Catégories
Récits de personnes adoptées témoignages

#7 Aujourd’hui la seule chose qui a changé dans ma vie c’est d’avoir quatre parents, et d’être pleinement heureuse dans ma double identité Franco-Colombienne.

Adoptée de Colombie, je souhaite partager mon expérience, sur les bons moments et aussi les moments de détresse, de racisme.

Je suis née à 2600 mètres d’altitude dans les montagnes, d’un couple qui ne pouvait pas m’accueillir au sein de leur cellule familiale. Et je me suis donc retrouvée en pouponnière jusqu’à mes 2 mois et demi, avant que ma famille adoptive ne vienne me chercher. Et cet autre couple, dès notre première rencontre, je leur en fait voir de toutes les couleurs.

Je ne m’alimentais pas suffisamment, en trois jours je n’avais vu qu’un biberon, et ma mère adoptive était désespérée. Un soir pour sortir entre couples adoptants, une nourrice de l’orphelinat est venue s’occuper de nous. Ma mère a expliqué la situation, la nourrice a répondu que je les testais déjà, et qu’il fallait me réveiller plus pour me nourrir. En effet, un bébé tout comme un enfant apprivoise un parent, ce n’est pas plus facile, ce petit être a vécu un traumatisme, et seul le temps le guérira. Cela a été la première expérience de ma mère adoptive avec ce que ressentait un enfant adopté.

Puis, la famille s’est agrandie, une deuxième petite sœur, et nous nous sommes construits.Nous étions dans la campagne profonde d’une France rurale, et dans la rue nous avions eu la chance d’avoir une famille franco-sri-lankaise qui apportait un peu de couleur dans ce paysage. Car oui l’adoption c’est aussi un déracinement de sa culture d’origine. Et même du haut de quelques années, on comprend vite qu’on n’a pas la même couleur que nos parents adoptifs. Mais surtout que dans les années 2000 il y avait un manque crucial de représentations des minorités. Donc nous avons grandi avec Dora, les mystérieuses cités d’or, et avec un contact limité de la Colombie, ce qui s’est révélé dur dans l’absolu, où les liens avec la Colombie étaient rompus. De plus, nous avons mesuré ce manque de représentation, lorsqu’une petite cousine dans la famille de notre père avait fait une remarque à ma mère. En effet, la petite était contente d’avoir enfin dans la famille des petites cousines qui seraient de couleur avec des peaux dorées. C’est là que ma mère adoptive a compris, que cette petite cousine métisse, qui grandissait dans notre famille blanche, elle n’avait pas eu d’autre personne de la même couleur qu’elle. Une autre fois encore plus surprenante c’est à un de mes anniversaires que j’ai demandé à mes parents, sans grande explication que je souhaitais un poupon « noir » car je voulais un jouet qui ait de la couleur. Mes parents avaient remué ciel et terre pour en avoir un pour cet anniversaire.

Une nouvelle fois mes parents avaient mesuré l’impact de vivre dans un monde où les minorités devaient trouver leur place dès le plus jeune âge.

Maintenant la période de l’entrée à l’école, là aussi sur un ton humoristique, en maternelle une petite fille m’avait montré du doigt à sa mère « eh maman regarde la petite noire ». Cette anecdote je ne m’en souviens pas, c’est ma mère adoptive choquée qui me l’a racontée. En classe de primaire je me suis prise une nouvelle fois une claque (de façon métaphorique), mais je m’en rappellerai toute ma vie. J’étais avec mes copines, et d’un coup comme ça pour les enfants on ne sait pas pourquoi, elles avaient décrété que je n’étais pas Française, et que je DEVAIS AVOIR des photos de ma mère biologique. Pendant au moins quelques jours, elles me le rabâchaient en boucle, sauf qu’à un moment j’ai craqué et j’en ai parlé à ma mère adoptive, car cela me blessait énormément, surtout de remettre en cause ma nationalité. Mais c’est aussi à ce moment-là quand ma mère adoptive est venue aborder le sujet avec mes copines à ma sortie des classes, pour ma mère biologique. Elle leur a certifié que non elle n’avait aucune photo de ma mère biologique, et que j’aurais le droit de les voir à l’âge adulte .

À ce moment-là précis, je comprenais que je n’étais pas seule que j’avais d’autres racines ailleurs, et qu’une seconde maman m’attendait quelque part. 

Pour le collège et le lycée, là où les adolescents prennent leurs marques il est difficile de faire face à cette situation d’adoptée. Souvent j’esquivais le sujet, comme ça personne ne me prenait la tête, malgré que beaucoup de copains d’école savaient, personne ne racontait la vie des autres. Mais ce sont les remarques racistes dont j’ai été victime qui m’ont profondément blessé. En l’occurrence les adolescents en tant que Colombienne, me reprochaient beaucoup de choses que je juge aujourd’hui racistes. D’une part, je devais sûrement vendre de la cocaïne, que j’étais la fille cachée de Pablo Escobar, et que je devais être une terroriste car je faisais partie des FARC. Drôles de stéréotypes sur ma nationalité, mais qui sont restés jusqu’à mon lycée. Au bout d’un moment j’en ai eu marre de me justifier, surtout qu’entre-temps j’étais retournée chez moi en Colombie. Et tous les stéréotypes n’étaient plus d’actualité, donc en découvrant ma culture j’ai réussi à affronter tout ce « racisme ordinaire » qu’on minimise, que les parents adoptifs disent de répondre par le silence. Mais on ne peut pas rester silencieux face à cet afflux de haine, de stéréotypes et de xénophobie. Et non ce n’est pas parce qu’on est Colombienne qu’on sait danser la salsa, ou parler espagnol couramment. Et ça les gens sont parfois trop curieux, et je ne pouvais que me renfermer dans un certain type de personne, l’adoptée qui était là française chez ses parents. Et une fois le portail franchit, je devenais une Colombienne qui parlait à ses camarades latinos en espagnol, même en cours de sport. Découvrir d’autres personnes Colombiennes au sein de mon lycée m’a doublement aidé, puisque pour la première fois de ma vie je n’étais pas seule. D’une certaine façon, j’ai éprouvé le sentiment d’être deux personnes, et surtout qu’il y avait une charge raciale, cette façon de se conformer à un certain type en fonction de la population, que les personnes transraciales vive.

Maintenant, je peux aborder la question des origines.

Il est vrai que mes parents adoptifs nous ont ramené en Colombie, alors même qu’ils étaient divorcés, pour nous faire connaître notre culture, surtout à nous qui le demandions depuis des années. Et nous sommes partis quelques dizaines de jours, on s’est familiarisé très vite avec notre culture. Sans compter que nous étions plusieurs adoptés qui avaient fait le voyage pour l’anniversaire de l’orphelinat.

Et que ça faisait du bien, enfin je me sentais chez-moi, cette première expérience m’a conforté dans mon esprit que j’avais depuis toute petite, je n’étais pas que FRANÇAISE mais que j’étais bien COLOMBIENNE.

Ici j’ai renoué avec ma culture, réappris la langue du pays, et constaté que je n’avais jamais été aussi heureuse d’être dans un endroit.  La première année de cours d’espagnol avait été dure, puisque je me confrontais à ma culture, mais je n’était tellement pas bien, que la seule façon d’évacuer mes angoisses était de me scarifier. La prof d’espagnol avait expliqué à mon père, que mon refus de parler espagnol provenait du fait que cela remontait des choses inexpliquées, mais des souvenirs douloureux avec sûrement ma mère biologique. Mais mes parents ont tout de suite vu le problème, et avec ce voyage j’avais pu avoir une partie de mes réponses.

Mais, après ce voyage une question restait en suspens, où est ma mère biologique dans tout ça ? Si jamais je ne la croisais et qu’elle ne me reconnaissait pas.  Je n’oubliais pas que j’avais une autre maman, et surtout un autre papa. Ma mère adoptive (qui avait eu l’occasion de voir les photos de mes parents biologiques lors de mon adoption.), m’avait sorti une fois une phrase qui était restée dans ma tête. Vers l’âge de 15 ans elle m’a dit que plus je grandissais, plus je ressemblais à mon père biologique. Allez hop deuxième coup au moral, je me suis rendue compte que je ne voulais pas grandir plus longtemps sans savoir. Le jour des 18 ans est venu est beaucoup de mes amis l’attendaient car ils allaient passer leurs permis, boire, etc… Mais pour un enfant adopté qui devient adulte adopté, c’est toute autre chose on nous permettait pour la première fois dans nos vies, de prendre le contrôle et de voir notre dossier.

Pour des raisons personnelles je ne l’ai fait qu’un an après, par le hasard sur Facebook, j’ai trouvé un profil correspondant à l’un de mes frères, j’étais déçue il ne me ressemblait pas. Et à travers son profil j’ai découvert une photo de lui dans les bras d’une femme. Par miracle je l’ai reconnue, ma mère biologique, elle avait enfin un visage, elle était trop belle. Ensuite j’ai renoué contact avec elle, puis avec mon père et le reste de ma fratrie. Certains parents adoptifs qui me connaissaient depuis toute petite, ne comprenaient pas ma démarche. J’étais là première à l’expérimenter dans notre entourage, il a fallu faire preuve de pédagogie, d’ouverture d’esprit pour leur faire comprendre que non je n’avais pas que deux parents, j’en avais quatre. Ce n’est pas la même relation qu’on a ensemble, mais c’est ce que je souhaitais revoir et comprendre toute mon histoire à travers mes parents biologiques. Pour ainsi être totalement libre de cette histoire d’adoption, et surtout que je ne souhaitais pas que toutes ces questions reviennent sans prévenir, au moment où je donnerais la vie à mon tour.

Aujourd’hui la seule chose qui a changé dans ma vie c’est d’avoir quatre parents, et d’être pleinement heureuse dans ma double identité Franco-Colombienne.

Je viens témoigner aussi surtout rassurer les parents adoptifs aussi, ce n’est pas parce que l’on fait cette démarche qu’on ne vous aime plus, mais qu’on a besoin de se construire. Vos anciens enfants qui sont devenus adultes, sont capables de se construire par le lien biologique aussi, mais n’oublient pas le lien adoptif.

Publicité
Catégories
témoignages

#4 Pour moi, être adoptée, c’est donner l’apparence de.

undefined

Pour moi, être adoptée, c’est donner l’apparence de.

Être adoptée dans un pays occidental est généralement perçu comme positif. Chacun pense que nous, les adoptés nous avons tout reçu : une bonne famille, une bonne éducation, une situation matérielle meilleure que celle qui semblait se dessinait à l’origine pour nous. Que forcément tout va toujours aller dans le bon sens. Mais j’aimerais dire que ce n’est pas toujours le cas et l’adoption ou être adopté n’est pas une garantie de réussite et d’épanouissement.

 D’abord, parce que les familles qui adoptent ne sont pas toutes de bonnes familles. Ma sœur, par exemple, a été adopté deux fois parce que la première famille dans laquelle elle est tombé (le couple) n’avait pas fait le deuil de leur premier enfant qui avait été tué par leur voisin. Ils n’ont donc jamais considéré ma sœur comme leur fille et refusait d’ailleurs qu’elle les appelle « Maman » ou « Papa » et l’ont maltraitée et violentée jusqu’à ses 6 ans environ  ( là où enfin elle a pu être adopté par nos parents actuels). Par ailleurs, les familles toxiques sont partout et les adoptants peuvent parfaitement en faire partie !

Enfin, pour nous, adoptés transraciaux, être adopté ça veut également dire que l’on est devenu une minorité dans notre pays d’accueil quand on ne l’aurait pas été dans notre pays d’origine. Dans notre pays de naissance nous n’aurions pas vécu le racisme, l’oppression ou fait face à des discriminations liées à notre couleur de peau. 

Mais bien souvent nos parents blancs n’ont pas pris conscience de ce fait là et n’ont pas été sensibilisé à la cause antiraciste avant l’adoption. Ils nous perçoivent souvent comme des enfants blancs sans s’intéresser au fait qu’on fait parti des minorités.

Combien de fois ai-je entendu le fameux “ je ne vois pas les couleurs”, “pour moi vous êtes tous pareils”, “c’est comme si vous étiez blancs” ! Ils n’ont souvent pas conscience que notre réalité en grandissant sera différente de la leur et que les privilèges dont ils bénéficient nous ne les auront pas, au mieux nous posséderont un certain white-passing mais ça s’arrêtera là.

Quand j’étais petite, je n’avais pas conscience de cet écart parce que j’étais tout le temps avec mes parents donc je bénéficiais pleinement de leurs privilèges et pour moi le racisme, c’était une chose vraiment lointaine et personne n’en parlait à la maison, ce n’était pas un sujet de discussion. Pendant longtemps je n’ai pas su mettre des mots sur ce que je vivais au sein de ma propre famille. Je ne savais même pas que j’expérimentais une forme plus subtile du racisme car dans mon esprit ça ne pouvait être que des actes explicites comme des insultes etc… Je n’avais jamais entendu parler du racisme ordinaire et des microagressions.

Cela se traduisait donc généralement par des plaisanteries ou des stéréotypes sur les personnes noires. Par exemple, je me souviens d’un jour où ma cousine avait sorti “ je ne me mettrais jamais avec un homme noir , ils sont tous infidèles !”  Et ceci devant mon frère qui est un homme noir justement et qui n’est pas du tout comme ça. Comment était-il censé le prendre ? Et je ne parlerais pas des commentaires sur mes cheveux crépus comme “tu ne t’es pas coiffée aujourd’hui” ( j’avais mis beaucoup temps pour faire mon afro), “ on dirait une sorcière”, “ C’est tes vrais cheveux ?” ou des personnes qui s’amusent à faire un accent dit “africain” et ou encore les mains dans mes cheveux sans même demander. Et je ne mentionnerai pas les généralisations constantes comme “ les personnes de tels origines sont comme ci, les africains ou antillais sont comme ça” Tout cela était justifié par des phrases tels que “ toi, tu n’es pas comme eux “, « Mais tu sais bien que je dis ça pour rire, je suis ta/ton [n’importe quelques membres de la famille], ou encore “ Si j’étais raciste, je ne vous aurais pas adopté”.  Selon eux, puisque qu’ils avaient des membres de la famille qui étaient noirs alors aucun de leurs propos ne pouvaient relever du racisme,  ça  les immunisait. 

Même si j’apprécie ma famille, grandir dans une famille blanche colorblind et qui ne reconnaît pas son privilège blanc, qui n’a jamais pensé que ces remarques et plaisanteries peuvent être racistes, a été assez néfaste pour moi car cela a conduit à de pas m’accepter et à intérioriser le racisme sans même m’en rendre compte. C’est vraiment compliqué de s’aimer et d’avoir une bonne estime de soi quand les personnes de sa couleur de peau sont régulièrement dénigrées et associées à des préjugés et clichés par sa propre famille.

 A chaque fois que j’ai été confronté au racisme peu importe la forme, ça a toujours était compliqué pour en parler à mes parents et j’ai rapidement arrêté d’essayer parce que bien souvent je n’avais pas le soutien espéré.

Pour mes parents, j’en faisais trop, j’étais toujours trop sensible, trop agressive,  trop  dramatique . Selon eux, la solution était simplement tout ignorer. J’ai encore à l’esprit les fois où ma mère m’a sortie “ Moi, je ne vis pas le racisme alors je ne peux rien faire pour toi. Il faut juste que tu apprennes à vivre avec.” , “ces histoires-là, ça je me concerne pas, ce n’est pas mon problème ”, “ Toi tu es noire, alors je comprends que cela puisse te parler mais moi je suis blanche », ou encore “Nous vous avons adoptés alors tu vois nous avons agit contre le racisme, maintenant nous sommes une famille multiculturelle donc un symbole d’antiracisme, nous avons fait notre part ”

Ainsi, arriver à l’âge adulte , c’est donc à nous d’éduquer nos parents blancs et notre famille au racisme que l’on vit, leur expliquer que c’est un vrai problème et qui nous affecte à tout niveau, qu’ils possèdent des privilèges que nous, nous n’avons pas etc….

Mais encore faut-il que le dialogue sur toutes ces choses soit possible et dans une famille qui prétend ne pas voir les couleurs, ça n’est pas chose facile. A chaque fois que j’ai voulu m’exprimer sur le sujet, j’ai été confronté  à leur white fragility c’est à  dire qu’ils se sentent toujours personnellement attaqués et se mettent directement sur la défensive, n’écoutes pas, minimisent tous mes propos ( à titre d’exemples :« oui mais ils n’y  pas que les noirs qui  souffrent », « moi aussi j’ai vécu des choses difficiles et j’en suis pas mort », « tu  dis  vraiment n’importe quoi » ,  « arrêtes de dire des choses aussi  stupides » etc.), et cherchent à stopper au plus vite la discussion. Par exemple, lorsque j’avais voulu expliquer ce que j’avais vécu dans ma scolarité notamment au lycée/ collège, le harcèlement que je subissais lié également au racisme , j’ai eu le droit à “ J’aurais su si t’avais vraiment vécu ça !  Arrête de raconter des histoires,  tu étais très heureuse à cette époque !” . Si je parle du racisme,  des violences policières, de privilège blanc etc.  La réponse est toujours la même « tu nous saoules avec tes histoires de racisme  ! » ou bien mes parents vont chercher à me provoquer sur ça en disant soit quelque chose qu’ils savent surtout mon père, que ça va me toucher et me faire réagir, soit en se moquant de ce que je leur aie dit et en décribilisant tout ce que j’essaie de leur partager. Je ne sais pas s’ils se rendent compte à quel point leur comportement me fait mal et peut-être blessant. J’ai l’impression de parler dans le vide, à des murs. Aujourd’hui j’ai bien compris que le racisme, les problèmes que je vis,  ce sont mes problèmes. Pas les leur et par conséquent, ça ne les intéresse pas, ils ne veulent pas en entendre parler.

C’est ma réalité, pas la leur.

Donc je dirais aux personnes qui élèvent un enfant non-blanc, qu’adopter  » l’aveuglement racial » comme solution au racisme est la pire chose que vous puissiez faire. Ce n’est pas parce que vous ignorez quelque chose que ça n’arrive pas. Votre enfant va devoir gérer ce racisme et ces microagressions d’un côté et il ne comprendra ce qu’il se passe exactement parce que vous ne lui aurez pas appris à faire face à cela. Il se retrouve donc seul parce vous lui avez fait comprendre que vous ne voyez pas les couleurs et par là, la réalité dans laquelle il vit en tant que personne racisée. C’est pourquoi beaucoup d’adoptés transraciaux ne disent plus rien à leur parent, ne se confient pas à eux. On finit par garder tout pour nous, le racisme que l’on vit et les problèmes liés à l’adoption.

En tant que parents d’un adopté transracial, vous ne devez pas seulement voir les couleurs, les différences qui font partie de la diversité, ou avoir conscience que le racisme existe dans un coin de votre tête mais devenir un allié pour votre enfant,  vous devez être ouvert au dialogue sur les questions raciales, vous devez combattre le racisme. C’est à dire que vous devez participer activement à la lutte contre l’injustice raciale. Ce n’est pas à votre enfant de vous éduquer sur ces questions,  ça ne marchera pas, mais à vous de faire des recherches sur la question, de vous informer sur ce que vous ne vivez pas ( racisme, oppression etc.). Prenez conscience que vous faites partis de la majorité et par là des personnes blanches. Donc que vous bénéficiez de privilèges que votre enfant n’aura pas. Vous ne pourrez donc pas protéger votre enfant contre le traitement que le monde lui réservera. Une fois les pieds hors de la maison. Il ne sera pas vu comme un adopté ayant une famille blanche mais comme une personne noire lambda.

Une autre chose est que lorsqu’on parle de l’adoption internationale, personne ne pense au déracinement que la personne a vécu, au traumatisme que c’est d’avoir été séparé de sa famille biologique, de sa culture et de l’environnement auquel nous étions habitués. On ne s’intéresse généralement pas aux conséquences que ça peut avoir pour un enfant en bas âge, un bébé qui ne peut pas comprendre ce qui lui arrive, qui ne connaissait que sa mère et qui tout d’un coup est confié à des étrangers à l’autre bout du monde où tout est différent de chez lui. L’environnement devient d’un coup totalement différent pour lui. On ne pense pas au choc immense que c’est,  un choc sur tous les plans et on s’imagine que tout ça ne devrait avoir aucune conséquence sur ce petit-être, qu’il peut être déplacé et échangé d’une personne à l’autre s’en être affecté. Pourtant les études scientifiques, psychologiques témoignent bien des effets dévastateurs que ça peut entraîner. 

 L’adoption a un coût psychologique et émotionnelle et mentale énorme sur les individus qui reste malheureusement complètement nié par la société à l’heure actuelle.

Donc, nous autres adoptés, on finit par devoir faire face à nos problèmes seul ( dépression , anxiété, solitude, isolement, crises d’identité, problèmes relationnels etc. ) et on souffre en silence. 

Mes parents n’ont malheureusement pas été ouvert aux discussions sur l’injustice raciale mais aussi sur le sujet de l’adoption. Pour eux, je ne devais pas m’y attarder et simplement le voir comme la meilleure chose qui me soit arrivé. Même si j’aime mes parents et que ma vie semble super aujourd’hui, j’aurais largement préféré ne pas avoir été adopté, ne pas avoir été déraciné de mon pays, de ma culture. Ne pas avoir à vivre avec ce traumatisme reconnu de personne que je dois gérer seule, sans soutien. Ne pas avoir à vivre en tant que minorité. Ne pas avoir à vivre de racisme. Ne pas avoir ces crises d’identités, ses sentiments de manque,  de vide.  Ne pas avoir été séparé de ma famille biologique. Ne pas avoir à me voir rappeler constamment combien je devrais être reconnaissante et heureuse.

Pour moi, le déracinement et l’adoption m’a fait perdre une partie de moi, de mon identité véritable. J’ai grandi en ne me sentant jamais à ma place, toujours de trop même si personne ne me le disait. J’ai grandi en me sentant toujours incomprise, isolée et seule. J’ai grandi en ayant des amis qui comprenaient pas mes réactions, mes émotions, mon comportement et qui m’ont toujours laissé tomber par incompréhension parce j’ai toujours eu l’air d’aller bien à l’extérieur. Ils ne pouvaient pas voir qu’être adopté, ça voulait aussi dire avoir vécu un traumatisme et un déracinement dévastateur. C’est avoir perdu mes parents au moment où tout personne en a le plus besoin. C’est naviguer dans un maelstrom d’émotions compliquées et douloureux.

Voilà pourquoi, pour moi, la résilience, ce n’est pas se reconstruire mais c’est donner l’impression d’aller bien quand on a été détruit de l’intérieur.