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#33 Enfant adoptée, cette reconnaissance sans borne que je dois avoir, pèse lourd sur mes épaules.

Il est vraiment difficile pour moi aujourd’hui de parler de mon histoire en tant que personne adoptée.J’ai toujours gardé au fond de moi ce que je vivais, mais en grandissant et en m’ouvrant, cela m’a prolongé dans une profonde solitude.

En effet, peu importe l’âge que j’avais, je n’ai jamais été entendue et surtout, comprise.Que ce soit l’entourage familial, les professionnels de la santé et même les amies qui ont fait partie de ma vie, mon histoire a souvent suscité des jugements.Et même si on acceptait que ce que je disais était vrai, on minimisait alors ma souffrance.

La principale raison vient de l’image que les gens ont de l’adoption.Je me devais de toute façon et ce, peu importe les souffrances, être reconnaissante de mon statut d’adoptée.

« Pourquoi se plaindre du mal, car si on en fait abstraction, tu as plutôt bien vécu matériellement, non ? »

Et pourtant.

Pourtant les conséquences sont qu’aujourd’hui je suis dépressive, suicidaire, sujette aux troubles anxieux, à des traumatismes ou encore des troubles obsessionnels compulsifs. Je ne souhaite pas me marier, je ne souhaite pas d’enfants. Je crains les gens, et comment faire confiance ? J’ai été trahie toute ma vie, rejetée, mal aimée. J’ai été détruite quand j’étais en train de me construire, je ne connais que ça. C’est maintenant et pour toujours une partie de moi.

Pour comprendre mon histoire, revenons quelques années en arrière.

Je voulais prévenir à l’avance que je ne ferais pas de texte de remerciement envers mes parents adoptifs à la fin de mon récit parce que je le fais littéralement tout le temps et que je suis fatiguée de devoir le faire sous prétexte que je viens d’un pays pauvre. Reconnaissante, je le suis énormément peut-être même à outrance mais j’aimerais faire comprendre que cela ne justifie pas tout.

Enfance dans la toxicité ?

Je suis une enfant adoptée d’Haïti. Je suis arrivée entre 18 et 22 mois.

 Entre mon arrivée et l’âge de 7 ans, je n’ai pas vraiment de souvenirs et encore moins de mauvais souvenirs et puis il n’y a pas vraiment grand chose à dire : il n’y a pas beaucoup de photos de moi, l’attention est principalement sur mon frère (qui a malheureusement connu pas mal de péripéties au niveau de sa santé) et de ce que je me souviens jusqu’à la classe du CP (première année de primaire), j’étais plutôt tranquille, calme.

À l’école, je n’avais pas beaucoup d’amis, j’étais assez isolée et j’en pleurais souvent. 

J’ai su que j’étais adoptée l’année de mon 8ème anniversaire.N’ayant pas la même couleur de peau que mes parents (adoptifs), cela coulait de sources et je n’ai pas vraiment été perturbée de savoir qu’ils n’étaient pas mes parents de sang mais le fait de ne pas pouvoir leur ressembler physiquement (notamment en étant blanche) était un peu dur à concevoir au début.

J’ai été curieuse d’en savoir plus sur mes origines rapidement.Mon dossier d’adoption était à ce moment-là dans le grenier et je pouvais le feuilleter autant que je le voulais.Lorsque ma mère (adoptive) s’occupait du linge, j’étais à côté d’elle, lisant mon dossier (sans vraiment comprendre tout ce qui y était écrit) j’avais déjà l’envie d’en savoir plus sur mes origines, sur mon histoire, sur la raison pour laquelle je ne vivais pas dans mon pays d’origine. Je voulais savoir à qui je ressemble.

Un jour, je suis tombée sur une photo.Deux personnes de la même couleur que moi et j’ai demandé à mes parents (adoptifs) qui ils étaient.

« Ce sont tes parents »  m’avaient-ils répondue.

J’ai tant inspecté cette photo en me disant « je peux découvrir enfin à qui je ressemble ».Je me sentais fière, honnêtement.J’ai emmené cette photo à l’école pour la montrer à mes camarades de classe.Je l’avais fièrement près de moi en classe, et j’étais vraiment contente.C’était comme avoir une partie de mon identité auprès de moi.

Puis un jour, j’ai été convoquée dans le bureau de ma maîtresse.Mon père (adoptif) était là, assis au fond de son bureau.Je suis accueillie sur un ton calme, j’étais assez décontenancée.Elle me fait m’asseoir et me dit sur un ton, toujours très calme : « Tu peux me donner la photo que tu avais en classe ? ». Je comprends donc que le problème était que j’avais cette photo avec moi. Au début, j’essayais de simuler que je ne la trouvais plus. Cela a duré quelques minutes avant que finalement je craque. J’ai fini par lui donner.Mais en sortant de son bureau, ma vie a changé.Lorsque j’ai tenté de remettre la main sur cette photo, ma mère (adoptive) a déclaré qu’elle l’avait brûlé.

Quand elle a vu que mon envie de savoir d’où je venais, n’était pas qu’une passade, son comportement a changé.Elle est devenue beaucoup plus dure avec moi.De plus en plus, jusqu’à la maltraitance.

Je savais que mes parents (biologiques) étaient encore en vie, contrairement à l’histoire de mon frère (également adopté) et je voulais des réponses.Mais ma mère (adoptive) s’est sentie en concurrence, elle s’est sentie jalouse sûrement aussi ? Elle a sûrement pensé qu’en savant tout cela, je partirais, ou je l’aimerais moins ?

Elle avait ses propres souffrances de son côté, ses craintes, sûrement ses traumatismes mais ne sachant pas les gérer, j’ai subi les conséquences.

Les coups en premier lieu.Puis les humiliations, les insultes, les moqueries, les rabaissements, les intimidations.J’avais peur d’elle et elle faisait tout pour.Elle me regardait de travers.Elle me regardait avec une telle dureté, un tel mépris.Même quand je souriais seulement, même quand j’étais heureuse, elle tentait de me casser en deux.Je ne souriais donc pas beaucoup et j’avais l’impression qu’elle avait une forte emprise sur moi.

Lorsque j’ai grandi, et durant le début de l’adolescence, pour encore plus accentuer sa dureté envers moi, elle rendait tout interdit et devenait de plus en plus dure, insultante, humiliante et méchante envers moi.Et c’était vraiment frustrant parce que mon frère avait littéralement le droit de tout faire, sous mes yeux. 

Mon seul moyen d’exprimer ma détresse lorsque j’étais enfant c’était par les larmes et ce qu’on appelle « piquer des crises ».Les voisins et les membres de ma famille (adoptive) ne voyaient que cette partie-là, de moi.La petite fille « qui pleure tout le temps » ou qui est « toujours sur la défensive ».Je n’avais pas d’autres moyens de communication, je n’avais pas la maturité adéquate.Alors immédiatement, certains d’entre eux ont commencé à ne pas m’apprécier.Certains d’entre eux pensait que je menais la vie dure à mes parents (adoptifs) notamment ma mère donc ils m’ont détesté petit à petit, ils ont commencé à prendre parti pour ma mère (adoptive).Ils me disaient même tous que j’étais qu’une « malade mentale », que j’avais un « un grain », que « je devais être internée » dans un hôpital psychiatrique. Sérieusement, ce n’était pas qu’une façon de parler, ils pensaient vraiment que j’étais malade psychologiquement.

En plus de la dureté de ma mère adoptive envers moi, le fait que personne ne me défendait et même participait à sa méchanceté, la vie à la maison était anxiogène : disputes récurrentes envers mes parents adoptifs à longueur de journée allant parfois jusqu’aux bagarres. Puis l’alcool est venu petit à petit et de plus en plus.

Aucune vie de famille aussi, aucune complicité, aucune aide, aucun amour, aucun soutien… Rien de tout ce qu’ils avaient promis de me donner en m’adoptant.

Dès petite, j’ai commencé à rapidement m’isoler lorsque j’étais en famille et on m’a beaucoup blâmé pour ça.Être dans ma bulle était ma seule façon de survivre. Je dessinais beaucoup, j’écrivais beaucoup. Rapidement je me suis inventé un monde pour échapper à cette vie. J’ai fait pipi au lit jusqu’à 8 ans, j’avais peur du noir jusqu’à l’adolescence.

Personne, même pas les professionnels de la santé ont tenté de se mettre de mon côté afin de m’aider.Depuis que je suis jeune enfant, j’ai dû apprendre à me défendre seule.Ma carapace et ce caractère bien trempé vient du fait que j’ai dû apprendre à ne pas me laisser marcher sur les pieds très tôt. Je devais m’ affirmer et sans ça, je me serais laissé harceler.Mais bon, pour certains c’était « de la tyrannie » apparemment. 

J’ai essayé de demander de l’aide aux services sociaux lorsque j’avais 12/13 ans.

J’ai appelé le 119, à ce moment-là j’en étais aux scarifications et tentatives de suicide.

Mais sans succès.

 Le fait que je ne manquais de rien matériellement, a été la raison pour laquelle je suis restée dans « cette prison », car oui c’était une prison dorée selon moi. Je n’étais pas prise au sérieux et « je ne pouvais pas être sujette à de la maltraitance » , en ayant une si belle chambre, en étant scolarisée, en ne dormant pas par terre. Je n’étais tout simplement pas crédible, toujours selon eux. Et tout au long de mon enfance jusqu’à mon (aujourd’hui), j’ai été tenu par ça. Et c’est pour cette raison qu’on a minimisé mes souffrances psychologiques.

Mes origines et mon statut de personne adoptée.

J’ai toujours été très intéressée par mes origines haïtiennes.J’ai toujours voulu retourner dans mon pays, j’ai toujours voulu en savoir plus, j’ai toujours essayé d’apprendre la langue.

Ce n’était pas toujours évident à vivre.Même si ça peut paraître anodin pour des personnes extérieures mais savoir d’où l’on vient est important pour notre identité et notre construction.

C’était difficile de voir uniquement des blancs autour de toi et subir des moqueries et du racisme et surtout dans ta soi-disant, propre famille.

Dès l’âge de 10 ans, je me demandais déjà « Pourquoi suis-je noire ? », comme si c’était une maladie.J’avais déjà comme projet de refaire mon nez et me blanchir.Je n’avais que des complexes.Et le plus difficile a été à l’adolescence.Quand on est en pleine construction, c’est vraiment éprouvant.J’ai fini par me détester, j’ai fini par ne plus supporter mon propre reflet.

Ma mère adoptive n’aidait pas en me rabaissant, lorsque je devenais une jeune femme.

Elle et ses sœurs ont été odieuses envers moi lors de ma construction personnelle.

Elles m’ont causé beaucoup de manque de confiance notamment en me décrivant comme quelqu’un que je ne suis pas, à la limite d’être une prostituée et puis pour d’autres membres de ma famille adoptive, le fait que je sois noire, était la raison pour laquelle « j’étais » ou « serais comme ça l’avenir ».

Concernant mon statut d’enfant adoptée, eh bien je ne le vivais pas forcément mal durant ma petite enfance jusqu’à l’entrée au collège. Par la suite, j’ai eu ma vie de famille.Je voyais mes camarades de classe avec leurs parents, leurs familles et j’avais honte de la mienne. J’ai commencé à « m’ inventer une vie » si on peut dire ça comme ça. Je disais que j’avais des contacts avec ma mère biologique et que j’étais proche de ma mère adoptive. J’inventais la vie que je voulais avoir. Aussi surprenant que cela puisse paraître mais l’adoption était un sujet assez sensible à la maison. Quoi qu’avec mon père adoptif, un peu moins mais ma mère adoptive était définitivement incapable de trop en parler. Pourtant c’était sa décision d’adopter. Mais l’adoption était comme tabou.

Elle m’ empêchait d’avoir accès à mon dossier d’adoption, de répondre à mes questions.

Étant donné que mon frère n’était pas particulièrement intéressé par ses origines, elle me faisait énormément culpabiliser sur ça. « Ton frère, lui au moins, il ne cherche pas sa mère. Lui au moins, il s’en fiche. Lui il se contente de nous. » et j’ai entendu ça jusqu’à… eh bien jusqu’à aujourd’hui encore.

Je n’avais pas choisi d’être adoptée mais j’avais besoin de comprendre.

C’était un mal de ma part, apparemment. C’était comme une trahison, une ingratitude de ma part. Et les gens de l’extérieur étaient tous d’accord avec ça.

« Quelle fille ingrate ! »

Je vivais mal cette façon de vouloir me tenir loin de mes origines, de mon histoire, de mon pays. C’était une réelle souffrance, c’était comme un manque. Je voulais vraiment rencontrer ma mère biologique, savoir qui je suis et pourquoi « j’avais été abandonnée ».

N’étais-je pas désirée ?

N’étais-je pas aimable comme bébé ?

Qu’avais-je fait pour ne pas être dans mon pays, comme les autres enfants autour de moi?

Je me suis contentée de croire l’une des sœurs de la mère adoptive, qui m’avait dit un soir qu ‘« en effet, ma mère biologique m’avait abandonnée parce qu’elle ne voulait pas de moi. »

Pour se construire c’est assez complexe mine de rien.

Se dire que dès la naissance, la première personne qui est censée t’aimer ne t’a soi-disant pas aimé et t’as soi-disant rejeté, pour l’amour de soi et l’estime de soi, c’est très destructeur.Je ne pouvais pas m’empêcher de penser « à cette femme ». Je voulais la voir de nouveau, après cette fameuse photo qui n’était qu’un vague souvenir à présent.

Au fond, j’avais un manque.

La dureté de ma mère adoptive, son manque d’amour, son manque d’attention, sa dévotion sans borne pour mon frère, la façon dont j’étais rejetée et tant méprisée par ma famille adoptive, ne comblait pas ce manque. 

Je manquais d’une mère.

À une certaine période, voir la proximité qu’avaient certains avec leurs mères me donnaient les larmes aux yeux. J’avais besoin d’une mère, désespérément. Je tentais d’avoir de l’attention sur moi. Alors quand j’étais petite, c’était en faisant des bêtises puis en grandissant, c’était par les scarifications, les tentatives de suicide.

C’était des appels à l’aide, mais personne n’a jamais décroché.

Je voulais donc retourner dans mon pays, je voulais donc retrouver ma famille biologique.

J’ imaginais tant que ma mère biologique soit en France et qu’en disant mon prénom dans les magasins, elle me reconnaisse.Mais en vain…

Pourtant, je savais faire la part des choses.

Je savais très bien que j’étais adoptée et qui m’avait « élevée », mais une partie de moi était dans ce monde et je ne savais pas où et pourquoi. Ma mère adoptive a tout fait pour pas que j’en sache plus, pour pas que je recherche mon passé. Tout ce qu’elle me disait c’est « On ira dans ton pays un jour. Le visiter ». Mais je savais au fond que ça n’allait jamais se faire.

Vers l’âge de 13 ans j’ai tenté de retrouver mes parents biologiques.

J’ai réussi à mettre la main sur mon dossier d’adoption et avoir leurs noms/prénoms/adresse et numéro de téléphone. Ce qui était incroyable, c’est qu’il y’avait tellement d’informations à leur sujet. Mon dossier était tellement fourni.Alors c’était frustrant et bon sang que ça faisait mal.Les recherches étaient vraiment très difficiles, évidemment.Surtout dans ces circonstances.Alors j’ai gardé le petit papier où j’avais noté ces précieuses informations, dans ma trousse pendant toute ma scolarité (lycée y compris).

Vers l’âge de 17/18 ans, j’étais à ce moment-là en détresse.J’avais essayé activement de retrouver ma famille biologique, enfin surtout ma mère biologique mais je suis tombée très souvent de haut.J’ai fini par dire vouloir abandonner toute recherche et ne plus jamais entendre parler d’adoption.J’étais très en colère et je ne pouvais pas penser qu’elle m’avait mise à l’adoption pour que j’ai une meilleure vie alors que psychologiquement c’était pire.Je pensais que la solution aurait été de m’avorter ou de « me tuer à la naissance ».

À quoi bon ? Qui m’aimait de toute façon ?

J’ai finalement décidé de reprendre les recherches, sur un léger coup de tête, lorsque j’avais 20 ans. Et contre toute attente…. J’ai retrouvé ma mère biologique et ma famille entière….

Les conséquences sur les relations sociales.

Depuis que je suis petite je suis en recherche désespérément d’amour et d’attention. Vers le début de l’adolescence j’ai compris que je ne pourrais pas le recevoir de la part de ma mère adoptive alors j’ai essayé de puiser cet amour ailleurs. J’ai souhaité avoir des amis, beaucoup beaucoup et encore beaucoup d’amis.

Ma première année de primaire ainsi que ma deuxième, j’étais assez seule et délaissée. À partir de la troisième année, j’ai commencé à avoir ma petite bande de copines. J’étais aussi plus ouverte, moins timide et j’allais davantage vers les autres. Que j’étais au centre aéré ou à l’école, j’avais toujours beaucoup d’amis. C’était un peu une façon de combler un vide. C’était une façon d’être aimé quelque part.

Au collège, certaines de mes copines étaient plus âgées que moi. J’aimais bien être avec les plus grands ou les adultes. J’étais un peu chouchouté et on prenait soin de moi. Je pense que cela vient de mon manque d’une mère. Mais évidemment, ce n’était pas évident de vouloir être aimée de tous, avoir l’attention en étant le clown de service. Et lorsque je perdais des amies, c’était comme si on m’ abandonnait de nouveau. C’est comme si de nouveau, je ne me sentais plus aimée de personne.

Et bien pourtant, j’en ai perdu des amis. J’avais une carapace, une crainte, un manque de confiance. J’étais constamment dans la justification, j’étais possessive, j’étais omniprésente, je voulais être aimée et c’était difficile pour moi, pour certains d’entre eux sûrement aussi. J’en ai pris conscience à l’entrée de l’âge adulte mais c’était toujours aussi difficile. Mon passé avait eu un impact considérable sur mes relations sociales, notamment en amour. Je pense que sans cette idée « que j’avais été abandonnée à la naissance », je n’aurais pas perçu les échecs sentimentaux de la même façon. Tout était décuplé. Je prenais les choses beaucoup plus intensément.

À ma première relation amoureuse, j’avais l’impression de reproduire ce que j’avais toujours vu dans le couple de mes parents adoptifs. J’étais « tombé » sur un homme, avec qui nous avions une relation toxique, donc ça faisait doublement écho à ce que j’avais toujours vu : des disputes, de la toxicité, de l’emprise….

À l’âge de 17 ans je ne me disais déjà « plus jamais j’irais avec qui que ce soit. Jamais je ne me marierais. Je ne veux pas un mariage comme mes parents. »

J’ai commencé à énormément me replier sur moi-même à l’âge de 18 ans.J’ai été beaucoup déçue, blessée, abandonnée, méprisée aussi dans l’amitié et encore une fois, les déceptions étaient très dures à encaisser. Beaucoup plus de par mon histoire personnelle. Alors j’ai commencé à devenir encore plus solitaire, replié sur moi. C’était une façon de me protéger, d’avoir moins mal et de surtout, pas mettre trop d’espoir en les autres.

J’ai commencé à ressentir beaucoup d’anxiété, notamment socialement.

Aujourd’hui, les relations humaines et moi ça fait 10 000.

J’ai constamment peur d’être abandonnée, trahie, jugée ou encore abandonnée.Il faut dire que j’ai souvent été mise de côté en premier lieu dans ma famille adoptive. À la fin du collège, je n’avais plus autant d’amies que j’ai pu en avoir auparavant. J’étais souvent la personne « de trop » dont on disait « il reste une place pour elle ? » au moment d’un départ ou alors celle qui n’était pas invité pour les anniversaires. J’ai vite compris en prenant de la maturité, que j’étais dans une illusion et que je n’avais pas tant d’amies que ça. C’était moi qui en voulais, pour combler quelque chose mais cela ne fonctionnait pas.

Lorsque j’étais plus jeune, je jouais souvent un rôle afin d’être acceptée et afin de garder une place auprès des gens mais aujourd’hui je m’exprime plus en étant moi-même et j’ai toujours aussi peur de ne pas être aimé pour ce que je suis. Le vrai moi, quoi. 

Je m’excuse sans cesse, encore aujourd’hui. Je suis toujours désolée d’exister.Même lorsqu’on me fait du mal, je m’excuse.

Mon passé a inévitablement un impact énorme sur ma façon de me faire des amis aujourd’hui.La crainte d’être trahie comme je l’ai toujours été, l’incapacité à faire confiance, cette pensée qu’on parle sur moi comme ma famille adoptive l’a toujours fait. C’est insoutenable toutes ces relations gâchées et certaines d’entre elles par ma faute, à cause de mes souffrances.

Comme je n’ai pas expliqué mon histoire personnelle pendant longtemps, certains pensaient juste que cela faisait partie de ma personnalité : que j’étais solitaire, craintive, dans ma bulle, fermé, dure…alors que c’était l’expression de mon vécu.

Les conséquences sur la santé mentale.

Comme je l’ai dit précédemment, j’ai été sujette à la détresse psychologique, aux alentours de mes 11/12 ans. Quand j’étais plus jeune, je n’avais pas conscience que je souffrais mais oui les pipis au lit, les cauchemars, le repli sur soi…. C’était l’expression de mes souffrances aussi, tout comme les larmes et les crises de colère.

À 11/12 ans, je me scarifiais et dans la même période, j’en étais déjà à vouloir ôter ma propre vie.J’ai grandi dans l’idée de me suicider à chaque occasion. Ça n’a jamais quitté mon esprit. La mort m’était préférable à rester dans ma famille adoptive et la solitude était insoutenable.Je me sens seule depuis toujours, finalement.

À l’âge de 18 ans, je suis tombée dans une sévère dépression dont je ne suis toujours pas sortie. C’était les conséquences de toutes ces années de mal-être, à être seule, sans soutien, à tout supporter, à être trahie, mal aimée.Pas cru, pas entendu aussi.

J’ai tenté de mettre fin à mes jours peu après avoir été diagnostiqué mais ça n’a rien changé à ma vie. J’ai commencé à enchaîner des « thérapies » et des traitements.Je vivais toujours chez mes parents adoptifs, et ce malgré avoir tenté de partir par tous les moyens depuis mes 16 ans. Les entendre se disputer à longueur de temps m’a donné cette peur persistante du conflit. Parfois c’était des bagarres notamment à cause de l’alcool omniprésent.

Aujourd’hui la conséquence est que si quelqu’un hausse le ton alors j’ai peur d’une dispute. J’anticipe les réactions des gens avec tant d’anxiété… Les portes qui se claquent, ça me fait sursauter. Le stress que leurs hurlements provoquent, m’a causé des TOC. Je fais parfois beaucoup de cauchemars et j’ai souvent des flashs de la méchanceté de ma mère et ses sœurs à mon égard lorsque que j’étais ado. Je suis également très sujette aux angoisses, aux insomnies.

Cette dépression m’a fait perdre un nombre important de kilos, parce que je ne trouvais plus la force de me nourrir.

On m’a souvent blâmée d’être dépressive, d’avoir été hospitalisée 3 fois, sans réellement se mettre à ma place, sans réellement comprendre mon histoire.

Mon regard sur mon adoption à l’âge adulte

Maintenant je suis adulte…

J’ai grandi, j’ai mûri, j’ai évolué et heureusement…

J’ai retrouvé ma famille biologique et j’ai pu connaître mon histoire et non je n’ai pas été abandonnée et mal-aimée à la naissance. Même si j’ai cru ça pendant près de 20 ans, ça m’a permis de comprendre que c’était loin d’être vrai, que j’étais aimée et attendue quelque part dans ce monde. Ça n’a pas guéri ma dépression mais ça m’a permis d’être plus en paix. Ça a changé ma vie mais j’ai compris que certaines cicatrices ne pourront jamais cicatriser complètement. J’ai entamé un travail, seule évidemment, pour me reconstruire et aujourd’hui je suis en phase avec moi-même.  Bien dans mes baskets, même si les relations humaines sont toujours très difficiles.

Ce n’est pas ma condition de personne adoptée que je rejette, mais cette image qu’a la société sur l’adoption. C’est insoutenable d’être tant incompris.Même certains de mes amies ont eu des jugements à mon égard et évidemment également les professionnels de la santé.

Ce n’est pas aussi idyllique qu’on aimerait croire et j’aurais aimé que ce soit différent. J’aurais aimé qu’on trouve des solutions pour tous, aller mieux.

Lorsque j’ai rencontré d’autres personnes dans ma situation, je me suis rendue compte que ce n’était pas si rare.Je ne sais pas vraiment si un jour je vais réussir à avancer et me reconstruire durablement. Ça a laissé beaucoup trop de traces sur mon cœur, mon corps et mon esprit. J’aurais mal à vie, c’est indéniable.

La reconnaissance qui pèse fort sur mes épaules

La société aimerait que je pardonne tout à mes parents adoptifs. Parce qu’ après tout, « ils m’auraient sauvé d’un pays en guerre, de la famine… »

Pour ma famille adoptive, je ne devrais même pas relever ces périodes sombres de ma vie mais plutôt m’arrêter sur tout ce qu’ils m’ont apporté malgré tout, comme un toit sur la tête.

Aujourd’hui je passe ma vie à devoir toujours les remercier et reconnaître que « sans eux je ne serais peut-être pas là », mais sans eux je ne serais peut-être psychologiquement pas dans cet état non plus et dans le bon sens du terme.

Je suis déjà reconnaissante à longueur de temps, mais il ne faut pas oublier une chose : ils étaient un couple stérile. Au final, ils ont essayé par tous les moyens d’avoir un enfant mais en vain.L’adoption était pour eux leur dernière chance d’avoir un enfant, même si ce n’était pas biologiquement le leur. Je suis arrivée dans leur vie pour combler leur désir, pour leur permettre d’être appelés papa et maman. Ils devraient être reconnaissant aussi envers « la vie », d’avoir eu la chance de prendre soin de l’enfant d’un autre. Je leur ai permis de réaliser leur rêve, de construire une famille.

La maltraitance, la toxicité, cette vie de famille inexistante, cette pression, méchanceté, dureté…. Ce n’était pas nécessaire.Ils ont tout gâché au final.

Ce n’était pas la famille qu’ils voulaient et encore moins celle que je méritais.

Et assurément, on ne devrait pas justifier la maltraitance psychologique, par le confort matériel.

Pour moi, évidemment c’est culpabilisant. Je n’ai rien demandé et au final, c’est moi qui culpabilise.

J’ai été arrachée à mon pays d’origine pour permettre à un couple stérile de réaliser leur rêve, on m’a empêché de connaître mon histoire jusqu’à mes 20 ans, de connaître plus amplement mon identité culturelle, en me mentant, en me maltraitant psychologiquement : aujourd’hui je suis dépressive et c’est MOI qui, à la fin de la journée, culpabilise ?

Je prends tout sur les épaules mais je dois encore me montrer reconnaissante ?

Mon histoire a encore beaucoup de détails mais j’ai essayé de vous expliquer mon parcours en tant que personne adoptée, dans les grandes lignes et j’espère que le regard d’une grande majorité pourra changer bientôt.

Nous ne sommes pas des objets de désirs à qui on peut tout faire en masquant les souffrances en jouant sur la reconnaissance d’une vie mieux que ce qu’on aurait pu avoir, nos souffrances comptent et la maltraitance n’est pas justifiable.

Même contre un lit en or massif.

Je ne suis pas un cas isolé et mon histoire est loin d’être la plus tragique et sordide, malheureusement.

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#4 Pour moi, être adoptée, c’est donner l’apparence de.

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Pour moi, être adoptée, c’est donner l’apparence de.

Être adoptée dans un pays occidental est généralement perçu comme positif. Chacun pense que nous, les adoptés nous avons tout reçu : une bonne famille, une bonne éducation, une situation matérielle meilleure que celle qui semblait se dessinait à l’origine pour nous. Que forcément tout va toujours aller dans le bon sens. Mais j’aimerais dire que ce n’est pas toujours le cas et l’adoption ou être adopté n’est pas une garantie de réussite et d’épanouissement.

 D’abord, parce que les familles qui adoptent ne sont pas toutes de bonnes familles. Ma sœur, par exemple, a été adopté deux fois parce que la première famille dans laquelle elle est tombé (le couple) n’avait pas fait le deuil de leur premier enfant qui avait été tué par leur voisin. Ils n’ont donc jamais considéré ma sœur comme leur fille et refusait d’ailleurs qu’elle les appelle « Maman » ou « Papa » et l’ont maltraitée et violentée jusqu’à ses 6 ans environ  ( là où enfin elle a pu être adopté par nos parents actuels). Par ailleurs, les familles toxiques sont partout et les adoptants peuvent parfaitement en faire partie !

Enfin, pour nous, adoptés transraciaux, être adopté ça veut également dire que l’on est devenu une minorité dans notre pays d’accueil quand on ne l’aurait pas été dans notre pays d’origine. Dans notre pays de naissance nous n’aurions pas vécu le racisme, l’oppression ou fait face à des discriminations liées à notre couleur de peau. 

Mais bien souvent nos parents blancs n’ont pas pris conscience de ce fait là et n’ont pas été sensibilisé à la cause antiraciste avant l’adoption. Ils nous perçoivent souvent comme des enfants blancs sans s’intéresser au fait qu’on fait parti des minorités.

Combien de fois ai-je entendu le fameux “ je ne vois pas les couleurs”, “pour moi vous êtes tous pareils”, “c’est comme si vous étiez blancs” ! Ils n’ont souvent pas conscience que notre réalité en grandissant sera différente de la leur et que les privilèges dont ils bénéficient nous ne les auront pas, au mieux nous posséderont un certain white-passing mais ça s’arrêtera là.

Quand j’étais petite, je n’avais pas conscience de cet écart parce que j’étais tout le temps avec mes parents donc je bénéficiais pleinement de leurs privilèges et pour moi le racisme, c’était une chose vraiment lointaine et personne n’en parlait à la maison, ce n’était pas un sujet de discussion. Pendant longtemps je n’ai pas su mettre des mots sur ce que je vivais au sein de ma propre famille. Je ne savais même pas que j’expérimentais une forme plus subtile du racisme car dans mon esprit ça ne pouvait être que des actes explicites comme des insultes etc… Je n’avais jamais entendu parler du racisme ordinaire et des microagressions.

Cela se traduisait donc généralement par des plaisanteries ou des stéréotypes sur les personnes noires. Par exemple, je me souviens d’un jour où ma cousine avait sorti “ je ne me mettrais jamais avec un homme noir , ils sont tous infidèles !”  Et ceci devant mon frère qui est un homme noir justement et qui n’est pas du tout comme ça. Comment était-il censé le prendre ? Et je ne parlerais pas des commentaires sur mes cheveux crépus comme “tu ne t’es pas coiffée aujourd’hui” ( j’avais mis beaucoup temps pour faire mon afro), “ on dirait une sorcière”, “ C’est tes vrais cheveux ?” ou des personnes qui s’amusent à faire un accent dit “africain” et ou encore les mains dans mes cheveux sans même demander. Et je ne mentionnerai pas les généralisations constantes comme “ les personnes de tels origines sont comme ci, les africains ou antillais sont comme ça” Tout cela était justifié par des phrases tels que “ toi, tu n’es pas comme eux “, « Mais tu sais bien que je dis ça pour rire, je suis ta/ton [n’importe quelques membres de la famille], ou encore “ Si j’étais raciste, je ne vous aurais pas adopté”.  Selon eux, puisque qu’ils avaient des membres de la famille qui étaient noirs alors aucun de leurs propos ne pouvaient relever du racisme,  ça  les immunisait. 

Même si j’apprécie ma famille, grandir dans une famille blanche colorblind et qui ne reconnaît pas son privilège blanc, qui n’a jamais pensé que ces remarques et plaisanteries peuvent être racistes, a été assez néfaste pour moi car cela a conduit à de pas m’accepter et à intérioriser le racisme sans même m’en rendre compte. C’est vraiment compliqué de s’aimer et d’avoir une bonne estime de soi quand les personnes de sa couleur de peau sont régulièrement dénigrées et associées à des préjugés et clichés par sa propre famille.

 A chaque fois que j’ai été confronté au racisme peu importe la forme, ça a toujours était compliqué pour en parler à mes parents et j’ai rapidement arrêté d’essayer parce que bien souvent je n’avais pas le soutien espéré.

Pour mes parents, j’en faisais trop, j’étais toujours trop sensible, trop agressive,  trop  dramatique . Selon eux, la solution était simplement tout ignorer. J’ai encore à l’esprit les fois où ma mère m’a sortie “ Moi, je ne vis pas le racisme alors je ne peux rien faire pour toi. Il faut juste que tu apprennes à vivre avec.” , “ces histoires-là, ça je me concerne pas, ce n’est pas mon problème ”, “ Toi tu es noire, alors je comprends que cela puisse te parler mais moi je suis blanche », ou encore “Nous vous avons adoptés alors tu vois nous avons agit contre le racisme, maintenant nous sommes une famille multiculturelle donc un symbole d’antiracisme, nous avons fait notre part ”

Ainsi, arriver à l’âge adulte , c’est donc à nous d’éduquer nos parents blancs et notre famille au racisme que l’on vit, leur expliquer que c’est un vrai problème et qui nous affecte à tout niveau, qu’ils possèdent des privilèges que nous, nous n’avons pas etc….

Mais encore faut-il que le dialogue sur toutes ces choses soit possible et dans une famille qui prétend ne pas voir les couleurs, ça n’est pas chose facile. A chaque fois que j’ai voulu m’exprimer sur le sujet, j’ai été confronté  à leur white fragility c’est à  dire qu’ils se sentent toujours personnellement attaqués et se mettent directement sur la défensive, n’écoutes pas, minimisent tous mes propos ( à titre d’exemples :« oui mais ils n’y  pas que les noirs qui  souffrent », « moi aussi j’ai vécu des choses difficiles et j’en suis pas mort », « tu  dis  vraiment n’importe quoi » ,  « arrêtes de dire des choses aussi  stupides » etc.), et cherchent à stopper au plus vite la discussion. Par exemple, lorsque j’avais voulu expliquer ce que j’avais vécu dans ma scolarité notamment au lycée/ collège, le harcèlement que je subissais lié également au racisme , j’ai eu le droit à “ J’aurais su si t’avais vraiment vécu ça !  Arrête de raconter des histoires,  tu étais très heureuse à cette époque !” . Si je parle du racisme,  des violences policières, de privilège blanc etc.  La réponse est toujours la même « tu nous saoules avec tes histoires de racisme  ! » ou bien mes parents vont chercher à me provoquer sur ça en disant soit quelque chose qu’ils savent surtout mon père, que ça va me toucher et me faire réagir, soit en se moquant de ce que je leur aie dit et en décribilisant tout ce que j’essaie de leur partager. Je ne sais pas s’ils se rendent compte à quel point leur comportement me fait mal et peut-être blessant. J’ai l’impression de parler dans le vide, à des murs. Aujourd’hui j’ai bien compris que le racisme, les problèmes que je vis,  ce sont mes problèmes. Pas les leur et par conséquent, ça ne les intéresse pas, ils ne veulent pas en entendre parler.

C’est ma réalité, pas la leur.

Donc je dirais aux personnes qui élèvent un enfant non-blanc, qu’adopter  » l’aveuglement racial » comme solution au racisme est la pire chose que vous puissiez faire. Ce n’est pas parce que vous ignorez quelque chose que ça n’arrive pas. Votre enfant va devoir gérer ce racisme et ces microagressions d’un côté et il ne comprendra ce qu’il se passe exactement parce que vous ne lui aurez pas appris à faire face à cela. Il se retrouve donc seul parce vous lui avez fait comprendre que vous ne voyez pas les couleurs et par là, la réalité dans laquelle il vit en tant que personne racisée. C’est pourquoi beaucoup d’adoptés transraciaux ne disent plus rien à leur parent, ne se confient pas à eux. On finit par garder tout pour nous, le racisme que l’on vit et les problèmes liés à l’adoption.

En tant que parents d’un adopté transracial, vous ne devez pas seulement voir les couleurs, les différences qui font partie de la diversité, ou avoir conscience que le racisme existe dans un coin de votre tête mais devenir un allié pour votre enfant,  vous devez être ouvert au dialogue sur les questions raciales, vous devez combattre le racisme. C’est à dire que vous devez participer activement à la lutte contre l’injustice raciale. Ce n’est pas à votre enfant de vous éduquer sur ces questions,  ça ne marchera pas, mais à vous de faire des recherches sur la question, de vous informer sur ce que vous ne vivez pas ( racisme, oppression etc.). Prenez conscience que vous faites partis de la majorité et par là des personnes blanches. Donc que vous bénéficiez de privilèges que votre enfant n’aura pas. Vous ne pourrez donc pas protéger votre enfant contre le traitement que le monde lui réservera. Une fois les pieds hors de la maison. Il ne sera pas vu comme un adopté ayant une famille blanche mais comme une personne noire lambda.

Une autre chose est que lorsqu’on parle de l’adoption internationale, personne ne pense au déracinement que la personne a vécu, au traumatisme que c’est d’avoir été séparé de sa famille biologique, de sa culture et de l’environnement auquel nous étions habitués. On ne s’intéresse généralement pas aux conséquences que ça peut avoir pour un enfant en bas âge, un bébé qui ne peut pas comprendre ce qui lui arrive, qui ne connaissait que sa mère et qui tout d’un coup est confié à des étrangers à l’autre bout du monde où tout est différent de chez lui. L’environnement devient d’un coup totalement différent pour lui. On ne pense pas au choc immense que c’est,  un choc sur tous les plans et on s’imagine que tout ça ne devrait avoir aucune conséquence sur ce petit-être, qu’il peut être déplacé et échangé d’une personne à l’autre s’en être affecté. Pourtant les études scientifiques, psychologiques témoignent bien des effets dévastateurs que ça peut entraîner. 

 L’adoption a un coût psychologique et émotionnelle et mentale énorme sur les individus qui reste malheureusement complètement nié par la société à l’heure actuelle.

Donc, nous autres adoptés, on finit par devoir faire face à nos problèmes seul ( dépression , anxiété, solitude, isolement, crises d’identité, problèmes relationnels etc. ) et on souffre en silence. 

Mes parents n’ont malheureusement pas été ouvert aux discussions sur l’injustice raciale mais aussi sur le sujet de l’adoption. Pour eux, je ne devais pas m’y attarder et simplement le voir comme la meilleure chose qui me soit arrivé. Même si j’aime mes parents et que ma vie semble super aujourd’hui, j’aurais largement préféré ne pas avoir été adopté, ne pas avoir été déraciné de mon pays, de ma culture. Ne pas avoir à vivre avec ce traumatisme reconnu de personne que je dois gérer seule, sans soutien. Ne pas avoir à vivre en tant que minorité. Ne pas avoir à vivre de racisme. Ne pas avoir ces crises d’identités, ses sentiments de manque,  de vide.  Ne pas avoir été séparé de ma famille biologique. Ne pas avoir à me voir rappeler constamment combien je devrais être reconnaissante et heureuse.

Pour moi, le déracinement et l’adoption m’a fait perdre une partie de moi, de mon identité véritable. J’ai grandi en ne me sentant jamais à ma place, toujours de trop même si personne ne me le disait. J’ai grandi en me sentant toujours incomprise, isolée et seule. J’ai grandi en ayant des amis qui comprenaient pas mes réactions, mes émotions, mon comportement et qui m’ont toujours laissé tomber par incompréhension parce j’ai toujours eu l’air d’aller bien à l’extérieur. Ils ne pouvaient pas voir qu’être adopté, ça voulait aussi dire avoir vécu un traumatisme et un déracinement dévastateur. C’est avoir perdu mes parents au moment où tout personne en a le plus besoin. C’est naviguer dans un maelstrom d’émotions compliquées et douloureux.

Voilà pourquoi, pour moi, la résilience, ce n’est pas se reconstruire mais c’est donner l’impression d’aller bien quand on a été détruit de l’intérieur.