un fardeau pour vous. Tu m’as donné une chance de vivre. Cette décision, si vous l’avez prise, était la meilleure option pour vous et moi à l’époque. Je n’ai aucun ressentiment ni colère contre cela.

Ma porte, mon cœur est ouvert et continuera de l’être.

J’ai écrit à l’ICBF pour recevoir mon dossier d’adoption et des informations sur ma famille biologique. Mais ils ne m’ont toujours rien donné, alors j’attends …

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#9 J’en veux à ce système qui a décidé pour moi sans mon consentement.

Je suis né au milieu des années 80 au Brésil. Avec ma sœur jumelle nous étions dans un orphelinat depuis notre naissance. Nous avons été adoptés à l’âge de deux mois et demi par une famille française. Nos parents adoptifs souhaitaient au départ n’adopter qu’un enfant, un garçon. On leur a proposé des jumeaux, une fille et un garçon. Ne voulant pas nous séparer, ils nous ont adoptés tous les deux. Mes parents adoptifs étaient respectivement parent d’un enfant biologique; Ils avaient chacun eu une fille d’une précédente union. Ils les ont élevées ensemble comme deux sœurs. Leurs filles avaient environ le même âge, et une vingtaine d’années lorsque ma sœur et moi sommes arrivés dans cette famille. Elles avaient quitté le foyer familial et étaient en rupture avec leurs parents depuis déjà quelques années. Nous n’avons donc pas été élevés avec elles et ne les avons pas non plus côtoyées. Mes parents adoptifs venaient de remplacer leurs filles biologiques par deux enfants adoptés. Nous avons par ailleurs, été très bien acceptés par le reste de la famille (grands-parents, oncle, tante,…). J’aimais beaucoup ma grand-mère « paternelle », dont j’étais très proche.


En France, à l’école mon adoption était connue, les autres enfants me posaient souvent des questions : « Est-ce que tu te souviens de tes vrais parents? », « Pourquoi vous ont-ils abandonnés? », « Aimerais-tu revoir tes vrais parents ? », « Tu parles brésilien? » ; Des questions que moi-même je ne me posais pas encore. J’ai aussi découvert le racisme, dès l’école maternelle, dans la cour de récréation. Quelques enfants s’en prenaient à nous (ma sœur et moi) en se moquant de notre couleur de peau. Ce n’était que des mots d’enfants, mais nous ne comprenions pas. Dans la rue, les lieux de fréquentations (magasins, restaurants, etc), les regards devenaient pesant; Des enfants de couleurs avec des parents blancs ça attire l’attention, surtout dans certaines régions. Je n’aimais pas ça, je ne voulais pas sortir. J’en avais d’ailleurs parlé à la coiffeuse qui à l’époque s’occupait de ma tignasse bouclée, elle s’était montrée très bienveillante en me disant de prendre ça avec ironie. Nous en parlions aussi toujours à nôtre mère adoptive qui prenait systématiquement notre défense. A cette époque nous étions fusionnels. J’étais proche d’elle et j’avais un grand besoin d’affection de sa part. Je ressentais la peur de l’abandon. Un sentiment prégnant qui m’a accompagné durant toute mon enfance. Je me décollais difficilement d’elle et elle en était comblée. C’était une mère surprotectrice.
Avec mon père adoptif, les rapports étaient plus distants. Je sais qu’il était heureux (du moins au début) d’avoir un fils, mais c’était un homme dur et rigide, avec peu de patience, il s’emportait vite, parfois impulsif et grossier ; Les claques et fessées pouvaient tomber facilement. Il était rempli de rancœur et de colère. J’ai toujours pensé qu’il n’était pas fait pour être père et qu’il n’avait plus l’âge pour l’être. Je n’allais pas facilement vers lui. Je me souviens même, disant que je ne l’aimais pas… Ma grand-mère « maternelle » me disait : « On ne dit pas ce genre de chose de son papa… ». Je ne m’en rendais pas compte, mais je pense que s’il entendait ces mots, ça devait certainement le blesser.
Par la suite, ma mère adoptive est devenue culpabilisante et quelque peu dénigrante; Je me souviens que très jeune, elle nous demandait souvent qui nous choisirions si notre mère biologique venait nous récupérer, sans oublier d’émettre que c’est elle qui avait toujours été là pour nous… Je détestais cette question. Elle nous parlait aussi souvent de notre couleur de peau, de nos cheveux, de notre nez. Elle nous disait que dans ce monde nous n’avions pas de chance d’être noir, que si plus tard nous avions un gros nez, elle nous le ferait refaire, mais que j’avais tout de même de la chance, car je n’étais pas trop « négroïde »… Je crois que c’est à cette époque que j’ai commencé à avoir mes premiers complexes; Je rêvais de devenir blanc comme Michael Jackson et l’idée qu’on refasse mon nez m’enchantait! Ma mère adoptive vacillait entre bienveillance et dénigrement. En grandissant j’ai commencé à me détacher d’elle. Elle devenait très intrusive, cherchait à tout contrôler et nous subissions de plus en plus ses offenses. Dès que j’étais en désaccord avec elle ou contrariant, elle me menaçait de me payer un billet retour pour me renvoyer au Brésil, ou bien de m’envoyer en pension. Je vivais cela comme un éventuel futur abandon. Elle me répétait que j’étais un noir, que j’avais eu de la chance qu’elle veuille bien de moi, car personne ne voulait adopter de noirs (et elle citait ses ami(e)s ayant également adopté des enfants brésiliens, mais bien plus clairs que nous). Que nous les Brésiliens, étions en réalité des Africains; Que j’étais un Africain et que c’était à moi normalement de servir les blancs. Que je devais être plus reconnaissant que « les autres »… Sous-entendu les enfants biologiques. Je précise qu’en plus nous ne sommes pas noirs, mais métisses. Mon père biologique était blanc, information qui avait été donnée à nos parents adoptifs lorsqu’ils sont venus nous chercher à l’orphelinat, mais ma mère adoptive s’obstinait à dire que ce n’était pas vrai.

Je n’en avais pas conscience, mais je subissais au cœur même de mon environnement familial, le racisme.


Je ne me sentais pas en sécurité dans ma famille adoptive, j’avais souvent peur qu’on m’abandonne à nouveau. J’étais un enfant timide, introverti avec des tendances au bégaiement. A l’âge de six ans j’ai eu mes premières pensées suicidaires et à la préadolescence j’ai commencé à avoir des troubles alimentaires. Le début d’une forme d’anorexie qui m’a suivi jusqu’après ma majorité; Je ne supportais pas mon physique, j’ai commencé à être obsédé par mon apparence. A l’adolescence, ma relation avec mes parents adoptifs n’a fait que se détériorer. J’étais moins malléable. Les violences verbales devenaient routinière dans cette maison. Nos parents nous répétaient régulièrement qu’ils regrettaient de nous avoir adoptés, que nous leur devions tout, que sans eux nous ne serions rien, que si ils n’étaient pas venus nous chercher au Brésil, nous serions restés dans notre merde à manger des racines d’arbres… Ils ne faisaient que dénigrer notre pays d’origine, au point que nous faisions un blocage dessus ; Nous ne voulions pas en entendre parler et fuyions le moindre reportage télé sur celui-ci. J’étais de plus en plus souvent rabaissé, ils me disaient que j’étais nul, un incapable, que je ne sortais de rien. Ils m’étaient en doute mes compétences et me dévalorisaient systématiquement. Me faire insulter de « con » par exemple, est une habitude qui s’est vite installée. Ma sœur et moi n’étions pas toujours traité de manière équitable, surtout à cette période. Certains privilèges lui étaient accordés, ce qui avait pour résultat de créer des tensions entre nous et des frustrations. Parfois, les rôles s’inversaient. Avec le recul, je crois que c’était voulu. Nos parents utilisaient souvent le chantage, la culpabilité et les menaces pour nous contraindre à leurs exigences.
De l’extérieur, mes parents adoptifs renvoyaient une image qui suscitait l’admiration; Ils étaient très respectés et irréprochables en société. On me disait que j’avais de la chance, que j’avais tout pour moi… Eux aussi en étaient persuadés. Ils ne se remettaient d’ailleurs jamais en question, ma sœur et moi, nous leur devions tout et ils nous le rappelaient. Notre mère se ventait toujours d’avoir dû payer pour nous avoir… Comme si ça lui offrait un droit de propriété sur nous, un pouvoir illusoire. Puis nous avions un confort de vie matériel, de quoi pouvions nous manquer?… L’adoption était pour eux une démarche humanitaire qui exigeait redevabilité.
Mes parents adoptifs m’ont par la suite emmené voir des psychologues. Ils me répétaient tout le temps que je n’étais pas normal, que j’avais un problème… S’en est suivi quelques entrevues qui n’ont rien donné. Ces consultations se faisaient en leur présence. Quelques années plus tard j’ai été suivi par un psychiatre. Il était pour moi un échappatoire. Je lui parlais principalement de mes tendances addictives d’adolescent et de mon envie parfois de vouloir mourir. Il me parlait alors d’hospitalisation forcée, sans prendre la peine de creuser le pourquoi de cet état. Lors de notre dernier entretien, il voulait que nous abordions pour les séances à venir, mon adoption. C’est là que j’ai décidé de mettre un terme à ces rencontres, lui signifiant qu’il m’avait toujours été d’aucune utilité. Je n’étais en réalité juste pas prêt à aborder ce sujet. Je me protégeais.
Mes dernières années de vie avec ma famille adoptive, pendant ma période lycée, ont été les plus difficiles. Je me sentais complètement détruit. Je pensais quasi quotidiennement au suicide, seule issue qui pouvait s’offrir à moi pour ne plus avoir à les supporter. Je ne voyais aucune solution pour m’extraire de cette situation. La vie, le monde, les autres, plus rien ne m’était supportable. Mes parents ne faisaient que me rabâcher que le monde était dur, que la vie était difficile. Mon père me répétait : « La vie c’est comme une tartine de merde, chaque jour il faut en bouffer un morceau. » que tout ce qu’ils me disaient était pour mon bien. La vie avec eux, n’avait rien de savoureuse.


Toutes ces années d’existence au sein de cette famille ont eu un impact non négligeable sur moi ; Du petit garçon réservé et timide, je suis devenu introverti, puis complexé, au point de ressentir un profond dégoût pour moi-même, jusqu’à façonner mon physique pour gommer au maximum mon reflet originel.


Nos parents se plaignaient sans arrêt de nous. Nous étions les responsables de leur malheur. Nous n’étions jamais assez bien, tout était bon pour nous faire des reproches et pour nous tenir des propos négatifs. Il n’existait aucun échange réel, ils avaient toujours raison et il n’y avait aucune place pour nos choix. Nos ressentis n’ont jamais été pris en considération, ils ne se souciaient pas de ce que nous pouvions éprouver, si bien, que les abus que ma sœur et moi avons subis pendant l’enfance sont passés complètement inaperçus… De quoi pouvions-nous souffrir, puisque nous avions tout? Car avoir tout, n’autorise pas à se plaindre, c’est ce qu’on m’a enseigné.


J’ai toujours eu honte d’avoir été adopté. Un sentiment profond qui est en réalité le fait de ne pas avoir été désiré. C’est l’un des sentiments les plus lourds que je porte en moi. Comment peut-on trouver sa place lorsque l’on n’a pas été désiré ? Comment se sentir aimer lorsque l’on a pas connu l’amour inconditionnel d’une mère? Aujourd’hui encore, bien souvent je tais mon adoption. J’évite ainsi par la même occasion, les questions et remarques maladroites. La première question est toujours celle de l’âge : « A quel âge as-tu été adopté ? ». Et si tu réponds que tu as été adopté bébé, les gens te répondront à coup sûr une phrase de soulagement!
Comme si, être adopté bébé, ne portait pas à conséquence. Ce qui en revient à un mépris des ressentis éventuels et à nier la blessure primitive, ne reconnaissant finalement que la secondaire, celle d’un enfant adopté plus grand, qui seul lui, pourrait être atteint d’une blessure émotionnelle, psychologique, provoqué par l’abandon. C’est très hiérarchisant. Mes parents adoptifs étaient les premiers à nier mes ressentis et s’empressaient de répondre à ma place lorsque le sujet était abordé par un tiers : « Non, il ne se souvient de rien ! Il était trop petit ! ». Et pourtant, le souvenir émotionnel était bien là…
Après, ma première histoire d’amour, qui pour la première fois me faisait me sentir vivant, j’ai essayé d’en finir. Je venais de vivre ce qui avait été le plus intense dans ma vie, tout pouvait donc bien s’arrêter là. Je tenais responsable cette relation tumultueuse de ma tentative de suicide, mais la raison était en réalité bien plus profonde; Cette rupture n’avait été que le déclencheur de l’accumulation de tous mes maux arrivés à débordement. Pendant ma semaine d’hospitalisation, la directrice de l’hôpital et un psychologue sont venus me voir dans ma chambre, ils n’ont vu là qu’un pauvre garçon en plein chagrin d’amour et m’ont menacé à leur tour d’un internement si je recommençais d’attenter à mes jours.
Les dernières semaines dans ma cellule familiale ont été particulièrement conflictuelles, un harcèlement permanent, mais quelque chose s’est éveillé en moi les derniers jours avant que je ne brise mes chaînes (qui n’étaient que psychologiques); Je ne ressentais plus rien pour mes parents adoptifs, j’avais la sensation d’être en face de deux inconnus qui fustigeaient dans le vide. J’étais plongé dans une bulle dans laquelle plus rien ne pouvait m’atteindre. J’étais comme anesthésié. Un jour où j’étais de sortie, je reçois un appel de ma sœur, me disant que ma mère adoptive avait une fois de plus profité de mon absence pour fouiller dans mes affaires. C’était son habitude, dès que je sortais, en bonne mère intrusive comme elle était, elle se permettait de fouiner dans mon intimité. Je vivais cela comme un viol. Cette femme, me considérait encore comme un être immature. Ce jour là a été le déclencheur, j’ai décidé de ne plus rentrer. Jeune majeur, je pouvais enfin déployer mes ailes. Elle a tout de même essayé de me culpabiliser par textos pour que je rentre, en me disant que j’abandonnais ma sœur, qu’il fallait qu’on parle sans colère et sans haine, puis en dernier recours, me menaçant que si je ne rentrais pas à tant, la porte serait fermée pour toujours. Je lui ai répondu que je n’avais plus rien dire à des gens comme eux. Ça a été mon point final dans cette histoire. Pour la première fois de ma vie, je me suis senti libre. Une sensation nouvelle que je découvrais. Je venais de quitter ma prison dorée.
Ça fait maintenant plus d’une dizaine d’années que mes parents adoptifs ne font plus partie de ma vie. Je ne les ai jamais revus, à l’exception d’une fois, environ deux ans après mon départ, je les ai aperçu sur un marché de Noël, à l’autre bout de la France ; Je me suis caché pour ne pas qu’ils me voient. Je ne ressens plus de colère, ni de rancœurs envers eux, et ils ne manquent pas. Plus le temps passe et plus cette histoire me semble lointaine, parfois presque irréelle, j’arrive tout de même à me remémorer les moments joyeux, car oui, il y en a eu aussi, mais je reste navré de tout ce gâchis, qui peut-être, aurait pu être une belle histoire.

Malgré ça, résonnent encore en moi les échos des phrases assassines.


Quant à ma sœur, qui a vécu dans cette même ambiance, elle ne partage qu’assez peu mes ressentis. Elle se montre d’un devoir loyal envers ceux qui pourtant ont été si souvent nos bourreaux. Après plusieurs années d’émancipation, elle est même retournée vivre auprès d’eux. Elle se montre reconnaissante et redevable, estimant même que nous avons eu de la chance. La chance d’avoir échappé à un destin tragique, grâce à une adoption qui nous a apporté la garantie d’une meilleure vie que celle que nous aurions pu avoir en restant dans notre pays d’origine. Une pensée d’ailleurs populaire et dominante véhiculée notamment à travers les médias, reportages télé et autres documentaires, et qu’on nous a systématiquement rappelé. Il y a un mythe autour de l’adoption. L’adoption est encore trop perçue comme une démarche humanitaire qui ne fait que la valoriser. Et attention à ne pas venir contredire cette pensée collective, même en étant le principal intéressé, au risque de passer pour un ingrat et d’être renvoyé à sa souffrance qui serait propre à celle des adoptés en colère et donc relativisée. Nombre de fois ou l’on m’a fait comprendre que je manquais de rationalité, que les conflits familiaux étaient propres à chaque famille, biologique ou pas, que mon histoire, aussi triste soit-elle, aurait pu autant se produire dans une famille de sang. Et par dessus, cette idée stéréotypée, que des gens qui adoptent, ne peuvent pas être complètement mauvais. Tout cela ne fait que renforcer un sentiment de culpabilité.


Aujourd’hui je souffre en silence. Je souffre de cette absence de parents de sang, de ce qui m’a été enlevé, arraché, de ce manque de réponses, de ces incohérences qui auraient fait mon abandon, de tous ces mensonges, d’avoir acquis la nationalité de ce pays d’accueil en perdant à tout jamais celle de ma terre de naissance, de ces organisations administratives qui bloquent ma quête identitaire, de mes demandes d’accès aux informations sur mes origines pour lesquelles je n’obtiens pas de retour.

J’en veux à tout ce système qui a décidé pour moi sans mon consentement.

A mes parents adoptifs qui ont fait le choix de l’adoption plénière, qui exclue l’existence de mes parents biologiques, en rompant tout contact et tout lien de filiation avec eux. Une décision irrévocable, qui juridiquement est approuvée puisqu’elle fait l’objet d’un jugement, qui est précédé de l’obtention d’un agrément, garantissant les exigences légales pour adopter dans l’intérêt de l’enfant. Ses conséquences ne m’auront été pourtant que préjudiciables. Vient s’ajouter à cela, cette double peine, celle de ne pas être considéré comme un « vrai Français », ni comme « un vrai Brésilien ». N’avoir aucune légitimité aux yeux des autres et à la moindre occasion, d’être renvoyé à ma couleur de peau. Je me demande aussi si porter un prénom français est une chance? De part mon type ethnique et mon lieu de naissance, le fait d’avoir un prénom français étonne et interroge souvent. On me soupçonne même parfois de mentir sur celui-ci et je suis contraint de prouver sa véracité. Ma sœur, elle, n’a pas cet obstacle, puisqu’elle porte un prénom portugais, donc en lien avec nos origines.
Être un individu adopté, n’est pas juste un détail de mon histoire, ça a bouleversé l’intégralité de ma vie, ça influence mes choix et décisions, jusqu’à s’immiscer dans mes rapports aux autres : attitudes, sentiments, ressentis, réactions; Beaucoup de choses de la vie quotidienne me renvoient à cet état, consciemment ou pas. C’est enfermant. Puis il n’est pas évident de se faire comprendre et de demander aux autres de faire cet effort. Ma blessure narcissique et mes troubles de l’attachement/abandon influent encore insidieusement dans ma vie actuelle et personnelle. J’essaye de faire un travail perpétuel sur moi-même. Ma famille adoptive a tant été pour moi une source d’angoisse et d’anxiété permanente, qu’elles en sont devenues des troubles, qu’aujourd’hui je m’efforce de temporiser.
J’ai mis longtemps avant de pouvoir mettre des mots sur mon vécu. Il m’a fallu recul et introspection pour comprendre que ce j’avais vécu n’était pas acceptable. Je partage aujourd’hui mon histoire en revenant sur certains mots/maux pour montrer l’envers du décor qu’il peut y avoir derrière l’adoption. La parole est si peu donnée aux adoptés qu’il est nécessaire aujourd’hui d’une prise de conscience sur ce que peux infliger l’adoption internationale, tant sur les conséquences du déracinement, que du lien parents enfant qui peut ne jamais se faire.


Je termine mon récit par cette citation que j’aime beaucoup de Marcel Pagnol :
« Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants. » Le château de ma mère.

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#8 – Pour moi, être adopté transracial, c’est avant tout vivre le racisme d’une manière très particulière

Né à Ha Noi au Viêt Nam, j’ai été adopté (adoption plénière) à l’âge d’un mois (très certainement à cause d’une mauvaise santé quand j’étais bébé et de la pauvreté de mes parents biologiques) et j’ai grandi dans une toute petite commune dans la plus belle région de France. Je n’ai donc aucun souvenir du Viêt Nam. Je n’ai aucune trace de mes parents biologiques.

J’ai appris très tôt que j’étais adopté, à peu près dès que j’avais l’âge de comprendre. Tant mieux, et je remercie mes parents pour ça.

Pour moi, être adopté transracial, c’est avant tout vivre le racisme d’une manière très particulière. C’est la première chose que je mets en avant, parce que pour moi, le racisme, c’est sans doute la chose qui m’a le plus heurté et traumatisé. J’ai grandi dans un coin où il n’y avait très peu de personnes racisées et encore moins de personnes « d’origine asiatique » (même si je ne comprends pas vraiment l’intérêt d’utiliser ce mot pour un continent qui implique des cultures très différentes… mais c’est comme ça qu’on qualifie et mélange les personnes venant de l’Asie du Sud-Est/de l’Est). J’y ai subi des moqueries, du harcèlement (que je ne qualifiais pas comme ça à l’époque), des violences physiques (accompagnées de « sale adopté », mais je savais déjà à l’époque que c’était venant d’une personne raciste) etc… J’ai alors dû mettre en place des stratégies dont je ne suis pas vraiment fier aujourd’hui pour « ignorer » ou « laisser couler » toutes les remarques racistes qu’on m’envoyait surtout à l’école primaire puis dans les premières années du collège. Entre autres : se moquer de moi avec un racisme intériorisé certain avant qu’on le fasse, tourner en dérision les stéréotypes racistes, ne pas m’énerver quand on sort une imitation à la Michel Leeb (et qui plus est, renchérir en la reprenant pour montrer que non, le racisme ça ne me touche pas…). Ce n’était sûrement pas la meilleure des manières, mais compte tenu de l’incompétence des personnes autour de moi à comprendre les implications du racisme (avec une faculté à « ne pas voir les couleurs » et qualifier ça de « connerie » ou de « bêtise humaine » alors qu’il s’agit d’oppressions), c’était sans doute le plus simple à faire à ce moment-là. Bref, finalement à ce stade, c’est le quotidien de toute personne racisée qui grandit dans un milieu majoritairement blanc. J’ai eu de la chance que petit à petit au fil de l’adolescence, on me laisse davantage tranquille, pour diverses raisons (privilèges de classe ou d’être un homme cis, entre autres).

Être adopté transracial, ça a aussi son lot de particularités. J’en évoque ici quelques-unes parmi tant d’autres.

Première particularité : l’assimilation. Je me rends compte à quel point on a voulu m’assimiler en voulant me rendre plus blanc que blanc. En me faisant clairement comprendre que j’étais, clairement inférieur, par rapport aux autres par divers propos, que ce soit par des « tu es moche » (que je considère comme stupides mais qui sont surtout racistes) ou par le fait de dénigrer une culture (inconnue pour moi) à laquelle je devrais m’identifier (ce qui n’était pas le cas). Puis petit à petit, je me rends compte que j’ai vraiment voulu devenir plus blanc que blanc, pour qu’on arrête de m’insulter ou me dénigrer par rapport à mes origines, sachant que je ne connaissais absolument rien de celles-ci ou de la culture associée. S’assimiler, c’est sûrement la voie la plus facile (je le pensais à l’époque) pour d’une part « s’intégrer » (avec le recul : pourquoi aurais-je dû davantage m’intégrer que n’importe quelle autre personne ?) et surtout pour arrêter de subir le racisme (car évidemment, pour moi le racisme à l’époque c’était très certainement moral). Finalement, c’est comme si je pensais quand j’étais enfant que je « méritais » le racisme parce que je n’étais pas assez assimilé ou je ne fais pas assez d’efforts. L’assimilation, c’est-à-dire, effacer tout ce qui met relie à mes origines, c’était la solution de facilité. J’ai détesté être d’origine vietnamienne, tout ce qui me reliait à mes origines, je n’osais même pas regarder un livre ou un documentaire lié au Viêt Nam. Bref : ça a clairement mené à un fort racisme intériorisé (et au final : une détestation et une pauvre estime de soi car comment avoir confiance en soi quand on ne peut pas être « soi » ?).

Deuxième particularité en lien avec la première : une relation très particulière avec ma culture d’origine. Comme évoqué précédemment, je l’ai détestée et j’avais honte d’assumer mes origines (je vous rassure, aujourd’hui je fais du « vietforcing » sans problèmes). Pas surprenant quand finalement, je les connaissais pas du tout et ma seule façon de la « vivre » c’est au travers du racisme. J’étais quand même ému quand mes parents m’avaient acheté des livres sur le Viêt Nam, et que je les regardais discrètement, quand j’étais seul et curieux quand même de comment ça se passait. Adoption oblige, je n’ai jamais eu accès à travers ma culture d’origine, sauf à travers ces quelques bribes, parfois des clichés et puis les plats préparés qui mélangeaient des nems avec des samoussas ou accras de morues… dans des « plats asiatiques ». C’est assez paradoxal ce sentiment de rejet de sa culture d’origine et en même temps une volonté profonde de vouloir la retrouver. C’est comme un manque, qu’on souhaite bien enterrer profondément en soi et rejeter, par peur sans doute, qu’il cause davantage de problème. Je me suis souvent senti déraciné mais « le cul entre deux chaises » : pas à ma place dans un monde majoritairement blanc qui dévalorise toutes les personnes racisées, et absolument pas légitime comme personne vietnamienne à cause de l’absence de transmission de la culture.

Troisième particularité, quand on parle de manque et de peur, c’est la peur de l’abandon/d’être rejeté/d’être seul. C’est sans doute une particularité commune à bon nombre de personnes adoptées (transraciales et non). Sûrement que le rejet des autres enfants à cause du racisme combiné aux traumatismes liés à l’abandon (même sans souvenirs, il y en a sûrement), créé cette peur de solitude et d’être (encore) abandonné dans un monde qui nous paraît hostile, auquel on n’appartient pas. Ça a sans doute joué dans une nature parfois « très réservée » alors que j’aimais (et j’aime toujours) beaucoup le contact humain et parler aux gens… mais sans montrer une partie de moi-même qui a peur et qui se rejette.

Quatrième particularité : l’infantilisation. J’ai souvent l’impression qu’on me considérait souvent comme un enfant, incapable de prendre des décisions, incapable de s’exprimer. Les parents ont souvent eu ce biais, qui j’imagine, existe pour tout parent, mais j’ai eu l’impression que ça prenait une dimension plus importante. Ça concerne aussi toute personne à qui je disais que j’étais adopté : « ah mais ça va ? », « je suis désolé pour toi », « ça a dû être trop dur ». J’ai souvent eu l’impression qu’on me pense triste voire dans une très mauvaise situation mentale juste parce que je suis adopté, sans vraiment s’intéresser à mon propre vécu, comme si c’était systématique. Quand on me parle, j’ai l’impression d’être considéré comme un enfant aux yeux de l’interlocuteur, et j’ai le sentiment qu’on ne me laisse pas forcément la possibilité de m’exprimer.

Aujourd’hui, je m’assume complètement en tant que personne d’origine vietnamienne (je suis retourné au Viêt Nam et c’était génial !) et je fais des démarches pour en apprendre plus sur ma culture d’origine voire pour avoir la double nationalité. Je ne veux plus être plus blanc que blanc. J’ai envie d’exprimer mes peurs, mes doutes et mes traumas. Je ne souhaite plus qu’on m’infantilise. Peut-être qu’un jour je ferai la démarche de rechercher mes origines et ma famille biologique.

Ce témoignage reflète juste un vécu parmi tant d’autres. Pourtant, en parlant à d’autres personnes adoptées (et je regrette tellement ne pas en avoir l’occasion quand j’étais enfant ou adolescent, même s’il est probable que je les aurais fuies), j’ai l’impression qu’on a parfois des vécus similaires. J’ai la chance d’avoir eu des parents qui m’ont aimé (et c’est réciproque) et une bonne relation avec eux. C’est loin d’être le cas pour toutes les personnes adoptées : ça se passe parfois très mal. Mais pour autant, j’ai quand même des expériences traumatisantes, principalement liées au racisme, et en partie à l’adoption.

Comment politiser la question de l’adoption pour que les institutions, les parents adoptifs (et les futurs) puissent garantir les droits et le bien-être des personnes adoptées ? Il faut tout d’abord savoir écouter (et mettre son égo de côté, pour les parents adoptifs) et relayer la parole des personnes concernées. Il faut soutenir les démarches des personnes adoptées (notamment concernant la recherche des origines mais aussi les changements de prénoms/noms). Il faut pouvoir parler de santé mentale des personnes adoptées (et d’accompagnement adéquat, sans infantilisation ou déni). Il faut se décentrer de la parole des parents adoptants qui sont massivement relayées. Il faut aussi interroger les dynamiques raciales et sociales de l’adoption transraciale, qui a souvent lieu dans des pays qui ont été colonisés par des pays occidentaux. Il est indispensable que les parents et proches de personnes adoptées s’éduquent sur le racisme systémique (et non moral) pour mieux comprendre les vécus des personnes adoptées et racisées.

Un grand merci en tout cas à toutes les personnes qui contribuent à donner la parole aux personnes adoptées et qui permettent de politiser cette question, qui nous prend parfois aux entrailles mais qu’on ne peut mettre de côté, puisqu’il s’agit de celle de nos vécus. Et pensée à toutes les personnes adoptées.

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Récits de personnes adoptées témoignages

#7 Aujourd’hui la seule chose qui a changé dans ma vie c’est d’avoir quatre parents, et d’être pleinement heureuse dans ma double identité Franco-Colombienne.

Adoptée de Colombie, je souhaite partager mon expérience, sur les bons moments et aussi les moments de détresse, de racisme.

Je suis née à 2600 mètres d’altitude dans les montagnes, d’un couple qui ne pouvait pas m’accueillir au sein de leur cellule familiale. Et je me suis donc retrouvée en pouponnière jusqu’à mes 2 mois et demi, avant que ma famille adoptive ne vienne me chercher. Et cet autre couple, dès notre première rencontre, je leur en fait voir de toutes les couleurs.

Je ne m’alimentais pas suffisamment, en trois jours je n’avais vu qu’un biberon, et ma mère adoptive était désespérée. Un soir pour sortir entre couples adoptants, une nourrice de l’orphelinat est venue s’occuper de nous. Ma mère a expliqué la situation, la nourrice a répondu que je les testais déjà, et qu’il fallait me réveiller plus pour me nourrir. En effet, un bébé tout comme un enfant apprivoise un parent, ce n’est pas plus facile, ce petit être a vécu un traumatisme, et seul le temps le guérira. Cela a été la première expérience de ma mère adoptive avec ce que ressentait un enfant adopté.

Puis, la famille s’est agrandie, une deuxième petite sœur, et nous nous sommes construits.Nous étions dans la campagne profonde d’une France rurale, et dans la rue nous avions eu la chance d’avoir une famille franco-sri-lankaise qui apportait un peu de couleur dans ce paysage. Car oui l’adoption c’est aussi un déracinement de sa culture d’origine. Et même du haut de quelques années, on comprend vite qu’on n’a pas la même couleur que nos parents adoptifs. Mais surtout que dans les années 2000 il y avait un manque crucial de représentations des minorités. Donc nous avons grandi avec Dora, les mystérieuses cités d’or, et avec un contact limité de la Colombie, ce qui s’est révélé dur dans l’absolu, où les liens avec la Colombie étaient rompus. De plus, nous avons mesuré ce manque de représentation, lorsqu’une petite cousine dans la famille de notre père avait fait une remarque à ma mère. En effet, la petite était contente d’avoir enfin dans la famille des petites cousines qui seraient de couleur avec des peaux dorées. C’est là que ma mère adoptive a compris, que cette petite cousine métisse, qui grandissait dans notre famille blanche, elle n’avait pas eu d’autre personne de la même couleur qu’elle. Une autre fois encore plus surprenante c’est à un de mes anniversaires que j’ai demandé à mes parents, sans grande explication que je souhaitais un poupon « noir » car je voulais un jouet qui ait de la couleur. Mes parents avaient remué ciel et terre pour en avoir un pour cet anniversaire.

Une nouvelle fois mes parents avaient mesuré l’impact de vivre dans un monde où les minorités devaient trouver leur place dès le plus jeune âge.

Maintenant la période de l’entrée à l’école, là aussi sur un ton humoristique, en maternelle une petite fille m’avait montré du doigt à sa mère « eh maman regarde la petite noire ». Cette anecdote je ne m’en souviens pas, c’est ma mère adoptive choquée qui me l’a racontée. En classe de primaire je me suis prise une nouvelle fois une claque (de façon métaphorique), mais je m’en rappellerai toute ma vie. J’étais avec mes copines, et d’un coup comme ça pour les enfants on ne sait pas pourquoi, elles avaient décrété que je n’étais pas Française, et que je DEVAIS AVOIR des photos de ma mère biologique. Pendant au moins quelques jours, elles me le rabâchaient en boucle, sauf qu’à un moment j’ai craqué et j’en ai parlé à ma mère adoptive, car cela me blessait énormément, surtout de remettre en cause ma nationalité. Mais c’est aussi à ce moment-là quand ma mère adoptive est venue aborder le sujet avec mes copines à ma sortie des classes, pour ma mère biologique. Elle leur a certifié que non elle n’avait aucune photo de ma mère biologique, et que j’aurais le droit de les voir à l’âge adulte .

À ce moment-là précis, je comprenais que je n’étais pas seule que j’avais d’autres racines ailleurs, et qu’une seconde maman m’attendait quelque part. 

Pour le collège et le lycée, là où les adolescents prennent leurs marques il est difficile de faire face à cette situation d’adoptée. Souvent j’esquivais le sujet, comme ça personne ne me prenait la tête, malgré que beaucoup de copains d’école savaient, personne ne racontait la vie des autres. Mais ce sont les remarques racistes dont j’ai été victime qui m’ont profondément blessé. En l’occurrence les adolescents en tant que Colombienne, me reprochaient beaucoup de choses que je juge aujourd’hui racistes. D’une part, je devais sûrement vendre de la cocaïne, que j’étais la fille cachée de Pablo Escobar, et que je devais être une terroriste car je faisais partie des FARC. Drôles de stéréotypes sur ma nationalité, mais qui sont restés jusqu’à mon lycée. Au bout d’un moment j’en ai eu marre de me justifier, surtout qu’entre-temps j’étais retournée chez moi en Colombie. Et tous les stéréotypes n’étaient plus d’actualité, donc en découvrant ma culture j’ai réussi à affronter tout ce « racisme ordinaire » qu’on minimise, que les parents adoptifs disent de répondre par le silence. Mais on ne peut pas rester silencieux face à cet afflux de haine, de stéréotypes et de xénophobie. Et non ce n’est pas parce qu’on est Colombienne qu’on sait danser la salsa, ou parler espagnol couramment. Et ça les gens sont parfois trop curieux, et je ne pouvais que me renfermer dans un certain type de personne, l’adoptée qui était là française chez ses parents. Et une fois le portail franchit, je devenais une Colombienne qui parlait à ses camarades latinos en espagnol, même en cours de sport. Découvrir d’autres personnes Colombiennes au sein de mon lycée m’a doublement aidé, puisque pour la première fois de ma vie je n’étais pas seule. D’une certaine façon, j’ai éprouvé le sentiment d’être deux personnes, et surtout qu’il y avait une charge raciale, cette façon de se conformer à un certain type en fonction de la population, que les personnes transraciales vive.

Maintenant, je peux aborder la question des origines.

Il est vrai que mes parents adoptifs nous ont ramené en Colombie, alors même qu’ils étaient divorcés, pour nous faire connaître notre culture, surtout à nous qui le demandions depuis des années. Et nous sommes partis quelques dizaines de jours, on s’est familiarisé très vite avec notre culture. Sans compter que nous étions plusieurs adoptés qui avaient fait le voyage pour l’anniversaire de l’orphelinat.

Et que ça faisait du bien, enfin je me sentais chez-moi, cette première expérience m’a conforté dans mon esprit que j’avais depuis toute petite, je n’étais pas que FRANÇAISE mais que j’étais bien COLOMBIENNE.

Ici j’ai renoué avec ma culture, réappris la langue du pays, et constaté que je n’avais jamais été aussi heureuse d’être dans un endroit.  La première année de cours d’espagnol avait été dure, puisque je me confrontais à ma culture, mais je n’était tellement pas bien, que la seule façon d’évacuer mes angoisses était de me scarifier. La prof d’espagnol avait expliqué à mon père, que mon refus de parler espagnol provenait du fait que cela remontait des choses inexpliquées, mais des souvenirs douloureux avec sûrement ma mère biologique. Mais mes parents ont tout de suite vu le problème, et avec ce voyage j’avais pu avoir une partie de mes réponses.

Mais, après ce voyage une question restait en suspens, où est ma mère biologique dans tout ça ? Si jamais je ne la croisais et qu’elle ne me reconnaissait pas.  Je n’oubliais pas que j’avais une autre maman, et surtout un autre papa. Ma mère adoptive (qui avait eu l’occasion de voir les photos de mes parents biologiques lors de mon adoption.), m’avait sorti une fois une phrase qui était restée dans ma tête. Vers l’âge de 15 ans elle m’a dit que plus je grandissais, plus je ressemblais à mon père biologique. Allez hop deuxième coup au moral, je me suis rendue compte que je ne voulais pas grandir plus longtemps sans savoir. Le jour des 18 ans est venu est beaucoup de mes amis l’attendaient car ils allaient passer leurs permis, boire, etc… Mais pour un enfant adopté qui devient adulte adopté, c’est toute autre chose on nous permettait pour la première fois dans nos vies, de prendre le contrôle et de voir notre dossier.

Pour des raisons personnelles je ne l’ai fait qu’un an après, par le hasard sur Facebook, j’ai trouvé un profil correspondant à l’un de mes frères, j’étais déçue il ne me ressemblait pas. Et à travers son profil j’ai découvert une photo de lui dans les bras d’une femme. Par miracle je l’ai reconnue, ma mère biologique, elle avait enfin un visage, elle était trop belle. Ensuite j’ai renoué contact avec elle, puis avec mon père et le reste de ma fratrie. Certains parents adoptifs qui me connaissaient depuis toute petite, ne comprenaient pas ma démarche. J’étais là première à l’expérimenter dans notre entourage, il a fallu faire preuve de pédagogie, d’ouverture d’esprit pour leur faire comprendre que non je n’avais pas que deux parents, j’en avais quatre. Ce n’est pas la même relation qu’on a ensemble, mais c’est ce que je souhaitais revoir et comprendre toute mon histoire à travers mes parents biologiques. Pour ainsi être totalement libre de cette histoire d’adoption, et surtout que je ne souhaitais pas que toutes ces questions reviennent sans prévenir, au moment où je donnerais la vie à mon tour.

Aujourd’hui la seule chose qui a changé dans ma vie c’est d’avoir quatre parents, et d’être pleinement heureuse dans ma double identité Franco-Colombienne.

Je viens témoigner aussi surtout rassurer les parents adoptifs aussi, ce n’est pas parce que l’on fait cette démarche qu’on ne vous aime plus, mais qu’on a besoin de se construire. Vos anciens enfants qui sont devenus adultes, sont capables de se construire par le lien biologique aussi, mais n’oublient pas le lien adoptif.

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témoignages

#4 Pour moi, être adoptée, c’est donner l’apparence de.

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Pour moi, être adoptée, c’est donner l’apparence de.

Être adoptée dans un pays occidental est généralement perçu comme positif. Chacun pense que nous, les adoptés nous avons tout reçu : une bonne famille, une bonne éducation, une situation matérielle meilleure que celle qui semblait se dessinait à l’origine pour nous. Que forcément tout va toujours aller dans le bon sens. Mais j’aimerais dire que ce n’est pas toujours le cas et l’adoption ou être adopté n’est pas une garantie de réussite et d’épanouissement.

 D’abord, parce que les familles qui adoptent ne sont pas toutes de bonnes familles. Ma sœur, par exemple, a été adopté deux fois parce que la première famille dans laquelle elle est tombé (le couple) n’avait pas fait le deuil de leur premier enfant qui avait été tué par leur voisin. Ils n’ont donc jamais considéré ma sœur comme leur fille et refusait d’ailleurs qu’elle les appelle « Maman » ou « Papa » et l’ont maltraitée et violentée jusqu’à ses 6 ans environ  ( là où enfin elle a pu être adopté par nos parents actuels). Par ailleurs, les familles toxiques sont partout et les adoptants peuvent parfaitement en faire partie !

Enfin, pour nous, adoptés transraciaux, être adopté ça veut également dire que l’on est devenu une minorité dans notre pays d’accueil quand on ne l’aurait pas été dans notre pays d’origine. Dans notre pays de naissance nous n’aurions pas vécu le racisme, l’oppression ou fait face à des discriminations liées à notre couleur de peau. 

Mais bien souvent nos parents blancs n’ont pas pris conscience de ce fait là et n’ont pas été sensibilisé à la cause antiraciste avant l’adoption. Ils nous perçoivent souvent comme des enfants blancs sans s’intéresser au fait qu’on fait parti des minorités.

Combien de fois ai-je entendu le fameux “ je ne vois pas les couleurs”, “pour moi vous êtes tous pareils”, “c’est comme si vous étiez blancs” ! Ils n’ont souvent pas conscience que notre réalité en grandissant sera différente de la leur et que les privilèges dont ils bénéficient nous ne les auront pas, au mieux nous posséderont un certain white-passing mais ça s’arrêtera là.

Quand j’étais petite, je n’avais pas conscience de cet écart parce que j’étais tout le temps avec mes parents donc je bénéficiais pleinement de leurs privilèges et pour moi le racisme, c’était une chose vraiment lointaine et personne n’en parlait à la maison, ce n’était pas un sujet de discussion. Pendant longtemps je n’ai pas su mettre des mots sur ce que je vivais au sein de ma propre famille. Je ne savais même pas que j’expérimentais une forme plus subtile du racisme car dans mon esprit ça ne pouvait être que des actes explicites comme des insultes etc… Je n’avais jamais entendu parler du racisme ordinaire et des microagressions.

Cela se traduisait donc généralement par des plaisanteries ou des stéréotypes sur les personnes noires. Par exemple, je me souviens d’un jour où ma cousine avait sorti “ je ne me mettrais jamais avec un homme noir , ils sont tous infidèles !”  Et ceci devant mon frère qui est un homme noir justement et qui n’est pas du tout comme ça. Comment était-il censé le prendre ? Et je ne parlerais pas des commentaires sur mes cheveux crépus comme “tu ne t’es pas coiffée aujourd’hui” ( j’avais mis beaucoup temps pour faire mon afro), “ on dirait une sorcière”, “ C’est tes vrais cheveux ?” ou des personnes qui s’amusent à faire un accent dit “africain” et ou encore les mains dans mes cheveux sans même demander. Et je ne mentionnerai pas les généralisations constantes comme “ les personnes de tels origines sont comme ci, les africains ou antillais sont comme ça” Tout cela était justifié par des phrases tels que “ toi, tu n’es pas comme eux “, « Mais tu sais bien que je dis ça pour rire, je suis ta/ton [n’importe quelques membres de la famille], ou encore “ Si j’étais raciste, je ne vous aurais pas adopté”.  Selon eux, puisque qu’ils avaient des membres de la famille qui étaient noirs alors aucun de leurs propos ne pouvaient relever du racisme,  ça  les immunisait. 

Même si j’apprécie ma famille, grandir dans une famille blanche colorblind et qui ne reconnaît pas son privilège blanc, qui n’a jamais pensé que ces remarques et plaisanteries peuvent être racistes, a été assez néfaste pour moi car cela a conduit à de pas m’accepter et à intérioriser le racisme sans même m’en rendre compte. C’est vraiment compliqué de s’aimer et d’avoir une bonne estime de soi quand les personnes de sa couleur de peau sont régulièrement dénigrées et associées à des préjugés et clichés par sa propre famille.

 A chaque fois que j’ai été confronté au racisme peu importe la forme, ça a toujours était compliqué pour en parler à mes parents et j’ai rapidement arrêté d’essayer parce que bien souvent je n’avais pas le soutien espéré.

Pour mes parents, j’en faisais trop, j’étais toujours trop sensible, trop agressive,  trop  dramatique . Selon eux, la solution était simplement tout ignorer. J’ai encore à l’esprit les fois où ma mère m’a sortie “ Moi, je ne vis pas le racisme alors je ne peux rien faire pour toi. Il faut juste que tu apprennes à vivre avec.” , “ces histoires-là, ça je me concerne pas, ce n’est pas mon problème ”, “ Toi tu es noire, alors je comprends que cela puisse te parler mais moi je suis blanche », ou encore “Nous vous avons adoptés alors tu vois nous avons agit contre le racisme, maintenant nous sommes une famille multiculturelle donc un symbole d’antiracisme, nous avons fait notre part ”

Ainsi, arriver à l’âge adulte , c’est donc à nous d’éduquer nos parents blancs et notre famille au racisme que l’on vit, leur expliquer que c’est un vrai problème et qui nous affecte à tout niveau, qu’ils possèdent des privilèges que nous, nous n’avons pas etc….

Mais encore faut-il que le dialogue sur toutes ces choses soit possible et dans une famille qui prétend ne pas voir les couleurs, ça n’est pas chose facile. A chaque fois que j’ai voulu m’exprimer sur le sujet, j’ai été confronté  à leur white fragility c’est à  dire qu’ils se sentent toujours personnellement attaqués et se mettent directement sur la défensive, n’écoutes pas, minimisent tous mes propos ( à titre d’exemples :« oui mais ils n’y  pas que les noirs qui  souffrent », « moi aussi j’ai vécu des choses difficiles et j’en suis pas mort », « tu  dis  vraiment n’importe quoi » ,  « arrêtes de dire des choses aussi  stupides » etc.), et cherchent à stopper au plus vite la discussion. Par exemple, lorsque j’avais voulu expliquer ce que j’avais vécu dans ma scolarité notamment au lycée/ collège, le harcèlement que je subissais lié également au racisme , j’ai eu le droit à “ J’aurais su si t’avais vraiment vécu ça !  Arrête de raconter des histoires,  tu étais très heureuse à cette époque !” . Si je parle du racisme,  des violences policières, de privilège blanc etc.  La réponse est toujours la même « tu nous saoules avec tes histoires de racisme  ! » ou bien mes parents vont chercher à me provoquer sur ça en disant soit quelque chose qu’ils savent surtout mon père, que ça va me toucher et me faire réagir, soit en se moquant de ce que je leur aie dit et en décribilisant tout ce que j’essaie de leur partager. Je ne sais pas s’ils se rendent compte à quel point leur comportement me fait mal et peut-être blessant. J’ai l’impression de parler dans le vide, à des murs. Aujourd’hui j’ai bien compris que le racisme, les problèmes que je vis,  ce sont mes problèmes. Pas les leur et par conséquent, ça ne les intéresse pas, ils ne veulent pas en entendre parler.

C’est ma réalité, pas la leur.

Donc je dirais aux personnes qui élèvent un enfant non-blanc, qu’adopter  » l’aveuglement racial » comme solution au racisme est la pire chose que vous puissiez faire. Ce n’est pas parce que vous ignorez quelque chose que ça n’arrive pas. Votre enfant va devoir gérer ce racisme et ces microagressions d’un côté et il ne comprendra ce qu’il se passe exactement parce que vous ne lui aurez pas appris à faire face à cela. Il se retrouve donc seul parce vous lui avez fait comprendre que vous ne voyez pas les couleurs et par là, la réalité dans laquelle il vit en tant que personne racisée. C’est pourquoi beaucoup d’adoptés transraciaux ne disent plus rien à leur parent, ne se confient pas à eux. On finit par garder tout pour nous, le racisme que l’on vit et les problèmes liés à l’adoption.

En tant que parents d’un adopté transracial, vous ne devez pas seulement voir les couleurs, les différences qui font partie de la diversité, ou avoir conscience que le racisme existe dans un coin de votre tête mais devenir un allié pour votre enfant,  vous devez être ouvert au dialogue sur les questions raciales, vous devez combattre le racisme. C’est à dire que vous devez participer activement à la lutte contre l’injustice raciale. Ce n’est pas à votre enfant de vous éduquer sur ces questions,  ça ne marchera pas, mais à vous de faire des recherches sur la question, de vous informer sur ce que vous ne vivez pas ( racisme, oppression etc.). Prenez conscience que vous faites partis de la majorité et par là des personnes blanches. Donc que vous bénéficiez de privilèges que votre enfant n’aura pas. Vous ne pourrez donc pas protéger votre enfant contre le traitement que le monde lui réservera. Une fois les pieds hors de la maison. Il ne sera pas vu comme un adopté ayant une famille blanche mais comme une personne noire lambda.

Une autre chose est que lorsqu’on parle de l’adoption internationale, personne ne pense au déracinement que la personne a vécu, au traumatisme que c’est d’avoir été séparé de sa famille biologique, de sa culture et de l’environnement auquel nous étions habitués. On ne s’intéresse généralement pas aux conséquences que ça peut avoir pour un enfant en bas âge, un bébé qui ne peut pas comprendre ce qui lui arrive, qui ne connaissait que sa mère et qui tout d’un coup est confié à des étrangers à l’autre bout du monde où tout est différent de chez lui. L’environnement devient d’un coup totalement différent pour lui. On ne pense pas au choc immense que c’est,  un choc sur tous les plans et on s’imagine que tout ça ne devrait avoir aucune conséquence sur ce petit-être, qu’il peut être déplacé et échangé d’une personne à l’autre s’en être affecté. Pourtant les études scientifiques, psychologiques témoignent bien des effets dévastateurs que ça peut entraîner. 

 L’adoption a un coût psychologique et émotionnelle et mentale énorme sur les individus qui reste malheureusement complètement nié par la société à l’heure actuelle.

Donc, nous autres adoptés, on finit par devoir faire face à nos problèmes seul ( dépression , anxiété, solitude, isolement, crises d’identité, problèmes relationnels etc. ) et on souffre en silence. 

Mes parents n’ont malheureusement pas été ouvert aux discussions sur l’injustice raciale mais aussi sur le sujet de l’adoption. Pour eux, je ne devais pas m’y attarder et simplement le voir comme la meilleure chose qui me soit arrivé. Même si j’aime mes parents et que ma vie semble super aujourd’hui, j’aurais largement préféré ne pas avoir été adopté, ne pas avoir été déraciné de mon pays, de ma culture. Ne pas avoir à vivre avec ce traumatisme reconnu de personne que je dois gérer seule, sans soutien. Ne pas avoir à vivre en tant que minorité. Ne pas avoir à vivre de racisme. Ne pas avoir ces crises d’identités, ses sentiments de manque,  de vide.  Ne pas avoir été séparé de ma famille biologique. Ne pas avoir à me voir rappeler constamment combien je devrais être reconnaissante et heureuse.

Pour moi, le déracinement et l’adoption m’a fait perdre une partie de moi, de mon identité véritable. J’ai grandi en ne me sentant jamais à ma place, toujours de trop même si personne ne me le disait. J’ai grandi en me sentant toujours incomprise, isolée et seule. J’ai grandi en ayant des amis qui comprenaient pas mes réactions, mes émotions, mon comportement et qui m’ont toujours laissé tomber par incompréhension parce j’ai toujours eu l’air d’aller bien à l’extérieur. Ils ne pouvaient pas voir qu’être adopté, ça voulait aussi dire avoir vécu un traumatisme et un déracinement dévastateur. C’est avoir perdu mes parents au moment où tout personne en a le plus besoin. C’est naviguer dans un maelstrom d’émotions compliquées et douloureux.

Voilà pourquoi, pour moi, la résilience, ce n’est pas se reconstruire mais c’est donner l’impression d’aller bien quand on a été détruit de l’intérieur.

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témoignages

#3 Je suis née en Roumanie, adoptée à six ans et demi par un couple français avec mon petit frère biologique.

Belonging/l’appartenance (29/04)

Comment raconter mon expérience ? 

Je suis née en Roumanie, adoptée à six ans et demi par un couple français avec mon petit frère biologique. 

Je ne parlais pas français en arrivant, et, puisqu’on était arrivés en cours d’année scolaire, il a fallu me faire faire quelques mois de grande section de maternelle. À cause de ça, j’ai été en décalage permanent au niveau des classes, comme si j’avais redoublé. Il a fallu cacher et justifier, déjà sur ça. J’étais scandalisée qu’on puisse penser que j’avais redoublé, alors que j’étais première de la classe. J’ai appris le français en deux mois, et j’avais 18 de moyenne de CE1. J’en veux à mes parents de ne pas avoir demandé à l’école de me faire sauter une classe. J’aurais pu déjà regagner un peu de « normalité » sur ça.

Les gens disaient souvent que je ressemblais à ma mère, ou à mon père, qu’il y avait un « air de famille ». Comme quoi, la perception des gens est biaisée : pour eux, une famille, c’est forcément des aspects physiques communs. Mais même moi, je me retrouve souvent à chercher les ressemblances entre parents, enfants, frères, sœurs d’une même famille biologique, avec une pointe d’amertume quand j’en trouve. Parce que dans mon cas, c’est de la poudre aux yeux.

Sur ma « vie d’avant », je n’ai que quelques vagues informations, dont certaines ont été découvertes seulement récemment. Mon frère et moi, on a été placés en orphelinat suite à une décision de justice. On y est restés peu de temps, environ un an. Je n’ai presque pas de souvenirs de cette époque, si ce n’est certaines activités manuelles, une berceuse, la peur des chevaux et des chiens, voir mon frère se faire battre la plante des pieds avec une planche parce qu’il faisait pipi au lit. Et à part ça, le néant. Je sais, par contre, que, comme tous les enfants de l’orphelinat, je rêvais d’avoir des parents. J’avais un rôle presque maternel et protecteur vis-à-vis de mon frère, qui n’a pourtant qu’un an de moins que moi. Et je me disais que si et quand on aurait des parents, tout irait bien. Qu’il n’y aurait plus besoin de s’inquiéter. Qu’il y aurait enfin quelqu’un pour s’occuper de nous.

Mais j’ai vite déchanté. Ma mère a découvert que les enfants, c’était énormément de boulot, et elle a assez rapidement baissé les bras avec moi. Je n’ai jamais compris, comment, en étant femme au foyer, elle ne pouvait pas avoir l’envie ou le temps de faire plus de choses avec moi.

Je suis tombée dans une famille extrêmement rigide qui est elle-même un mélange de deux cultures. Grands-parents polonais des deux côtés, les générations suivantes élevées dans une sorte de nostalgie du pays d’origine. Mes grands-parents parlent à peine français. J’ai un nom de famille hongrois que je trouve très laid. Plein de consonnes. La Pologne ne m’inspire pas le moindre intérêt. Pas de nostalgie pour moi, je n’ai rien à voir avec ce pays.

Mes parents ont choisi de nouveaux prénoms, mais ont décidé de laisser notre prénom d’origine en second prénom. Encore quelque chose à justifier. « Ça vient d’où, ce prénom » ? Le nom de la ville de naissance sur la carte d’identité. J’ai une propriétaire qui a vérifié sur Google Maps où ça se trouvait avant d’accepter de me louer une chambre. La mère d’un ex petit-ami qui ne m’a pas crue quand j’ai dit que mes grands-parents étaient d’origine polonaise. « Elle a la peau trop foncée pour être polonaise, elle ment forcément ». Et mon ex de lui balancer toute mon histoire personnelle, qui est pourtant délicate. J’attendais un minimum de tact. 

Je crois que beaucoup de gens qui vivent avec les gens qui les ont mis au monde ne savent pas ce que ça fait de savoir que quelqu’un balance votre histoire comme ça, sans votre accord.

 En tout cas, lui ne s’est pas posé la question.

Et pourtant, en dehors de quelques « tu es italienne / portugaise/ espagnole / grecque, non ?», je n’ai jamais dû faire face à des discriminations. Je n’ai jamais dû faire face à des remarques qui associaient adoption et charité. Parce, dans un sens, le fait que mon histoire ne soit pas « aussi visible » que si j’avais été d’une autre couleur de peau, m’a permis de la cacher plus facilement. Parfois, je me dis que j’ai eu la « chance » de ne pas avoir été obligée par le moindre détail physique, de balancer mon histoire personnelle et intime à des inconnus. Pour les personnes racisées, il y a forcément des difficultés supplémentaires à gérer. Je me souviens d’un vieil oncle au mariage d’une amie (dont la cousine, adoptée au Vietnam, vit à présent avec sa famille belge) : « Tant qu’à adopter un gamin, autant qu’il vous ressemble ». Classe. Bref.

Il paraît que mes parents voulaient un petit garçon de quatre ans, d’Inde (c’est chouette de pouvoir choisir ses critères…not). On en est loin, hein ? Je n’ai jamais été ce qu’ils voulaient, et je n’ai jamais eu le moindre choix. Ils avaient probablement une image précise de ce qu’ils voulaient, et je n’y correspondais pas du tout. J’ai l’impression d’avoir subi le plus gros de ma vie. Sois contente, tu as un toit et de quoi manger. J’ai encore du mal à dire où je suis née. J’estime que ce n’est pas ça qui fait de nous la personne que nous sommes : c’est la culture dans laquelle on a grandi, la ou les langues qu’on parle, l’éducation qu’on a reçue, qui nous façonnent. 

Si je dis « je suis née en Roumanie », il y a tout un tas d’idées préconçues qui viennent à l’esprit des gens. Ils se font une image de moi sans que j’aie pu rien dire, sans prendre la peine de me connaître. Ça va des préjugés négatifs sur les Roumains (confondus avec les personnes Roms, Tziganes, gens du voyage, comme si toutes ces cultures pouvaient être mises dans le même sac, comme si elles n’étaient pas le fruit d’une histoire distincte dans différentes régions du monde et comme s’il y avait quelque chose de négatif dans le fait d’appartenir à ces cultures), voleurs, arnaqueur pauvres, aux préjugés positifs (une prof de fac m’a dit une fois : « on a des étudiantes roumaines ici, elles sont excellentes », ou des remarques sur les gymnastes championnes aux JO). 

Sauf que, je ne suis ni roumaine, ni gymnaste, ni championne olympique. J’ai grandi en France, la France est mon pays. 

Quand on est adopté, on doit constamment se justifier. En tout cas, c’est comme ça que je le vis. Comme si le fait d’avoir quelque chose de différent (qui est plus ou moins « flagrant ») donnait au premier quidam venu le droit d’obtenir de vous que vous lui racontiez votre histoire dans les moindres détails. Tout ce que j’ai toujours voulu, c’était avoir une histoire banale, une vie banale. Ne pas devoir expliquer, ne pas devoir me justifier, ne pas avoir affaire à la connerie des gens. Être avec les gens qui m’ont fait naître, m’entendre dire que j’ai le nez de l’arrière-grand-mère ou que je suis têtue comme l’oncle maternel. Que je dormais déjà comme un loir quand j’étais bébé, et tiens, ça, c’était ton doudou préféré.

J’ai envie de vomir quand j’entends que les enfants adoptés ont de la chance, qu’ils ont été « sauvés », en quelque sorte. De la faim et de la misère, peut-être. Et ensuite ?

Je n’en ai pas moins l’impression d’avoir été un second choix. Faute de mieux. Tout le monde veut « son propre bébé » (ma mère m’a dit ça une fois). Un enfant issu de sa chair, qui lui ressemble. Et quand on ne peut pas, après avoir essayé, fait des tests de fertilité, on en vient à ce plan B. Je suis un plan B. Je ne suis pas un premier choix. Je suis là parce que des gens ont voulu « faire comme tout le monde ». Une maison avec jardin, deux enfants : un garçon, une fille.

J’ai toujours eu l’impression qu’on essayait de me faire rentrer dans une case. De me faire être ce que je n’étais pas. Et d’être quand même bien tombée dans une famille de merde. Qui a eu le choix, alors que moi, non. Père médecin, mère femme au foyer qui a donc le temps de s’occuper des enfants. Ça vend du rêve, comme ça, sur le papier.

Mais très vite, en arrivant, « les enfants, ça doit obéir ». Je ne voyais jamais mon père, et quand il nous accordait un peu de temps, c’était pour nous gronder quand on avait fait des bêtises. Je me souviens que mon frère suppliait ma mère, en pleurs, de « rien dire à Papa » quand il en avait fait une. Elle a fini par arrêter. Comment tu peux menacer de cette façon un enfant alors que tu sais ce qui lui est arrivé avant ? Aucune affection, pas de jeux ou d’échanges positifs avec lui. Je croyais qu’il me méprisait, qu’il me détestait, quand j’étais petite, comme si j’étais juste un petit être agaçant qui refusait de disparaître. Qu’il avait des choses bien plus importantes que moi à penser.

Mon frère faisait pipi au lit, qu’il avait de gros troubles d’apprentissage et du comportement. Mes parents ont trouvé des écoles spécialisées, des pédopsychiatres, des orthophonistes, et je devais venir à une partie des rdvs alors que ça ne me concernait pas.

Alors moi, il valait mieux que j’en « rajoute pas ». Que je ne fasse pas de vagues. Je me disais que je ne devais pas être un fardeau supplémentaire. J’ai très vite compris que dans cette nouvelle maison, dans cette nouvelle famille, je n’avais pas d’alliés. Que les adultes se soutiendraient toujours entre eux, et qu’en tant qu’enfant, je n’étais rien. Que je n’avais pas mon mot à dire. Qu’il fallait que je m’en sorte, que je continue à me battre, toute seule, comme d’hab. Et que donc, si je m’en sortais, ce serait grâce à moi, et à moi seule. Que je ne pouvais compter que sur moi. Et que c’est l’école qui me sauverait, que c’est grâce à ça que je me construirais un avenir. Alors j’ai tout donné à l’école. En plus, les profs m’adoraient, et j’avais la reconnaissance et la fierté que je n’avais pas à la maison. J’ai compris que les adultes n’avaient rien compris, qu’ils n’étaient pas forcément plus avancés que les enfants ; simplement qu’ils étaient plus forts parce qu’ils vivaient dans un monde fait pour et par eux.

Quand on n’« était pas sages », ma mère nous menaçait de « nous laisser en pension chez mon oncle et ma tante ». Son frère et sa belle-sœur. Moi, je comprenais « de nous abandonner encore une fois ». On peut se débarrasser de vous si vous ne remplissez pas votre part du contrat, en gros. Mon oncle et ma tante, je les ai détestés très vite. Et ma grand-mère maternelle aussi. Ma mère m’en a toujours voulu à cause de ça.

J’ai l’impression que l’essentiel de ce qui m’est arrivé a été décidé par rapport à quelqu’un d’autre. Le déménagement dans une autre région, un second déracinement. Quand mon frère a terminé l’école primaire, parce que ce serait moins traumatisant pour lui. Le collège catholique où j’ai été harcelée pendant toute la première année parce qu’il y avait une classe spécialisée pour mon frère. Et lui, qui disait qu’il avait été adopté sans complexes, et sans se dire que ça avait des répercussions sur moi, puisqu’on a le même nom de famille. 

J’ai pu commencer à prendre le contrôle à partir du lycée. Ne plus vivre ma vie par procuration, ne plus avoir à gérer des décisions qui n’avaient pas été prises pour moi. Arrêter d’être un fétu de paille emporté par le courant. Et plus je décidais de ma vie, et plus ma mère est devenue invivable.

J’ai une cousine, la fille de ces fameux oncle et tante cités plus haut, adoptée, elle aussi. Elle m’en a parlé, une fois : sa mère biologique avait eu plusieurs enfants, dont un frère qui « avait des problèmes » (elle n’a pas donné plus de précisions) mais ses parents de maintenant ne voulaient pas gérer un « enfant compliqué. » Donc un seul enfant. Avec des parents à la retraite et infects sur son dos en permanence. Elle m’a cité les critères de sélection qu’elle avait lus dans son dossier d’adoption. « Pas de sida », telle et telle couleur de cheveux, tel âge etc. C’est dégueulasse, que les parents aient le droit de choisir. Sur catalogue, avec des photos. Cet oncle et cette tante (comme mes parents), c’est des gens qui n’auraient jamais dû avoir d’enfants. C’est probablement les gens les plus cons que je connaisse.

Mais bref, pour moi, être adoptée, c’est n’appartenir véritablement à aucune famille, à aucun pays, ne pas avoir de place.

Devoir tout justifier, tout le temps. Être un plan B, et donc, la priorité de personne. C’est ne rien savoir de sa naissance et des premières années de sa vie. De ses antécédents médicaux (chez le médecin «il n’y a pas de vaccins avant telle année ? Pourquoi ? » ; chez l’orthoptiste « ah, mais votre problème, je ne peux rien y faire, il aurait fallu vous faire commencer toute petite. Vous avez un père médecin, et il n’y a pas pensé avant ? » Ben si, mais… ) Un flou immense, le noir complet. C’est l’impression de ne pas avoir de passé et de devoir construire sur quelque chose d’instable et de branlant. C’est avoir désespérément besoin de garanties, et de fiabilité. Et c’est normalement la famille qui apporte ça. C’est ce socle immuable qui a toujours été là, et qui le sera toujours. Mais bon, je suis obligée de faire sans.

Quand mon compagnon a eu une petite nièce et qu’on a commencé à avoir des photos, pendant les réunions de famille, j’étais bien sûr très heureuse pour eux, mais aussi infiniment triste. Parce que je n’ai probablement pas été voulue, parce que je n’aurai jamais les photos, les souvenirs (jouets, doudous), les histoires.

 Et encore, finalement, je n’ai passé « qu’un an », dans un orphelinat. Je n’ai pas passé l’essentiel de ma vie à être trimballée de famille d’accueil en famille d’accueil comme certains enfants. J’ai eu des figures bienveillantes autour de moi. Pas mes parents, mais j’en ai eu quand même. 

Mes parents, au lieu de m’aider et de me soutenir, ont été un facteur d’instabilité supplémentaire dans une vie qui en manquait clairement. Ils ont toujours été toxiques, et j’ai coupé les ponts avec eux. Je n’ai plus de contacts avec mon frère, avec qui je ne partage plus rien depuis qu’on est ados.

Après une vie passée à subir ce qui m’arrivait parce que c’était des choix faits pour et par d’autres, j’ai décidé de choisir de qui je m’entourais. J’estime que mes parents (ceux qui m’ont élevée), sont des parents administratifs. On partage un carnet de famille, un nom, des années obligée de vivre sous leur toit.

Je ne ressens pas le besoin, personnellement, de retrouver mes parents biologiques. J’aurais bien aimé savoir si j’avais d’autres frères et sœurs, par contre. J’aurais tellement aimé avoir une sœur. Je suis incroyablement révoltée contre les gens qui estiment que les femmes ne devraient pas avoir le droit de disposer librement de leur corps, qui estiment qu’elles doivent mener à terme toute grossesse entamée, puis élever un enfant qu’elles n’ont pas voulu ou ne pouvaient pas avoir, pour tout un tas de raison. Parce que « proposer » des enfants à l’adoption, ce n’est pas une solution féérique. C’est avant tout beaucoup de traumatismes. 

Pour cette femme (physiquement et mentalement), pour le ou les enfant(s) qu’elle a mis au monde. C’est énormément de souffrances, d’instabilité, de peur. Parce qu’il ne devrait pas y avoir d’enfants abandonnés ou maltraités par leur famille, parce que la société est incapable de s’occuper dignement de tous ceux qui n’en ont pas.

 Tout le monde n’est pas fait pour avoir des enfants, tout le monde n’en veut pas, et même ceux qui en veulent ne sont pas toujours capables de s’en occuper correctement. D’après moi, mettre un enfant au monde, ne fait pas de quelqu’un un parent. C’est tout le boulot qui suit, qui fait qu’on est parents.

Je suis un peu dubitative quand j’entends parler d’adoption « conte de fée ». Probablement parce que je regarde tout ça à la lumière de ce que j’ai vécu. Mais s’il y a des gens qui ont une expérience positive et qui sont fiers de leur histoire, je suis très heureuse et soulagée pour eux. 

Je suis malgré tout fière de mon parcours. J’ai rencontré quelqu’un de formidable qui n’a jamais émis le moindre jugement et qui m’a toujours soutenue. Qui m’a apporté et continue à m’apporter toute la stabilité dont j’ai désespérément eu besoin toute ma vie. C’est grâce à ça que j’ai pu grandir, avancer, et commencer doucement à accepter mon histoire pour continuer à construire la suite moi-même, sans subir.

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témoignages

#2 Parfois j’ai l’impression d’avoir vécu tellement de vie mais je sais que d’autres histoires sont aussi difficiles voir plus que la mienne.

Je suis née sous x à Paris en 1977. Je n’ai jamais vraiment été acceptée par les personnes qui m’ont adopté ils ont d’ailleurs gâché la vie des 3 enfants qu’ils ont adoptés . Ils ont également fait beaucoup de mal dans leur propre famille . Je peux donc dire que ce n’étaient pas de bons parents ni de bons enfants . Après plusieurs années à subir leur alcoolisme et leur maltraitance ( surtout psychologique) j’ai été placé en foyer avec ma petite sœur ,à ma demande et sur décision du juge des enfants après enquête. Nous avons vécu dans la rue nous avons dû nous adapter à nos nouvelles vies mais ma sœur n’a hélas pas survécu à cette vie et est décédée à l’âge de 33 ans . Ils n’ont même pas pris la peine de s’occuper de son décès et ont dû organiser ses obsèques par obligation !! Bref parfois j’ai l’impression d’avoir vécu tellement de vie mais je sais que d’autres histoires sont aussi difficiles voir plus que la mienne .

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Récits de personnes adoptées témoignages

#1 Encore une fois l’adoption n’a rien à voir et je ne me suis jamais dit « si jamais j’avais été adoptée par une autre famille »… c’est comme ça et je veux tout faire pour aller mieux.

Je viens de Madagascar et j’ai été adoptée très jeune. J’ai toujours considéré mes parents adoptifs comme mes vrais parents et par conséquent je me suis toujours dit qu’ils m’énervaient en tant que parents et pas comme des individus qui m’avaient pris d’un orphelinat. Ma mère donc, est plus que toxique avec moi : elle m’interdisait de porter des jupes en primaire/collège/lycée sous prétexte que ça sert à aguicher les garçons; elle m’espionnait derrière le grillage en primaire quand je jouais avec des garçons et soutenait qu’ils m’avaient attouchée (oui, elle réussissait à se convaincre que j’étais harcelée ce que je me suis mise à croire aussi alors que les amis garçons ça existe tout à fait); elle n’a jamais cessé de me comparer à la fille adoptée qui s’était selon les termes de ma chère mère « faite passer dessus par tout sauf un camion » et était sure que j’étais une « pute » en quatrième. Bref, elle était intrusive et voulait à tout prix tester ma virginité comme si ça la concernait (je n’ai jamais eu de rapport sexuel avec pénétration). Le plus dur c’était qu’elle me faisait culpabiliser de parler à des garçons ou même de m’en approcher. J’avais à chaque fois l’impression de les « aguicher » et j’étais gênée. Au lycée j’ai enfin réussi à me détacher d’elle et j’ai trouvé le compte de Parents Toxiques qui m’a énormément aidée à comprendre pourquoi elle faisait ça, comment m’en sortir et pourquoi ma sœur (adoptée également) ne percevait pas ma mère de la même façon (elles sont très proches malgré quelques disputes). Mon père lui est comme un pilier mais il devient peu à peu comme ma mère. Il la soutient dans ses accès de folie sous prétexte qu’elle en a besoin. Quand elle m’insulte, me crache dessus et lève la main sur moi il fait office de plante verte et s’isole de la situation comme si de rien n’était. Je ne lui en veux pas mais c’est dur parfois. Je souhaite m’éloigner de ma mère dès que je commence mes études l’année prochaine dans la capitale. J’ai envie de couper les ponts mais financièrement ça sera compliqué et surtout je sais qu’elle va retourner tout le monde (famille et quelques amis qui voudront bien l’entendre) contre moi au final. Je sais que leur jugement m’importe peu car ils n’ont pas vécu ce que j’ai vécu toute mon enfance et adolescence, même s’ils pensent le savoir. Mais ça sera dur de voir à quel point les gens voient ce qu’ils veulent bien voir. Donc pour l’instant m’éloigner géographiquement me suffit et je sais qu’à un moment je ne l’appellerai plus. Car je ne l’aime pas et c’est comme ça, je n’émets plus de regret : ce qu’elle m’a fait m’a brisée et a fait de ma vie un enfer. Je comprends que d’autres personnes ont vécu de choses bien pires et je suis vraiment désolée pour elles car personne ne mérite de vivre sous l’emprise d’un parent toxique. Mais ma mère m’a manipulée et a gâché mon adolescence et en ce sens je ne peux plus la supporter. Encore une fois l’adoption n’a rien à voir et je ne me suis jamais dit « si jamais j’avais été adoptée par une autre famille »… c’est comme ça et je veux tout faire pour aller mieux. Et si je dois sacrifier une partie de ma famille qui ne veux pas entendre ma souffrance c’est dommage mais je me dois d’avancer pour la petite fille qui pleurait tous les soirs et qui a grandi en pensant qu’elle était une « pute » (au sens de ma mère : une fille qui veut coucher avec tout le monde ce qui pour elle est très mal). Enfin, voilà mon témoignage. J’aimerai terminer sur une note positive et optimiste: nous n’avons pas tous la même manière de gérer les problèmes de relations et devenir distante face au problème n’est pas une solution qui convient à tous. Mais on peut s’en sortir et c’est normal d’avoir plein de ressentis différents à l’égard d’une personne. On a le droit et personne ne devrait nous en empêcher. Un jour ça ira mieux c’est certains.